La mère de Jean
Charline8817/04/2019Le rendez-vous
Jean était arrivé pour le repas de midi. Adèle connaissait le péché mignon de son fils, et naturellement, quoi de plus normal de faire plaisir à celui qu'elle attendait ? Un steak, des frites, une salade verte, et pour le dessert des profiteroles, de quoi lui donner l'eau à la bouche.
Ils avaient mangé de bon cœur. Après tout, elle ne devait rien à personne. Pas encore… pour l'instant. Après le repas, alors qu'elle s'attelait au débarras de la table et à la vaisselle, Jean avait regagné sa chambre. Quelques minutes plus tard, sa mère entendait l'eau de la douche. Lui aussi avait pris d'elle ce goût immodéré pour la douche et ses jets tièdes.
Alors qu'elle finissait la vaisselle, il lui sembla qu'il l'appelait. Elle approcha de la porte de la salle de bain.
— Tu m'as appelée, mon chéri ?
— Oui, maman. J'ai oublié mes fringues sur mon pieu. Tu pourrais me les passer ?
— Je vais te les chercher.
— Merci, maman.
La chambre de Jean – celle qu'il occupait depuis l'achat de la maison – était face à celle de sa mère. Sur une chaise elle trouva bien pliés (mais c'était elle qui repassait) des chaussettes, un slip et un maillot de corps. Donc, en bonne maman, elle saisit soigneusement les fringues et sans même y penser elle pénétra dans la salle de bain. Son garçon était de dos, armé d'une serviette, employé à se sécher les cheveux. Il n'avait sans doute pas entendu l'arrivée impromptue de sa mère. Il se penchait en avant, et tout en continuant à se frictionner le crâne, tout le dos de Jean se trouvait devant les yeux d'Adèle.
Il se trémoussait en frottant ses tifs. Elle, les vêtements à la main, ne savait plus si elle devait avancer ou reculer. Elle restait immobile alors que dans sa « danse de Saint-Guy » le garçon se postait de trois-quarts. Et soudain, devant sa mère ahurie, la vision de la bite qui battait contre ses cuisses, dans son entrejambe, tel un battant de cloche. Une queue qui avait tout de celle de son père. Le sexe était au repos, mais Adèle n'arrivait pas à quitter cet organe des yeux, hypnotisée par la taille du membre.
Elle fit un pas en arrière, mais ce simple mouvement avertit le jeune homme d'une présence inappropriée dans son espace intime. Alors il se tourna franchement vers l'endroit où il avait perçu un vague mouvement. Il vit d'un coup cette femme qui, ses frusques à la main, ne suivait que les soubresauts de sa queue.
— Merde ! Mais… maman, enfin, tu ne pouvais pas me dire que tu étais là ?
— Ne t'inquiète pas, mon chéri : c'est un peu moi qui ai fabriqué tout ceci. Alors tu penses bien que je l'ai vue… depuis belle lurette.
— Ce n'est pas vraiment une raison pour chouffer de la sorte. Ça me gêne, moi.
Instinctivement, il avait porté ses mains sur son phallus au repos. Mais cette saloperie de queue lui joua, du coup, un sale tour : elle se mit à gonfler, et pas moyen d'enrayer cette érection, tant et si bien que le bout commençait à déborder des doigts qui se voulaient protecteurs. Adèle lui tendit ses habits et lentement s'avança pour qu'il les saisisse, mais Jean recula prestement. Bien entendu, il n'avait aucune vilaine pensée mais le corps et l'esprit ne se mettent pas toujours au diapason. Pour rendre invisible son sexe qui maintenant n'était plus du tout caché, Jean songea enfin à se passer la serviette autour de sa taille. Puis, comme la bosse s'en trouvait encore plus à la vue de sa mère, il se retourna face à la douche. Cette fois, il lui montrait sa large carrure et ses deux fesses dont le tissu éponge ne cachait rien du tout. Pourquoi Adèle, en riant, lui avait-elle alors lancé :
— Joli petit cul, mon fils !
— Maman… qu'est-ce qui te prend ?
— Rien, Jean, rien.
— Trouve-toi vite un amant alors, parce que là, c'est… pas normal.
— …
Elle l'avait piqué dans son amour-propre et le jeune avait réagi au quart de tour. Du coup, elle se sentait toute conne avec ses frusques dans les mains et lui qui bandait au milieu de la douche. Elle lui tendit le change et ne demanda pas son reste pour s'éclipser. Lui s'habilla ensuite prestement. Dans sa tête, il revenait sur ce qu'elle lui avait dit. C'est vrai qu'elle lui avait torché les fesses durant toute son enfance : elle avait donc forcément déjà vu – voire touché – sa bite, mais il y a des limites qu'elle ne devrait plus franchir.
