L'admirateur secret
Nathan Kari04/12/2021Allez, commençons !
Et voilà comment nos échanges débutent. Je commence avec des questions softs, histoire de la mettre en confiance. J'ai la chance de pouvoir en apprendre plus sur elle, des détails qu'elle me cache peut-être, comme je l'espérais, alors mieux vaut ne pas la braquer.
Nous commençons donc par parler musique, puis littérature et enfin cinéma. Elle me parle des œuvres qui l'ont marquée et qui l'inspirent. Bien que je connaissais déjà pas mal de choses, j'ai la chance d'en apprendre plus. Elle est beaucoup plus généreuse en détails. J'ignorais le véritable impact que certaines œuvres avaient pris sur elle et sur sa vision du monde. Je savais qu'elle les appréciait, mais pas à ce point-là.
— Et tu as vu Ninja Attack IV, le fils du Dragon ? Selon moi, le meilleur de la saga.
— Oui, je l'ai vu. Mon père est un inconditionnel de la saga. C'est lui qui m'a initiée à l'univers. Alors quand il a appris qu'ils entamaient une nouvelle trilogie, il était aux anges. Nous avons donc été le voir tous les deux. Pour être honnête, je l'ai trouvé naze.
Quoi ? Vraiment ? Pourtant ce n'est pas ce qu'elle m'avait dit en sortant de la salle. Merde alors, pourquoi m'a-t-elle menti ?
— Ah oui ? Qu'est-ce qui t'a déplu ? J'ai trouvé que c'était un spectacle époustouflant, que les chorégraphies étaient très bien gérées et que les effets spéciaux étaient vraiment magnifiques.
— Oui, ça je ne peux le nier ; mais pour moi ce n'est que de l'esbroufe servant uniquement à cacher la vacuité du scénario. Ce n'est que du tape-à-l'œil sans réel fond derrière. Pour le coup, j'ai préféré largement le II – La malédiction de l'assassin – qui était le plus intimiste et qui proposait un véritable propos. Il n'avait pas besoin d'en faire des caisses pour être intéressant. Et puis, c'est quoi cette grosse incohérence de faire apparaître de nulle part un fils au Dragon ? Cela détruit toute la construction du personnage du Dragon – qu'on nous avait toujours présenté comme un personnage asexuel, d'ailleurs – et de sa quête de rédemption. Merde, quoi, son arc était vraiment ce qu'il y avait de plus intéressant dans la première trilogie avec ce final dramatique à souhait, c'était magnifique. Ils ont tout gâché avec cette histoire de fils. Surtout que ce dernier est un personnage bien plus fade en comparaison.
Eh ben ? C'est vrai que vu comme ça, elle n'a pas tort. Mais alors, pourquoi a-t-elle fait semblant d'apprécier avec moi ?
— Et ton père, qu'en a-t-il pensé ? A-t-il été déçu lui aussi par le film ?
— Ah non : lui, il est resté à fond dans le film tout le long. Il l'a trouvé parfait !
— Alors j'imagine que ça a dû créer un débat houleux entre vous deux.
— En fait, non ; je ne lui ai pas dis que je n'avais pas aimé. Je ne voulais pas le décevoir.
— Je ne suis pas sûr de comprendre. Pourquoi aurait-il été déçu ? Tu as bien le droit d'avoir tes propres goûts, non ?
— Ben, c'est un truc qu'on partage depuis que je suis toute petite. Alors il était heureux de pouvoir m'emmener voir ce nouvel épisode au ciné. S'il apprend que j'ai détesté le film, ça va lui gâcher ce moment. Il refusera que je l'accompagne quand sortiront les prochains films.
— Tu préfères donc te coltiner des films que tu n'aimes pas ?
— Ben oui, ils sont peut-être nazes mais je suis heureuse de passer du temps avec mon père, et je sais que lui aussi, ça lui fait plaisir. Je ne raterai donc ça pour rien au monde, même si les prochains opus s'annoncent encore plus catastrophiques.
Purée, je suis très touché. Prête à se sacrifier juste pour passer du temps avec son père… J'ai quand même une chance incroyable d'avoir une fille comme elle !
— Je crois que ton père doit être vraiment fier d'avoir une fille comme toi. D'un autre côté, je pense qu'il préférerait que tu lui dises la vérité. Ce n'est pas mal d'avoir des divergences de goûts ; et quitte à passer un moment ensemble, vous pouvez trouver sûrement une activité qui te conviendrait mieux.
— Oui, tu as peut-être raison. J'y réfléchirai.
