Dix-sept heures trente
Nathan Kari2017Chapitre 11
Les mois passèrent et nous voilà arrivés au Noël suivant. Charlotte et Thierry avaient invité toute la famille à réveillonner chez eux. C'était la première fois que la famille était réunie depuis le mariage. Moi, j'appréhendais surtout une chose : revoir Tatiana. Ma dernière conversation avec elle avait été très dure, et j'ignorais comment elle allait réagir en me revoyant. Je n'avais pas été correct avec elle.
Et comme je le craignais, son bonjour fut des plus glaciaux. Visiblement, elle m'en voulait encore. Et elle n'était pas la seule : ses parents aussi. Il faut dire que je les avais déçus, eux qui espéraient de grandes choses pour Tatiana et moi : j'avais mis fin d'un coup sec à leurs doux rêves. Et l'ambiance était tendue comme cela avec tous les membres de la famille de Tatiana. Seul Thierry se montrait un peu plus chaleureux et faisait des efforts. Sûrement que Charlotte le lui avait demandé.
Quoi qu'il en fût, j'essayai d'ignorer la situation et de faire comme si de rien n'était. « Après tout, cela aurait pu être pire… » me dis-je. Je participai à la fête comme tous, mais je me sentis rapidement de trop. J'étais persona non grata. Ma sœur avait beau me rassurer, me disant que tout allait bien, j'avais vraiment envie de quitter la soirée. Mais comme elle me priait de rester, je fis un effort. Je restai, mais me mis plutôt à l'écart des autres, les observant tour à tour. Tatiana avait l'air d'encore abuser de la bouteille. Elle me jetait des regards tantôt noirs, tantôt suppliants. C'en était trop ; il me fallait prendre l'air.
Comme au mariage, Tatiana ne fut pas longue à me rejoindre. Elle titubait légèrement. Elle était déjà saoule. Je ne pus pas m'empêcher de me sentir coupable. Elle se dirigea vers moi. La confrontation était donc venue.
— Qu'est-ce que j'ai fait de mal, bon sang ? se plaignit-elle. Je t'ai tout donné.
— Tu n'as rien fait de mal, lui dis-je. Tu es une femme merveilleuse.
— Alors pourquoi tu m'as quittée ? On allait si bien ensemble.
Je ne sus pas quoi lui répondre. Je ne pouvais pas lui parler de ma relation avec Charlotte qui me retenait prisonnier. Non, je ne pouvais pas lui parler de ça. Et je ne voulais pas lui sortir de minables excuses. Je n'avais rien à lui dire, alors je gardai le silence.
— Au début, reprit-elle, j'ai cru qu'il y avait une autre femme dans l'histoire, et que c'est pour ça que tu m'avais quittée. Mais non, tu es resté célibataire tout ce temps. J'en déduis donc que c'est moi qui n'allais pas, et que tu ne voulais pas de moi. Pourquoi personne ne veut de moi ?
— Tu fais erreur, Tatiana. Tu es une femme merveilleuse, et je te jure que j'ai adoré chaque moment que j'ai passé avec toi. Tu trouveras un jour un homme qui saura te donner ce que tu désires, je te le promets, mais cet homme ce n'est pas moi.
— Alors pourquoi ? Pourquoi ? s'emporta-t-elle, en larmes.
Elle me porta des coups de poings désespérés sur l'épaule. Elle semblait vraiment abattue. Elle était vraiment touchante. Je la pris dans mes bras pour la calmer. Elle jeta sa tête sur mon épaule et fondit en larmes. Je me sentais minable de lui avoir imposé cela. Elle ne le méritait pas.
— Je suis désolé… lui murmurai-je à l'oreille.
C'est alors qu'elle essaya de m'embrasser. Je ne fis malheureusement rien pour l'en empêcher. Sa peine m'avait désarmé et j'avais envie de la consoler, de lui donner ce qu'elle attendait. C'était une erreur idiote, mais je m'y plongeai dedans tête baissée. C'était lui donnait de l'espoir alors que je ne pourrais jamais rien lui apporter. Mais il est vrai qu'elle m'avait aussi beaucoup manqué. Je ne m'en étais pas rendu compte jusque-là. La revoir, sentir son parfum et poser mes mains sur son corps avait ravivé mes sentiments à son égard. Notre relation n'avait pas duré longtemps mais nous avait bien marqués tous les deux.