Jean pensa qu'entre eux une conversation sérieuse s'imposait. Mais c'était sa mère, et elle se saignait aux quatre veines pour ses études et pour qu'il vive décemment. Entre le loyer modeste – mais loyer tout de même –, l'argent de poche qu'elle lui donnait tous les mois, il n'avait jamais songé à lui demander combien il lui restait pour vivre. Ces petits riens lui montaient au cerveau alors qu'il se peignait les cheveux. Il termina par le brossage des dents. Le garçon qui sortait de la douche pour rejoindre sa mère dans sa cuisine avait repris des allures de bon fils.
— Excuse-moi, Jean. Je n'avais pas pensé que tu étais à poil dans la salle de bain.
— Ben… en règle générale, on est souvent nu dans ce genre d'endroit ! C'est fait un peu pour ça.
— Oui… Je veux dire que tu m'avais demandé tes vêtements, donc pour moi tu étais entortillé dans ta serviette. Et puis, je n'en ai pas perdu la vue.
— Je sais bien, maman, mais je me suis retrouvé dans une position… bizarre.
— C'est la nature, mon chéri. Ton père aussi… ça lui arrivait souvent. La douche est un lieu où le plaisir est souvent lié à l'utile.
— C'est rare que tu parles de papa, surtout comme ça. Pour mes mots peu amènes sur l'amant, oublie-les ; ils ont dépassé les bornes et étaient malvenus.
— Oh, ne te fais pas de bile pour ça, Jean… Alors ? Le programme de ton après-midi ?
— Tu n'as pas de courses à faire ?
— Non, je les ai faites hier.
— Tu vas finir par t'éreinter à porter des sacs trop lourds pour toi. Tant pis, je vais aller faire un tour, revoir un ou deux vieux potes.
— Tu rentres pour le dîner ?
— Je ne sais pas, mais je te téléphonerai si je mange avec eux.
Un nouveau bisou avait scellé cette conversation, puis il avait filé. Quelque chose l'avait dérangé dans l'histoire de la douche, et l'envie de se remettre la tête à l'endroit le chassait de la maison. Bien sûr qu'il reviendrait coucher chez elle ; mais avant cela, les idées bizarres qui habitaient son crâne devaient être expulsées. Adèle suivit des yeux le sosie de son ex-mari, alors qu'avant de monter dans sa voiture il levait la main dans un petit signe. Elle aussi avait mauvaise conscience. Bon, il fallait bien aussi qu'il apprenne à vivre en dehors d'elle…
Pourquoi la vue de cet engin qui gonflait lui avait-elle apporté des images ressurgies d'un passé lointain ? Elle avait dû se retenir pour ne pas y mettre la main, voire autre chose. Mais après les évènements lors du week-end dans l'appartement des trois garçons, comment pouvait-elle être encore attirée à ce point ? Elle se rendit compte que son corps tout entier devenait une boule d'envie. Que faire, que dire ? Son fils, tout de même… Il était devenu un homme, un vrai, et la trique qu'il arborait dans la salle d'eau en était juste une preuve évidente. Mais de là à avoir ces idées si… intimes et personnelles, non ! Elle devrait maintenant se méfier de ses propres réactions. La chair de sa chair, ce n'était pas possible, et encore moins correct d'y seulement penser. Et pourtant la sale petite voix dans sa caboche qui lui criait que c'était aussi et en premier lieu un homme, elle ne devait pas l'écouter.
Une larme perlait déjà au coin de l'œil d'Adèle. Rage ? Désespoir ? Incapable de savoir pourquoi l'envie de pleurer l'étreignait. Non. Elle ne se sentait pas très enjouée, mise mal à l'aise par ses pensées presque impures. Machinalement, elle fouilla dans son sac à main. Un rectangle de carton dactylographié lui arriva dans la menotte. Une phrase de cette Lucie lui revenait à l'esprit : « Vous avez toujours ma carte et vous pouvez m'appeler quand il vous plaira ; et si c'est seulement pour me faire un coucou, pas de souci… je suis preneuse aussi. » Alors discuter un peu ne pouvait pas faire de mal.
