L'admirateur secret
Nathan Kari04/12/2021« Biquette »
Mercredi : depuis le début de la semaine, j'ai réussi à repousser les sollicitations de Valérie au boulot. Comme à son habitude, elle enchaîne les œillades appuyés, les positions provocantes ou les sous-entendus graveleux, mais avec une fréquence plus élevée. Quelque chose me dit qu'elle a encore croisé les doigts lors sa promesse de rester professionnelle au bureau.
C'est aujourd'hui que Maëlle passe son entretien. J'attends depuis le début de la journée impatiemment les résultats. Ça ne devrait plus tarder maintenant, son rendez-vous était il y a une heure.
Justement, voilà le portable rouge qui vibre. Un SMS ; c'est elle : « C'est bon, je suis prise. Je te raconte tout ce soir. » Yes ! Une minute plus tard, c'est mon téléphone personnel qui vibre : je reçois exactement le même message. Mince, elle a préféré prévenir son admirateur avant son père ; une pointe de jalousie me prend. Être jaloux de sa double identité, je fais fort !
Bon, il est temps de répondre. Soyons malin, n'envoyons pas deux fois la même réponse : ce serait con de se trahir ainsi. Je tape le premier et l'envoie : « Excellent, ma belle, je t'adore ! » Ça, c'était l'admirateur. Le second SMS suit derrière, celui de son père : « Bravo, je suis fier de toi, ma biquette. » Et voilà, c'est réglé.
Attends !
Je vérifie les portables… Et merde ! Merde ! Merde ! Les doigts nerveux, je compose le numéro de Lulu. Ça sonne, sonne, sonne… Putain ! Elle va décrocher ou quoi ?
— Allô ? me fait soudain une voix essoufflée.
— Lulu ? J'ai besoin de toi de toute urgence. Tu peux venir au bureau ?
— Euh… ouais, d'accord, je finis et j'arrive. Rachid, accélère la cadence. Il faut que j'y aille.
Ah ? Visiblement, elle était avec un mec, sûrement en plein exercice. Peu étonnant. J'espère qu'elle ne va pas tarder. Je suis en panique complète. Quel con, putain ! En attendant, je préviens mon équipe de son arrivée et leur dis de me l'envoyer tout de suite à mon bureau. Je tourne en l'attendant, imaginant la pire catastrophe.
On frappe à ma porte. Je me précipite pour accueillir ma salvatrice. Elle m'apparaît en minijupe et débardeur ; visiblement, aucune trace de soutien-gorge. Je la fais entrer, ferme et verrouille derrière elle.
— Assieds-toi, ordonné-je.
Je lui tire la chaise, elle obéit. Je contourne le bureau pour venir me jeter dans mon fauteuil. Je lui rends le portable rouge de l'admirateur et lui demande de lire le dernier message envoyé.
— « Bravo, je suis fier de toi, ma biquette. » Et alors ?
— Comme un con, j'ai interverti les deux réponses : celle-là aurait dû être celle de son père.
— Ben, pas grave.
— Oh que si ! C'est une catastrophe ! Biquette, c'est le surnom que je lui donnais quand elle était petite. Elle en avait horreur. De temps en temps, je le ressors pour la taquiner, ou juste comme ça. Elle va forcément savoir que c'est moi l'admirateur, après ça ! Il faut que tu m'aides à rattraper le coup.
— Qu'est-ce que tu proposes ?
— Prends le téléphone. Tu te feras passer pour l'admirateur ce soir quand je serai rentré du boulot. Si tu lui envoies un message alors que je suis juste devant elle, cela dissipera ses doutes et elle n'y verra plus qu'une coïncidence.
— D'accord, mais j'ai mes conditions : je veux avoir accès au compte Twibook de l'admirateur. Ce soir, c'est moi qui joue avec elle.
— Lulu, je t'en prie, ce n'est pas le moment de plaisanter.
— Je ne plaisante pas : c'est à prendre ou à laisser !
— Bon, d'accord, mais fais gaffe à ne pas te faire griller.
— T'inquiète, je vais passer le reste de l'après-midi à éplucher toutes vos conversations pour voir comment tu t'exprimes et ce que tu es censé savoir afin de ne pas faire d'erreur.
Je lui tends le téléphone rouge et les codes d'accès au compte Twibook écrits sur un post-it. Je me colle au fond du fauteuil et tapote nerveusement des doigts sur le bureau. Lulu me dévore des yeux.