Elle se frotta contre moi ; sa langue glissait le long de la mienne. Le temps semblait suspendu, et durant cet instant j'oubliai tout.
— Partons d'ici ensemble, supplia-t-elle. Allons chez moi.
— Non, ce serait une erreur, commençai-je à réaliser. Nous deux, c'est bel et bien fini.
— Alors commettons cette erreur, me dit-elle en enserrant mon sexe à travers mon pantalon. S'il te plaît…
Elle commença à me masser l'entrejambe, et je ne fus pas long à réagir. Mais mes remords étaient toujours là. Je ne voulais pas en rajouter. Mieux valait donc couper court tout de suite. J'étais déjà allé trop loin en me laissant embrasser. Je la repoussai donc. Elle était déboussolée et perdue. Ne pouvant plus rien faire pour la consoler, je la laissai là et je rentrai à l'intérieur.
L'atmosphère y était lourde. Le frais de l'extérieur me manqua immédiatement, mais je me refusai à y retourner. Charlotte me lança un petit sourire d'encouragement. J'essayai donc de me mêler à la foule, sans beaucoup de succès. Tatiana rentra plusieurs minutes après moi. Bien qu'elle tentait de le cacher, on distinguait bien ses yeux humides. Elle se servit une coupe de champagne et alla se jeter sur une chaise. J'éprouvais de la peine de la voir ainsi.
— S'il vous plaît, nous héla Thierry, j'aimerais avoir votre attention. Tout d'abord, merci à tous d'être venus, et joyeux Noël !
— Ouais, joyeux Noël, crièrent les invités en chœur.
— Merci, merci… Bien, reprit-il. Si nous vous avons avec Charlotte tous réunis ce soir, ce n'est pas seulement pour fêter Noël. Nous avons une grande nouvelle à vous annoncer : ça y est, nous attendons notre premier enfant.
Des acclamations de joie retentirent alors dans la pièce. Pour moi, ce fut une nouvelle douche froide. Charlotte était enceinte ; oui, mais de qui ? Merde, cette fois c'était réel. Jusqu'à maintenant, l'évocation d'un bébé m'avait parue n'être qu'une éventualité lointaine. Je n'y avais jamais vraiment songé, me contentant juste des moments de bonheur que je passais avec Charlotte. Mais cette fois, cela prenait une consistance bien plus tangible. Il serait là ! Quelques mois suffiraient pour qu'il pointe le bout de son nez. Serait-il en bonne santé ? Merde, je réalisais soudain la folie dans laquelle m'avait mené ma sœur. J'avais fermé les yeux jusque là, mais la lumière m'éblouissait maintenant. J'avais la sensation d'avoir joué avec le feu et de m'être brûlé les doigts. J'avais joué avec la vie d'un être à venir, j'avais pris le risque qu'il naisse avec des problèmes de consanguinité. Je me maudis sur le moment. Charlotte me lança un sourire fier mais déchanta rapidement quand elle vit mon air sombre.
Suite à cette annonce, je suivis l'exemple de Tatiana et commençai à enchaîner les verres. J'avais vraiment envie de me changer les idées, de ne plus penser à Tatiana, à ma présence non désirée et au futur bébé. J'avais déjà bien chaud quand Charlotte vint me retrouver.
— Tu devrais te calmer un peu, me conseilla-t-elle. Tu risques de faire quelque chose que tu regretteras.
— Oh, tiens, ma sœur adorée ! fis-je, l'esprit embrumé. Toutes mes félicitations pour le… euh… le bébé !
— Tu vas bien ?
— Bien sûr. Tu vas être maman, Thierry va être papa… enfin, normalement. Et moi, je vais devenir… euh… bah moi, je vais rester moi !
Mes réponses eurent l'air de confirmer ses craintes.
— Zack, tu ne vas pas me lâcher, quand même ?
— Je… hésitai-je, tu n'es pas à moi. Tu ne le seras jamais…
— Viens, me dit-elle en me prenant la main.