La rousse décrocha le téléphone, et avec de la brume de pleurs dans les yeux elle composa le numéro. À la quatrième sonnerie, la voix de la brune vint lui frapper l'oreille :
— Allô…
— Lucie, c'est Adèle.
— Ah, Adèle ; je suis heureuse de vous entendre.
— Vous m'avez dit que je pouvais vous appeler quand j'en aurais envie, alors je me suis permis…
— Vous avez bien fait ! Mais… vous avez des ennuis ? Votre voix…
— Oh non. Une petite altercation avec mon gamin.
— Les enfants… mon Dieu, les enfants ! Parfois je me dis que j'ai bien fait de ne pas en avoir.
— Il est gentil… et puis c'est de ma faute, mais ce serait trop long à raconter.
— Vous voulez que je passe vous voir ? Mais je n'ai que très peu de temps, je sors ce soir. Un rencard de dernière minute. Mais allez, j'arrive, et nous bavarderons. Vous me ferez bien un café ?
— Oui, oui bien sûr !
Un clic de raccrochage avait mis un terme à la conversation. Adèle prépara la cafetière et la théière, puis elle attendit son invitée qui ne mit que quelques minutes pour arriver. De la fenêtre, la rousse voyait la brune, toute bien vêtue, qui avant de traverser la rue pour venir sonner jeta un rapide coup d'œil vers la façade. Puis d'un pas décidé elle vint presser sur la sonnette.
— Bonjour, Adèle.
— Bonjour, Lucie. Vous avez retrouvé facilement la rue et la maison ?
— Oui. J'y suis venue une fois et ça m'a permis de me repérer. Alors pas très en forme à ce que j'ai entendu au téléphone…
— Oh, c'est déjà passé. Des peccadilles, rien de bien méchant.
— Vous… vous ne voudriez pas que l'on se tutoie ? Le « vous » entre amies, ça fait… trop cérémonieux.
— Comme v… comme tu veux. Après tout, nous sommes des amies, tu as raison.
— À la bonne heure ! Bien, je ne vais pas te harceler. Pas de questions ; tu es grande, et si l'envie de parler te prend, je suis et serai toujours là.
— Jean est sorti voir ses amis ; alors, la solitude…
— Tu… Écoute, tu ne voudrais pas m'accompagner, ce soir ?
— T'accompagner où ? Si c'est pour un rendez-vous galant, je…
— Galant ? C'est bien vite dit. Mais le monsieur est très gentil, et surtout terriblement tactile. Il fait partie de ceux qui… seraient plutôt partageurs.
— Mon fils rentrera sans doute pour le dîner. Donc, je ne sais pas trop.
— Ne cherche aucune excuse ; il n'y a rien de forcé là-dedans. Tu viens ou pas, mais si c'est oui, c'est par envie, pas par obligation.
— …
— Oui, il faut te distraire un peu aussi et joindre l'utile à l'agréable ; et marier l'ensemble à la générosité n'a rien de déshonorant.
— Je… je ne sais pas trop.
— Sois honnête avec toi-même. Tu en as envie ou pas ?
— À vrai dire… un peu quand même, oui.
— Alors laisse-toi tenter. Tu n'as rien à perdre. Tu peux aussi juste toucher des yeux ; la consommation n'est en rien une prescription.
— Franchement, je ne suis pas sûre de moi.
— À toi de voir, ma belle. Mais je t'assure que tu plairais aux messieurs, et que si tu voulais aussi essayer avec une femme… je saurais t'en trouver une sympathique. C'est seulement à toi de décider ; je ne voudrais pas me montrer insistante.
— Bon, je veux bien… voir comment ça se passe. Tu viens me prendre ici ce soir ?
— Eh bien voilà ! Là, je reconnais en toi une femme d'action ; c'est bien de faire le premier pas.
— Mais comment je dois m'habiller ? Je n'ai rien qui corresponde à…
— Tu n'as pas à te fringuer en pute non plus. Les jolis vêtements que tu portais dans le train… Et puis après, tu verras, tu auras rapidement de quoi renouveler ta garde-robe, je t'assure.
— On verra, on verra ; ne nous emballons pas ! C'est d'accord pour t'accompagner ce soir. Tu me prends à quelle heure ?
— Vingt heures, ça ira ?
— J'espère que Jean sera rentré… et surtout s'il est là quand tu viens, s'il te plaît, pas un mot.
— On m'appelle « La tombe ». Allons, ne te fais pas de mouron, tout va bien se passer. Et ton gamin, il peut aussi réchauffer sa soupe, non ?