— S'il vous plaît, Monsieur, commence-t-elle avec une voix implorante, j'ai absolument besoin de ce job. J'ai trois enfants à nourrir et un mari porté disparu. Je vais me retrouver à la rue si je ne trouve pas de quoi payer mon loyer…
— Lulu, qu'est-ce que tu racontes, bon sang ?
— Tu as l'air un peu tendu, Ad ; je te propose juste un petit jeu. T'inquiète pas, on va arranger le problème avec ta fille.
— Lulu, s'il te plaît…
— Pitié, Monsieur… Je suis prête à tout pour ce job. Je ferai tout ce que vous me demanderez.
Elle se penche en appuyant sur sa poitrine pour la faire ressortir. Ah, celle-là, elle ne perd jamais son temps ! Son regard implore le sexe. Diable, elle est irrésistible ! Je me lève, contourne le bureau et lui fais face. Debout, je la domine.
— Êtes-vous vraiment prête à tout ? À donner de votre personne ? À combler le moindre de mes désirs ? Je suis en homme avec d'énormes besoins.
— Oh oui, Monsieur, tant que j'ai le poste.
— Eh bien, il va falloir vous montrer convaincante. Montrez-moi ce que vous savez faire.
Ses mains sont déjà à l'attaque de mon pantalon. Mon sexe est libéré et une bouche vorace s'en empare. La diablesse me fait tourner la tête. Ma libido était en berne depuis des années, et maintenant la voilà devenue incontrôlable. Je suis l'esclave de mes pulsions sexuelles. J'en tire un énorme plaisir mais au final j'ai peur de me perdre.
Lulu me suce comme une gourmande, et encore une fois me surprend par ses talents admirables. Pendant ce traitement divin, j'oublie tous mes soucis. Je me laisse bercer par le plaisir que me prodigue cette candidate factice.
— Monsieur est satisfait ?
— C'est plutôt encourageant, mais vous pouvez faire encore mieux.
— Dois-je avaler tout votre foutre ?
— Jusqu'à la dernière goutte.
— Comme Monsieur le voudra.
Elle avale mon sexe entièrement sans aucune difficulté et se démène comme une folle pour me faire prendre mon pied. Inspiré par le scénario, je pose ma main derrière son crâne pour la soumettre à mon rythme, sans violence, mais avec fermeté. Je suis un patron pervers, après tout : autant jouer le rôle à fond. Je me sens puissant à imposer ma volonté à une fausse candidate désespérée et prête à tout.
On dirait que Lulu sait parfaitement comment réveiller ma perversion. Jouer à ce petit jeu ne me fera plus tenir longtemps, surtout que sa langue fait des merveilles. Elle me fait perdre la tête, celle-là… un serpent tentateur qui me dirige sur des routes encore plus perverses. Je ne sais pas où cette histoire va me mener, mais j'espère ne pas me brûler les ailes en volant trop près du soleil. En attendant, l'orgasme me prend. Je me déverse dans le fond de sa gorge. Comme promis, elle n'en perd pas une goutte.
J'ouvre la porte de la maison, une bouteille de champagne en main et une boule à l'estomac. Je trouve Maëlle assise de façon raide sur le canapé, le regard perdu dans le vide. Son visage est figé. Aïe, je crains le pire… A-t-elle tout compris ? Va-t-elle me maudire le restant de sa vie ? Si mon stratagème fonctionne, je peux encore sauver les meubles.
— Salut ma chérie, tenté-je. Je suis sorti plus tôt pour qu'on puisse fêter ta brillante réussite. Regarde, j'ai amené de quoi se désaltérer.
Elle se tourne vers moi et me regarde à peine.
— Ah oui… Merci, papa, fait-elle d'une voix absente.
— Tu es sûre que ça va ?
— Euh… oui, bien sûr.
Mouais, l'enthousiasme dont elle aurait fait preuve en temps normal n'est pas là. À sa voix, je sens qu'elle est préoccupée. Comme je le craignais, elle doit se douter de quelque chose. Cependant, elle ne doit être sûre de rien, sinon elle m'aurait déjà fait une scène. C'est plutôt bon signe, alors.
Bon, dans quelques minutes, Lulu – en tant qu'admirateur – va lui envoyer un SMS afin de me disculper. Plus qu'à attendre. Je mets la bouteille au frais et monte dans ma chambre afin de ranger quelques affaires.