Elle me tira jusqu'à sa chambre où elle nous enferma à clé. Je la regardais avec des yeux interrogatifs sans savoir exactement pourquoi elle m'avait mené ici. Elle se jeta sur moi pour m'embrasser. J'étais trop saoul pour la repousser. Je me contentai de répondre à son baiser et à mes pulsions. Mes mains s'engouffrèrent sous le tissu de sa robe pour venir lui palper les globes fessiers. Elle mit soudain fin à notre contact sans que je ne comprenne pourquoi.
— Je n'ai pas encore eu mon sucre d'orge de Noël… sourit-elle.
— Sucre d'orge ? Ah oui, compris-je. Ce n'est pas un peu risqué, avec tous les invités ?
— Ce qu'il y a de bien avec l'inceste, c'est que c'est tellement tabou que les gens ne s'imagineront pas que c'est en train d'arriver à deux pas d'eux. Ça ne leur semblera pas bizarre que je m'enferme dans ma chambre avec mon frère. Pour eux, nous ne ferons que discuter.
À cause de l'alcool, je n'avais pas saisi tout son raisonnement, mais cela me parut logique sur le coup. Alors je me laissai faire pour la suite. Charlotte m'embrassa de nouveau en me palpant l'entrejambe qui ne mit pas longtemps à se réveiller. Malgré tout, je ne pouvais m'empêcher de désirer ma sœur.
En quelques mouvements, mon sexe fut libéré et put s'ériger de toute sa longueur sous le regard gourmand de Charlotte.
Le plaisir me gagna aussitôt que ses lèvres se posèrent sur mon gland. Une langue coquine vint me le titiller. Charlotte me fixait dans les yeux, me surveillant chaque instant m'abandonner au bien-être qu'elle me procurait. Visiblement, elle était fière de l'effet qu'elle me faisait. J'avais raison de penser qu'elle n'était pas à moi : c'est moi qui étais à elle. J'étais son esclave. J'étais à sa merci. Je l'avais toujours été, d'ailleurs, et elle me le rappelait à chaque fois qu'elle me faisait découvrir des merveilles avec sa bouche. Elle me tenait par un simple coup de langue. Charlotte était ma reine, ma déesse.
L'alcool me faisait tourner la tête, mais ce n'était rien par rapport au plaisir qui me submergeait. L'esprit embrumé, je me laissais bercer par les vagues d'euphorie qui me gagnaient peu à peu. Encore une fois j'oubliais mes problèmes. J'échappais à la réalité. Je me réfugiais dans un paradis artificiel dont sa bouche était la clé. C'était une drogue pour moi. Je savais que c'était mauvais et que je devrais trouver un jour le courage d'y mettre un terme, mais j'étais – pour le moment – incapable de résister. Je me sentais sans défense face à elle et à sa détermination à me faire jouir. Et la diablesse savait y faire ! Elle contrôlait parfaitement mon plaisir, sachant reculer l'instant fatidique quand j'étais proche du précipice. Elle pouvait s'arranger pour me faire tenir un long moment, ou elle pouvait me faire cracher en trente secondes à peine si la fantaisie la prenait.
Sa langue et ses lèvres faisaient des miracles. C'est ce qu'elles firent ce soir-là une fois de plus. Le point de non-retour atteint, Charlotte me finit à la main, son visage placé sous mon membre prêt à accueillir ma libération. Son sourire carnassier magnifiait son visage. C'en était trop pour moi : j'émis un râle puissant et déversai ma semence sur sa frimousse triomphante. Elle accepta l'offrande avec joie. Mes jets lui aspergèrent le menton, le nez, les paupières et le front. Une fois complètement vidé, une langue récolta les dernières gouttes qui perlaient encore au bout de mon sexe, et ses mains étalèrent ma semence sur tout son visage.
— Tu vois, frérot, je t'appartiens bien. Je te le promets, déclara-t-elle, le visage englué de sperme.