— Oui, bien sûr, mais bon… D'accord pour vingt heures, alors.
Elles avaient pris le café et le thé, et Lucie, avec un large sourire, embrassa son amie de fraîche date. En quittant la maison d'Adèle, elle pensait que finalement ça n'avait pas été si compliqué de la persuader à accepter. D'un autre côté, elle se réjouissait d'avoir une compagne pour l'aider et qui allait surtout prendre en charge la moitié du boulot. Ce serait toujours aussi agréable, et bien des hommes mettraient la main à la poche. Elle ne doutait pas non plus de voir Adèle s'occuper de la demande féminine.
Tout ne serait qu'histoire de persuasion. Savoir amener les choses à se faire avec tact et douceur. Mais dans ce domaine, elle avait la main légère. La cuisse aussi, et elle saurait bien convaincre sa rousse amie d'oublier tôt ou tard ses principes à la con. Avec du temps, elle arriverait à ses fins. Et puis son amie ne vivait pas dans l'opulence, et ça se sentait. Les études de son fils devaient grever son budget, et un peu de monnaie facile achèverait, sans nul doute, de la séduire. Pour le reste, Adèle avait de beaux atouts ; à charge pour elle de les mettre en valeur. Ce soir serait donc son baptême du feu.
Vers dix-neuf heures, Jean rentra à la maison. Sa mère était sur son trente-et-un. Une jupe noire plutôt courte, un chemisier sous lequel sa poitrine devait se trouver à l'étroit lui montraient une femme encore désirable. Il émit un petit sifflement et Adèle le regarda d'un drôle d'air. Elle allait ouvrir la bouche pour parler quand il la devança :
— Tu as un rencard ? Avec un homme ? Il ne fallait pas prendre au pied de la lettre mes allégations dans la douche.
— Non, je sors avec une amie.
— Tu es bien belle pour juste une femme…
— Non, mais ! Traite-moi de menteuse pendant que tu y es. Du reste, elle va venir : comme ça tu seras rassuré, bien que je pense que cela ne te regarde pas.
— Ne te fâche pas, maman, c'était seulement un compliment. Tu es… à croquer, et si je n'étais pas ton fils, je crois que je serais tenté.
— Le repas est au réfrigérateur ; tu as juste à passer l'assiette au micro-onde. Tu devrais savoir le faire.
— Ne t'inquiète pas pour moi, ma petite maman. Passe une bonne soirée avec ta copine… laquelle est-ce, d'ailleurs ? Adeline ou Sonia ?
— Non ; tu ne la connais pas, celle-ci. Nous nous sommes rencontrées il n'y a pas très longtemps ; c'est elle qui traîne mes sacs de courses depuis le supermarché. Tu devrais être content, pour mon pauvre dos !
Jean avait éclaté de rire. Sa mère avait toujours eu de l'humour, et elle le démontrait par cette simple réplique. Il s'installa devant la télévision et s'étira sur le divan.
— Tu n'oublieras pas d'alimenter le feu ; il fait de plus en plus froid depuis une semaine.
— Oui. N'aie crainte, je ne vais pas me laisser mourir de faim et de froid. Passe une bonne soirée sans te faire de souci pour moi.
— D'accord. Je t'aime, mon Jean !
— Maman…
— Oui ?
Elle se tenait dans l'encadrement de la porte séparant le salon de la salle à manger. Son fils s'était brusquement remis debout et marchait vers elle. Il la saisit pour l'entourer de ses bras solides.
— Maman… tu es la meilleure des mamans, et moi aussi, je t'aime.
La sonnette de la porte d'entrée dirdinguait avec insistance. Jean posa ses lèvres sur la joue fardée de sa mère.
— Bon, je crois que ton amie est là.
— Oui. Tu veux bien aller ouvrir pendant que je vais chercher mon manteau ?
Jean se tenait devant la porte entrouverte ; la femme qui attendait face à lui était un régal pour les yeux. Brune, des yeux en amande avec des prunelles marron-vert, elle avait une sorte de sourire sur les lèvres. Un instant le garçon se demanda ce que sa mère pouvait faire avec une pareille poupée. Mais c'était aussi vrai qu'elle n'avait rien à lui envier. Sensiblement de la même taille, elles possédaient toutes deux des gabarits similaires. Finalement, s'il n'avait pas été le fils de la rousse, s'il avait eu à faire un choix… celui-ci se serait avéré complexe.
— Bonsoir ! Voilà donc le grand garçon de mon amie Adèle. Lucie, une amie de votre maman.