C'est là que je remarque un détail étrange : le tiroir de ma table de nuit est mal fermé. Ayant un petit côté maniaque, c'est quelque chose qui n'arrive jamais avec moi. Pris d'un doute, j'observe ma chambre en détail. Des affaires ont légèrement bougé de place. J'ai bien l'impression qu'elle a été fouillée, ce qui confirme que Maëlle a des doutes. Elle cherchait sûrement des preuves ou des indices.
Je redescends et la rejoins dans le salon. Je fais comme si rien n'était.
— Alors, raconte !
— C'était super stressant, commence-t-elle d'une petite voix. Ils étaient deux à me faire passer l'entretien, le directeur et une prof ; enfin, je crois qu'elle l'était. Le premier m'a pris mon book sans même m'adresser la parole. C'est la seconde qui m'a questionnée. J'ai tout donné, dit tout ce que j'avais à dire. Elle m'a écoutée. L'autre ne semblait rien entendre. Il a tourné les pages de mon book sans s'y attarder. J'avais l'impression qu'il s'en fichait complètement. C'est quand j'étais en train d'exposer mes motivations qu'il m'a coupée pour me dire que j'étais prise. Je crois que j'ai lâché un cri de joie à ce moment-là.
— Bravo, ma chérie !
Bon, ça fait plusieurs minutes que Lulu aurait dû envoyer le SMS. Qu'attend-elle ? Je regarde ma montre avec nervosité.
— On va passer une bonne soirée tous les deux. Je vais te préparer un bon petit plat et on se boira une flûte de champagne. Toi, tu te poses et tu profites : c'est ta soirée, tu l'as bien méritée.
Je file en cuisine et sors mon téléphone pour contacter Lucie.
« Qu'est-ce que tu fous, bon sang ? Elle a fouillé ma chambre. Elle a des doutes, c'est sûr. »
Le SMS de réponse ne tarde pas :
« Et comment elle réagit ? »
« Pas trop mal pour le moment. Mais elle a le regard perdu et semble absente. Envoie-lui le SMS pour la rassurer. »
« Je le ferai tout à l'heure. »
« Quoi ? Comment ça, tout à l'heure ? »
« Tu veux te taper ta fille, oui ou non ? Tu as l'occasion de voir comment elle réagit à cette idée. Tente une approche. »
« C'est pas ce qui était prévu ! »
Mais la garce ne me répond plus. Rhââ, quelle saleté ! Elle va me mettre dans la merde. Non, je m'y suis mis tout seul. La folle, je ne peux rien risquer, c'est trop dangereux. Oui, malheureusement, je fantasme sur ma fille ; mais s'il devait se passer quelque chose entre nous deux, en tant que père et fille, notre relation en sera irrémédiablement affectée. Qui sait quelles seront les conséquences… Et ça, c'est seulement dans l'hypothèse que ma fille fantasme aussi sur moi, ce qui est loin d'être sûr. Non, je ne peux pas prendre le risque de tenter une approche.
De retour dans le salon, Maëlle est toujours aussi catatonique. Son visage se tourne vers moi ; son regard est indéchiffrable. Soudain, elle se lève d'un coup.
— Je crois que je vais aller prendre un bain. J'ai besoin de me mettre plus à l'aise.
— Dommage, tu étais bien charmante en tailleur.
Elle me dévisage, rougit et se sauve. Quel con ! C'est sorti tout seul. Je retourne en cuisine pour préparer le repas. Envie de me mettre de la musique pour me changer les idées. Plus assez de batterie sur mon téléphone. Je remonte à l'étage pour récupérer mon chargeur.
L'eau coule dans la salle de bain. La porte est restée entrouverte. Grâce au miroir, j'aperçois une Maëlle de dos et nue, en train de surveiller le niveau de son bain. Peur de me faire surprendre, je ne reste pas en place.
C'est étrange ; habituellement, elle verrouille toujours la porte, mais pas cette fois. Est-ce un piège pour me tester ? Une volonté de s'exhiber ? Ou peut-être s'est-elle tout simplement dit que ce n'était pas la peine de fermer la porte, vu que j'étais censé rester en bas.
Je file dans ma chambre et récupère l'objet de ma quête. Retour en cuisine où je m'attelle à préparer le repas. Ce sera une quiche avec une petite salade en accompagnement, ce qui devrait la satisfaire. Du punk rock dans les oreilles me permet de me détendre un peu.