— Bon, sinon il est tard et je suis crevé. Merci pour cette soirée, c'était une conversation fort agréable.
— Moi aussi j'ai apprécié. Je suis prête à recommencer dès que tu veux, et même à aller plus loin. Je serai disponible tout le week-end si tu veux.
— OK, je verrai si j'ai du temps. Bonne nuit.
— Bonne nuit aussi, mon cher admirateur.
Pour une première conversation, j'en ai appris déjà pas mal sur elle alors que nous ne nous sommes concentrés que sur des sujets softs. Je crois que cette expérience peut nous être vraiment bénéfique à tous les deux. Notre relation père-fille risque de s'en trouver renforcée. Finalement, je ne suis pas mécontent de m'être lancé dans cette aventure. J'ai hâte de découvrir ce que je peux apprendre d'autre, d'autant plus qu'elle se montre très coopérative. « Je suis prête à aller plus loin. » : quoi que ça veuille dire, c'est plutôt encourageant.
Le lendemain matin je m'occupe des courses afin de remplir notre frigo, aussi je ne croise pas ma fille. De toute façon, elle est plutôt du genre lève-tard. Je me demande si elle va me parler maintenant de sa véritable opinion sur Ninja Attack IV ou si elle va attendre qu'une occasion plus adaptée se présente. À moins qu'elle ne continue de jouer la comédie. Ce serait dommage.
Je ne rentre qu'en fin de matinée, et alors que je m'attendais à la trouver encore en pyjama et la tête dans la brume, je la croise toute fringante. Elle s'est mise sur son trente-et-un. Je lui fais savoir ma surprise.
— Je n'arrivais pas à dormir ce matin, alors je me suis levée de bonne heure, m'explique-t-elle.
— Et le maquillage, c'est pour quelle occasion ?
— Ben comme ça, j'avais envie, c'est tout. Je n'ai pas le droit ?
— Bien sûr que si, ma puce. Désolé, je ne voulais pas te vexer.
— Ce n'est rien…
Je range les courses, prépare à manger puis nous passons à table. Elle n'est pas très bavarde ce midi et semble agitée, nerveuse, pressée. Elle engloutit son assiette à une vitesse folle. Je l'observe sans lui poser de questions sur son empressement, risquant de la braquer comme pour le maquillage. Qu'est-ce qui la hâte autant ? Est-ce en rapport avec son admirateur secret ?
En moins de deux, elle débarrasse la table puis se dirige vers sa chambre. Me voici à mon tour vexé. Hier soir elle affirmait à son admirateur vouloir passer du temps avec son père, et là, elle ne m'a à peine parlé et expédie en vitesse notre repas en commun, comme si ma présence l'emmerdait.
— Qu'est-ce qui te presse autant ? Tu comptes faire quoi cet après-midi ?
C'est sorti tout seul, sur un ton de reproche. Merde, je sais que je ne devrais pas prendre la mouche pour si peu, mais c'est plus fort que moi. Quand elle se comporte comme cela, elle me donne l'impression qu'en réalité elle n'a rien à foutre de moi.
Elle se retourne et refrène un regard noir qui aurait eu l'air de dire « ne te mêle pas de ma vie », comprenant sans doute que son attitude m'a blessé.
— Je ne sais pas trop, papa. Je crois que je vais traîner un peu sur l'ordinateur, et peut-être bien dessiner.
— Ah oui ? Bon. Ben bon après-midi alors.
— Merci, papa, à toi aussi.
Et la voilà qui disparaît dans le couloir qui mène à sa chambre. À coup sûr, je ne reverrai pas son visage avant ce soir. C'est le week-end ; on pourrait passer le temps ensemble, mais non, elle préfère s'enfermer dans sa chambre comme trop souvent. Et tout ça pour quoi ? Pour espérer parler à son admirateur secret ? Ben, je crois qu'il va être indisponible aujourd'hui. Oui, je sais, c'est minable comme vengeance, mais ça me défoulera.
Je me sors une bière du frigo et m'installe sur le canapé, devant la télé à la recherche d'un film qui pourra me faire penser à autre chose. Je tombe sur un film d'action décérébré ; voilà le programme parfait pour me vider la tête !
Au bout d'une heure, je m'aperçois que les images défilent sans qu'à aucun moment je n'ai réussi à entrer dans le film. Je n'ai rien compris aux relations entre les personnages ni aux motivations du héros. La faute au fait que je n'arrête pas de repenser à la conversation d'hier soir et à affabuler sur tout ce que je peux apprendre de plus. Peu à peu, la curiosité me dévore. J'éteins la télé, branche l'ordinateur du salon et je me connecte à Twibook.