— Euh… oui, entrez, elle vous attend.
— Merci.
— Me voilà, je passe mon manteau et j'arrive !
Lucie se trouvait dans l'entrée, et les quinquets du jeune homme se frottaient à ceux de la brune. Elle ne baissait pas les yeux. Il la trouvait plutôt sexy, avec quelque chose de particulier. Il émanait de cette amie de sa mère une sorte d'aura naturelle. C'était sans doute cela que les hommes appelaient « du chien ». Et tout cas, elle ne le laissait pas indifférent.
— Elle ne m'avait pas dit que son fils était déjà un homme.
— Mais…
— Allons, Jean, n'ennuie pas mon amie. Bon, ton repas et le feu… je te dis à demain !
— Bonne soirée à toutes les deux.
Cette femme lui avait fait un effet bœuf. Sa mère aussi était d'une beauté sans pareille ; il ne se souvenait pas de l'avoir vue aussi lumineuse. Elle ne se maquillait pas très souvent, et sa manière de se vêtir faisait qu'elle semblait plus belle encore. Il était aussi mauvais juge : les mamans restent toujours les plus belles du monde aux yeux de leurs enfants.
Il se réinstalla dans le salon, là où l'insert distillait sa chaleur bienveillante. Et il se coucha de tout son long sur le canapé, rêvant des bras de cette naïade apparue ce soir dans sa vie.
Tandis que la voiture remontait les boulevards, aucune des deux passagères ne parlait ; Lucie, absorbée par la conduite, et Adèle, un peu enfermée dans sa peur de la suite des évènements. La crainte, il était trop tard pour en faire état. Elle était sur le chemin de la luxure et savait pertinemment ce qui l'attendait. Mais aurait-elle le cran, l'audace – et pourquoi pas, l'envie – d'aller jusqu'au bout de ses fantasmes ? Quelle femme n'avait pas au moins une fois au cours de son existence rêvé de faire l'amour avec une amie et un mec ? La rousse se raccrochait à des idées de ce genre, espérant ainsi faire redescendre la pression qui l'agitait.
Le silence de son amie n'arrangeait pas les choses. Si au moins Lucie avait dit un mot, une plaisanterie… mais là, rien. Juste le bruit du moteur et celui des voitures qu'elles croisaient. Le clignotant qui se mettait en route, le véhicule qui ralentissait : il sembla à Adèle que plus rien ne parviendrait à couvrir le boucan que faisait son cœur dans sa poitrine. Toujours muette, Lucie quittait déjà l'habitacle ; par la force des choses, la rousse en fit autant. Les néons qui illuminaient le trottoir lui indiquaient également le nom de l'hôtel où elles se rendaient : « Le Lion d'Or », un nom passe-partout qui devait se retrouver partout en France.
Lucie marchait devant sans se préoccuper de savoir si elle suivait. Comme un automate, Adèle emboita le pas de son amie. Elles ne cherchèrent pas, ne demandèrent rien à personne et prirent discrètement les escaliers qui menaient à l'unique étage de la baraque. D'un grattement des doigts, la poupée brune s'annonça à la porte 107, au milieu d'un long couloir. Pas un bruit sous les escarpins des deux femmes : la moquette épaisse du corridor absorbait les chocs des talons aiguilles.
Sans un son, la porte s'entrouvrit sur une suite luxueuse à peine éclairée qui vit entrer deux félines dont l'une était encore bien apeurée. Les pupilles d'Adèle s'habituèrent peu à peu à la faible luminosité ambiante. Un homme plus très jeune en peignoir leur souriait.
— Ah, ma chère, je vois que vous m'apportez un bien beau cadeau…
— Voici mon amie ; ne soyez pas trop exigeant : elle n'a pas d'expérience… encore.
Elle avait bien insisté sur ce « encore », et le vieux avait pris la main de la rousse pour un baisemain désuet. Une odeur d'encens régnait dans le petit salon attenant à la chambre. Ce type était charmant.
— Eh bien bonsoir, jolie dame ; merci de me faire l'honneur de votre présence. Rassurez-vous, je ne suis pas un monstre ; je suis intéressé par la beauté des femmes dont je ne saurais me lasser. Et, mon Dieu, vous et notre amie Lucie, vous êtes deux belles représentantes de la gent féminine dans toute sa splendeur !
— Merci.
Ce fut le seul mot qu'Adèle put, au départ, décrocher devant ce mec aux allures de vieux beau.