Non, Charlotte ne m'appartenait pas. Elle avait beau me faire un tas de promesses, elle avait beau me faire jouir par d'innombrables moyens, je savais la vérité : elle ne m'appartenait pas. Ce n'était pas moi qui m'endormais le soir et me réveillais le matin à ses côtés. Ce n'était pas moi qui partageais les doux moments simples de la vie avec elle. Ce n'était pas moi qui allais voir son enfant grandir, faire ses premiers pas et dire ses premiers mots. Non, moi j'étais celui qui venait le soir à dix-sept heures trente précises pour s'abandonner dans un éphémère plaisir charnel et qui devait partir quasiment aussitôt l'affaire finie. J'étais celui qui devait chaque fois laisser la place. J'étais celui qui restait dans l'ombre. Je voulais pouvoir rester enlacé à ma sœur après lui avoir fait l'amour. Je voulais continuer à respirer son odeur, lui caresser les cheveux, et puis la regarder s'endormir sereinement dans mes bras. Je voulais partager tous ces petits moments de tendresse et d'amour. Non, elle ne m'appartenait pas. C'est à cette période que je compris cela.
C'est bel et bien à Thierry qu'elle appartenait. C'est à lui qu'elle avait dit oui, à lui qu'elle s'était liée, même si elle me retrouvait le soir. Je ne pouvais plus me satisfaire de cette situation. Même si la retrouver le soir était de vrais moments d'abandon, même si elle s'offrait sans réserve, ces instants étaient trop éphémères pour que cela me satisfasse. Je ressentais déjà ce malaise depuis un moment sans parvenir à m'expliquer mon problème. J'essayais de me convaincre que j'avais ce que je voulais, et que j'avais toutes les raisons d'être heureux.
C'est l'annonce de l'arrivée du bébé qui m'avait fait comprendre que je me mentais. C'est lui qui m'avait ouvert les yeux, qui m'avait poussé à tout remettre en question. J'avais pris des risques de faire venir au monde un être consanguin dans le but de m'enchaîner encore plus solidement à ma sœur. Tout ça pour quoi ? Pour une relation qui ne me satisfaisait pas ; pire, qui me rendait finalement malheureux. En y réfléchissant, depuis le début mon histoire avec Charlotte ne m'avait rien apporté de bon ; au contraire, elle m'enfonçait de plus en plus dans une solitude. Je m'étais renfermé sur moi et j'avais laissé plein d'occasions de m'en sortir. Au début, c'était excitant. Même si je ressentais au fond de la honte, transgresser un interdit était vivifiant. Je n'avais pas idée alors des conséquences que cela entraînerait. Et puis, avec le temps, les sentiments se sont développés. Je ne pouvais plus me passer d'elle et des moments que nous partagions ensemble.
Alors, quand Thierry est apparu dans nos vies, j'ai souffert. J'aurais pu en profiter pour me détacher d'elle, mais le mal était déjà fait. C'était trop tard. Les dégâts m'avaient affecté en profondeur sans que je ne m'en rende compte. Ne désirant qu'une chose, j'ai laissé échapper tout ce qui aurait pu me permettre de m'affranchir. J'ai négligé ma carrière et je me suis retrouvé avec un job minable. J'ai négligé mes relations, trop obsédé par ma sœur. J'ai aussi fini par faire du mal à mon entourage. Le plus bel exemple reste Tatiana. C'est avec elle que j'ai été le plus près de me libérer vraiment, mais encore une fois j'ai tout gâché. Je l'ai laissée m'échapper pour retourner me vautrer dans mon mal. Je l'ai fait souffrir alors que je m'étais pourtant attaché à elle. Et ça me faisait mal de le savoir. Je me dis finalement qu'il restait peut-être de l'espoir. Cette fois-ci, je me sentais vraiment prêt à mettre un terme une bonne fois pour toutes à ma relation avec Charlotte.
Au cours des semaines qui suivirent Noël, je me surpris à rêver de plus en plus à un avenir avec Tatiana. Vu ce qu'il s'était passé lors du réveillon, je me dis que je n'aurais pas trop de difficulté à la reconquérir. Cet espoir me faisait sourire et me redonnait du baume au cœur, alors je me fis la promesse que j'en ferais une réalité. Mais avant de retourner avec Tatiana, je me devais cette fois-ci de mettre bien fin à ma relation avec Charlotte.