Le profil de Maëlle indique « occupée ». Qu'est-elle en train de faire ? Bon, je vais attendre un peu pour voir si l'arrivée de son admirateur la fait réagir. En attendant, je consulte mes mails et les actualités. Une page de messagerie instantanée s'ouvre soudain.
« Ben alors, tu ne veux plus me parler ? »
« Tu étais marquée « occupée », je ne voulais pas te déranger. »
« Ben tu aurais dû parce que tu ne me déranges absolument pas. Et dans le pire des cas, si j'avais été trop occupée, je te l'aurais dit et c'est tout. Je ne t'en aurais pas voulu d'avoir essayé de me parler, bien au contraire… La prochaine fois, viens me parler directement. »
« OK. Et du coup, tu faisais quoi, sans vouloir être indiscret ? »
« Je dessinais. »
« Ah oui ? J'ignorais que tu savais dessiner. »
En vrai, non. Elle a toujours aimé dessiner, mais je me dis que quelqu'un d'extérieur à notre foyer n'est pas forcément au courant, et comme je veux que mon personnage de l'admirateur secret reste crédible, il ne faut pas que je fasse d'erreurs sur ce genre de détail qui pourrait me trahir.
« Savoir dessiner est un bien grand mot ; disons que je me débrouille, et que c'est une activité que j'apprécie car elle me permet de me vider complètement la tête. Tu veux voir quelques-unes de mes œuvres ? »
« Oui, avec plaisir. »
Elle m'envoie alors quelques croquis : des animaux, des gens marchant dans la rue et des paysages. Il y en a pas mal, et c'est assez varié. Sur certains que je devine anciens, on remarque quelques erreurs grossières et des maladresses, mais les plus récents semblent beaucoup plus maîtrisés. Je lui fais part de mes compliments.
« Merci, c'est gentil, bien que j'aie encore énormément de progrès à faire. »
« Moi je trouve déjà très bien comme cela. Je t'assure, ils sont magnifiques. »
« Peut-être, mais cela me frustre de ne pas arriver à dessiner exactement ce que je vois. C'est pénible ! J'ai envie de tout jeter parfois. J'aimerais tant savoir vraiment dessiner… »
« Tu sais, bien dessiner n'est pas forcément dessiner réaliste. Tous les artistes ne font pas des œuvres réalistes. Bien souvent c'est le style qui prime, ainsi que l'ambiance et l'univers. Et dans ce que je vois de tes dessins, tu as une patte bien à toi avec un trait fin, subtil et délicat. Non, vraiment, j'aime beaucoup. »
« Merci, ça me touche beaucoup. Tu le penses vraiment ? Tu veux voir le dessin sur lequel j'étais en train de travailler ? »
« Bien sûr que oui, bien entendu. »
Elle m'envoie un nouveau fichier. M'apparaît une jeune fille, en robe, allongée sur un lit dans une pose assez lascive. J'en reste bouche bée. Je ne lui connaissais pas un tel talent.
« C'est magnifique. Ton dessin transpire la sensualité. Pour le coup, ton trait est parfaitement adapté à ce type de dessin ; il est au service de l'atmosphère. Je suis très impressionné. »
« Merci… Si tu me voyais, je suis rouge comme une tomate après tant de compliments. »
« Je viens de réaliser : c'est un autoportrait. C'est toi sur le dessin ! »
« Alors on me reconnaît, c'est vrai ? Je n'étais pas très sûre. Oui effectivement, c'est bien moi. Je me suis basée sur une photo. J'ai toute une série de dessins comme ça. Certains sont, disons, plus suggestifs, je ne sais pas si je te les montrerai. »
« Tu fais comme tu veux, ma belle. »
« On verra si tu es sage, ah-ah ! »
« Et le photographe dans tout ça ? Il s'appelle comment ? »
« Elle s'appelle Lucie ; c'est une camarade de classe. C'est elle qui a eu l'idée que je m'entraîne en me basant sur des photos. »
Lulu ? Une très bonne amie de ma fille. Elle passe souvent à la maison. C'est une fille au caractère que je qualifierais d'électrique, très sympathique, agréable, et qui ne manque pas de charme. Savoir qu'elle est l'auteur des photos de ma fille me rassure. Je crois que je n'aimais pas l'idée qu'un mec ait pu avoir l'occasion de photographier ma fille dans des poses suggestives. Dans ma tête, j'imaginais déjà la situation déraper, où le mec trop excité se jetait sur elle et la prenait par tous les trous, ou récupérait les photos et menaçait ma fille de les diffuser si elle ne se soumettait pas à ses désirs les plus pervers. Putain d'imagination fertile !