Maëlle redescend une heure plus tard, juste au moment où tout est prêt. Je me retourne pour découvrir mon petit ange dans une tenue légère : un débardeur léger et décolleté sans rien dessous ainsi qu'un mini-short en guise de pyjama.
— Ah oui… fais-je, surpris. En effet, tu t'es mise à l'aise.
— Ça te dérange ?
— Euh, non. Tu fais comme tu veux.
Ce regard… Surveille-t-elle ma réaction ? Serait-elle en train de me tester ? Déjà la porte de la salle de bain tout à l'heure. Après, il ne reste plus qu'à savoir pourquoi. Soit elle lance des appâts pour me démasquer, pour que je me trahisse, soit elle fantasme aussi sur moi et cherche à me chauffer pour que je perde mes moyens. La seconde théorie me plaît plus, forcément, mais faudrait pas prendre mes rêves pour la réalité.
Elle s'approche de la table et se penche pour regarder le contenu du saladier que j'ai préparé en guise d'accompagnement. J'ai une vue parfaite sur son décolleté. Flairant le piège, je détourne les yeux. Je vais au frigo et récupère le champagne pour en remplir nos flûtes. Nous trinquons à sa réussite et à son brillant avenir. Nous avalons de grosses gorgées.
Maëlle s'avance vers moi et me prend les mains. Je la dévisage sans comprendre. Elle fait un signe de tête vers mon téléphone. C'est une chanson des Sauvages Macaques qui passe, un de leurs plus anciens tubes. Elle veut danser. Bien, elle est de meilleure humeur que tout à l'heure.
Nous dansons dans tous les sens. Notre chorégraphie n'a aucune cohérence mais Maëlle laisse échapper des éclats de rire. C'est bien de la voir s'amuser. Ses mouvements désordonnés lui font sauter la poitrine. C'est bon à voir, mais je reste discret de peur de me faire surprendre. Ses yeux fixent souvent les miens comme pour les surveiller. Difficile de savoir ce qu'elle a en tête…
Elle se montre plus joueuse durant le refrain, faisant exprès de me bousculer. Elle m'attaque par des chatouilles. Je suis obligé de contre-attaquer en posant mes mains sur son corps bouillant. Au premier contact elle éclate de rire et se jette dans mes bras. La chanson finit par un gros câlin. On se fixe dans les yeux. J'ai envie de l'embrasser mais n'ose pas.
— Je suis tellement fier de toi, ma chérie… et ta mère le serait aussi si elle était encore de ce monde.
— Merci, papa. Je t'aime.
Bon, si elle se doute de quelque chose, elle ne semble pas mal le prendre pour le moment. Lulu avait peut-être raison : j'ai vraiment une chance. Mais ma boule à l'estomac m'empêche toujours de prendre le moindre risque.
Après avoir vidé une deuxième flûte nous décidons d'aller dîner sur la table basse du salon. La bouteille de champagne se vide pendant le repas, devant un film que nous connaissons par cœur : Ninja Attack II.
L'alcool nous est monté à la tête, et Maëlle a complètement baissé sa garde. Elle se penche souvent négligemment, alors j'en profite pour la reluquer. Ma honte est inhibée par l'alcool.
Après le repas, nous nous collons l'un à l'autre au fin fond du canapé pour regarder la fin du film. Je me sens bien, détendu. Je me laisse tenter. Ma main glisse dans son dos et atteint son fessier pour le caresser comme j'avais pu le faire la dernière fois. C'est là que Maëlle recule et m'observe bizarrement.
— Papa, je peux te poser une question ?
— Euh… oui, prends-je peur.
— Attends…
Son portable vient de vibrer. Elle regarde son SMS ; son humeur est indéchiffrable. Elle me dévisage, relit son message, me regarde de nouveau et souffle comme si on lui avait retiré un poids.
— Non, laisse tomber, papa. Je suis crevée. Je monte dans ma chambre. Je t'aime, bonne nuit.
— Oui, bonne nuit ma puce.
Ma vie était sur le point de changer irrémédiablement d'une façon ou d'une autre, et c'est à ce moment-là que Lulu s'est décidée à envoyer enfin son message. Un SMS me le confirme : « Et voilà, c'est fait. C'est à mon tour de m'amuser ! J'espère que tout s'est bien passé. »
Suite : L'admirateur secret 2