Brrr, toutes ces visions d'horreur me font froid dans le dos. M'en vient le désir d'aborder avec elle la fameuse question que je redoute tant. Mais je ne sais pas comment aborder le sujet. Situation plutôt compliquée !
« Maëlle, je voudrais te poser une question un peu délicate. Mais si tu ne veux pas y répondre, ce n'est pas grave. Me le permets-tu ? »
« Non, je ne suis plus vierge. »
Ah ? Bah, ce n'était finalement pas si compliqué. Elle a lu dans mes pensées ou quoi ? Quoi qu'il en soit, le découvrir me tord l'estomac. Quelqu'un a osé piller mon trésor ! Si j'avais en face de moi le type qui a fait ça, j'aurais presque envie de lui foutre mon poing dans la face.
« OK, d'accord. »
« Quoi, c'est tout ? Tu ne veux pas en savoir plus ? »
« Je ne voudrais pas te mettre mal à l'aise avec des questions qui ne me regardent pas. »
Mais je meurs d'envie de te les poser tout en étant absolument terrifié par les réponses.
« Alors on va faire un marché, cher admirateur : tu me poses toutes les questions dont tu veux les réponses, et c'est moi qui décide si elles m'embarrassent ou non. Tu as voulu me contacter pour apprendre à mieux me connaître, alors assume et arrête de te défiler ! On a un deal ? »
« Oui, on en a un. Merci ! Tu as un petit-ami ? »
« Non, pas depuis quelque temps. »
« C'est avec lui que tu as couché ? »
« Non, il voulait mais je ne me sentais pas prête, bien que je l'aimais beaucoup. Nous avons rompu avant qu'il ne se passe quoi que ce soit de sérieux. »
« Combien de temps cela a duré entre vous deux ? »
« Nous sommes sortis ensemble quatre mois, mais vers la fin nous n'arrêtions pas de nous engueuler. Pour des broutilles, en plus. Bref, nous avons décidé de se séparer. »
« La rupture n'a pas été trop dure ? »
« J'avais très peur qu'il me manque, mais je m'en suis rapidement remise. À vrai dire, je me suis sentie plutôt soulagée. Je suppose que je ne devais pas être si amoureuse de lui, en fin de compte. »
Donc ma fille a eu un petit-ami pendant quatre mois et ne m'en a jamais parlé. Quand je disais qu'elle me cachait des choses !
« Qui a été ton premier, alors ? »
« Un garçon d'une autre classe de terminale, un qui me semblait pas aussi immature que les autres mecs. Il était sympathique et avait pas mal d'humour. »
« Était ? »
« Oui, il l'était. Enfin, il l'est toujours, mais maintenant je m'en fous. »
« Tu étais amoureuse de lui aussi ? »
« Non, il me plaisait, c'est tout. D'habitude je suis loin de m'arrêter sur le physique, mais lui, il me faisait absolument craquer. Je sais que c'est mieux si pour la première fois on aime la personne, mais sur le moment j'en avais rien à faire. Je le voulais, c'est tout. »
« C'était quand ? »
« C'était il y a trois mois à peu près. »
Elle était donc majeure, il y a trois mois. Bon, elle a attendu sa majorité pour coucher avec un garçon, c'est déjà ça. « Trois mois ? Et c'est déjà fini ? »
« Ben en fait nous avons couché qu'une fois ensemble. L'expérience n'a pas été vraiment concluante. C'était certes agréable, mais pas sensationnel, loin du feu d'artifice que mes copines m'avaient promis. J'ai été plutôt déçue, à vrai dire. J'aurais peut-être dû attendre de le faire avec quelqu'un que j'aimais vraiment, finalement. »
« Les premières fois sont parfois décevantes. Après ça va mieux. »
Euh, je n'aurais pas dû lui écrire cela. Elle risque d'être encouragée à retenter l'expérience. Quel crétin !
« Et comment il s'est comporté ? A-t-il été correct avec toi ? De mon temps, les mecs aimaient bien se vanter après avoir couché avec une fille. Ils leur collaient parfois des réputations de salopes. »
« Ne t'inquiète pas, il a été très correct et n'a rien fait de tout ça. À vrai dire, je pense qu'il s'imagine que c'est de sa faute si je n'ai pas pris beaucoup de plaisir, qu'il n'a pas été assez performant, alors qu'en fait ce n'était tout simplement pas la bonne personne. Du coup, il ne doit pas avoir envie de s'en vanter. »
« Oui, cela ne marche pas à tous les coups. Certaines personnes sont en osmose, d'autres pas du tout sur la même longueur d'onde. Il y en a eu d'autres après lui ? Tu es une fille très jolie ; les garçons doivent se bousculer sur ton chemin. »
« Oui, ils y en a quelques-uns qui ont tenté leur chance mais je les ai envoyés bouler. En fait, je trouve que la plupart des mecs de mon âge sont inintéressants et assez immatures. Je crois que je préfère les hommes plus âgés, en fait. »
« C'est donc tout ? Si je résume, tu n'as couché qu'avec un seul garçon et ce qu'une fois. »
Bon, elle n'est plus vierge, mais c'est moins pire que ce que je craignais. Elle a été plutôt raisonnable, n'a couché que quand elle en a eu vraiment envie et ne s'est laisse pas laissé séduire par le premier venu. Je me sens un peu rassuré.
« Ben, pour être honnête, ce n'est pas vraiment tout. Mais je ne crois pas que je devrais t'en parler… »
Hein ? Quoi ? Qu'est-ce qui peut être pire que ce qu'elle m'a déjà raconté ? Je suis soudain pris d'une terrible angoisse. Qu'est-ce que ça veut dire « je ne crois pas que je devrais t'en parler » ? Merde, non, je veux savoir !
« Après tout ce que tu m'as déjà dit ? Me voilà très intrigué. Mais bon, tu es libre de me le dire ou non. »
J'avais lu une fois que le simple fait de dire à quelqu'un qu'il est libre ou non de faire une action augmente grandement la probabilité qu'il choisisse de la faire. C'est une astuce bien connu des manipulateurs. Je ne souhaite pas manipuler ma fille, mais j'ai vraiment besoin de savoir.
« Oui, tu as raison. Tu te souviens tout à l'heure, je t'ai parlé de mon amie Lucie, celle qui m'a prise en photo pour les dessins. »
« Oui, je m'en souviens. »
« Eh bien, pendant la séance photo, elle a voulu que j'en fasse de plus en plus suggestives. Elle m'a poussée à me déshabiller. Je ne voulais pas trop au début, mais finalement la situation avait quelque chose d'excitant ; alors je me suis laissé convaincre. Elle a donc continué les photos, m'indiquant des poses de plus en plus impudiques. Puis elle a voulu prendre mon cul et ma chatte en gros plan, alors elle s'est approchée, a pris une photo, s'est encore approchée en m'indiquant d'écarter les cuisses en grand, a pris une autre photo, s'est encore approchée et a commencé à me doigter. Je ne sais pas pourquoi je l'ai laissé faire, mais je crois que notre séance photo m'avait fait perdre la tête. Peu de temps après, sa langue a rejoint ses doigts et je l'ai laissé me faire un cunnilingus. Si ma première fois a été décevante, là j'ai décollé en un rien de temps. C'était horrible : j'avais envie de hurler de plaisir mais je devais me retenir parce que mon père était à la maison. J'avais trop peur qu'il débarque sans prévenir dans la chambre. »
« Eh bien, cela ne me semble pas si horrible que ça. Tu as dû prendre beaucoup de plaisir. Il n'y a aucun mal. »
« Oui, c'est vrai, mais c'était juste comme ça. Je t'assure que je ne suis pas lesbienne. C'est bien les hommes qui m'intéressent. Tu me crois ? »
« Bien entendu, je n'ai aucune raison d'en douter. »
Pourquoi insiste-t-elle là-dessus ? Ce n'est pas parce qu'une fille lui fait un cunni que ça fait automatiquement d'elle une lesbienne. On dirait qu'elle a peur que je pense ça d'elle.
Quoi qu'il en soit, l'heure du dîner se rapproche et nous mettons fin à cette conversation, nous promettant de la reprendre dans la soirée. Le repas se passe dans un silence relatif. J'observe ma fille manger tout en ayant notre conversation en tête. Mon regard sur elle commence à évoluer. Je ne la vois plus comme une petite fille fragile mais comme une véritable femme épanouie et remplie d'envies. Diable, comment cela a-t-il pu autant m'échapper ? Elle a grandi sans que je ne m'en aperçoive.
Après le repas, je ne suis pas long à rallumer l'ordinateur du salon. Je n'ai pas le temps de cliquer sur son nom pour redémarrer la conversation que la page de messagerie instantanée s'ouvre en affichant une invitation webcam et le message suivant : « Veux-tu me voir ? »