Les chevaliers du zodiaque :
les vices du Sanctuaire
Nathan Kari24/03/2021
La dimension de l'auteur
— Tu vas bien, Francis ?
Judith accourt vers moi et se penche. Elle examine mes blessures tandis que je peine à aligner deux mots.
— Je suis désolée ; j'aurais dû l'éliminer plus tôt. J'ai été orgueilleuse à vouloir gagner le débat avant le combat. Je peux te transmettre une partie de mon Sol Invictus : tu seras loin d'être à cent pour cent de tes capacités, mais au moins tu pourras tenir sur tes jambes.
Judith pose sa paume sur ma poitrine. Je sens une douce chaleur se répandre dans mes veines. La douleur est toujours bien présente mais je sens mes forces me revenir. Je me redresse lentement et la remercie.
Nous partons aussitôt aider nos collègues. C'est Mario le plus proche. À première vue, il n'a toujours pas vaincu son ancienne camarade d'entraînement. Il nous faut quelques secondes pour le rejoindre.
— Heureux de vous voir toujours en vie, vous deux ! sourit-il. Mais par pitié, n'intervenez pas : c'est mon combat.
Il semble assez mal en point. Il a été percé de plusieurs petits trous qui pissent le sang, le même genre que son attaque Aiguille Écarlate avait provoqué sur Judith. Évidemment, Zelda du Scorpion Noir doit aussi connaître cette attaque. D'ailleurs, elle aussi a subi le même type de blessure.
— Ha-ha, tu penses vraiment me battre ? Tu es bien naïf, Mario ! Crois-tu que je me suis contentée de la technique ancestrale que nous a apprise maître Miyamoto ? Bien sûr que non. Par le pourvoir de la Triforce !
Son cosmos prend la forme de trois triangles dorés au-dessus d'elle. La chevelure blonde de Zelda danse sous l'impulsion de l'énergie dorée qui émane d'elle. Elle tend la paume en direction du chevalier de bronze de Cassiopée qui se bat contre un chevalier noir à quelques mètres de nous. Ce dernier explose et est pulvérisé.
— Putain, Zelda, hurle Mario, c'est moi ton adversaire ! Il n'avait rien à voir dans notre combat.
— Oui, et alors ? Il avait une armure rouge : il m'avait l'air tout indiqué pour me servir de redshirt.
— Hein ? réagis-je.
— Les redshirts sont des personnages sans personnalité qui accompagnent les héros d'une histoire, et qui sont là uniquement dans le but de se faire tuer pour faire comprendre au public le danger qui plane sur eux, m'explique Mario. Le terme vient d'une vieille série de SF ; Zelda a juste voulu faire une démonstration de son pouvoir pour m'impressionner.
Un cosmos surgit : c'est Marie ! D'humeur toujours combative, elle se range à côté de moi et Judith.
— Rends-toi, Scorpion Noir ! ordonne-t-elle. La bataille est finie pour vous. Les tiens sont sur le point de perdre.
— Jamais je ne me rendrai. J'ai encore de quoi me battre !
— Penses-tu vraiment pouvoir nous éliminer tous les quatre ?
— Et le Verseau Noir ? demande Judith.
— Éliminé ! Il a été coriace, mais il a fini par passer l'arme à gauche.
— Ha-ha-ha, rit Zelda nerveusement. Vous semblez tellement sûrs de vous, tous les quatre devant le pauvre Scorpion Noir ! Généralement dans les histoires, c'est quand la victoire semble acquise que surgit le plus gros danger, souvent de quelqu'un qu'on pensait déjà vaincu mais qui se relève, plus puissant que jamais.
— Tss… Dans des rêves ! crache Marie.
Histoire de donner tort à ma belle, un impressionnant cosmos se fait ressentir. Clopinant vers nous, nous voyons arriver le Verseau Noir toujours en vie. Marie peste de colère. L'autre a la gueule en sang, ne possède plus que quelques pièces d'armure mais tient toujours debout, mû par un puissant cosmos.
— Diantre, combien de fois il va falloir que je te mette à terre ? rouspète ma belle.
— C'était la dernière parce que tu n'en auras plus l'occasion. Préparez-vous à subir ma plus puissante attaque. PAR LA DIMENSION DE L'AUTEUR !
Le Verseau Noir ouvre un portail vers une dimension parallèle. La première aspirée est Zelda. Mario et moi suivons de peu, puis Judith, et enfin Marie après avoir résisté autant qu'elle a pu.
Nous atterrissons tous les cinq sur un champ d'herbe. Je me relève et observe notre environnement. Une forêt sur le côté, un ruisseau de l'autre. En face, le cadre semble beaucoup plus aride et désertique. On peut apercevoir un petit village au loin. Où sommes-nous ?
— Vous vous pensez les héros de l'histoire, vous, les chevaliers d'or ? résonne la voix du Verseau Noir sans qu'on puisse le voir. Il est temps de tester cette hypothèse. Vous voici plongés dans une dimension de ma création : j'ai tout créé ici, de A à Z.
— Montre-toi, infâme vermine, hurle Marie, qu'on en finisse une bonne fois pour toutes !
— Minute, chevalier de la Vierge. Je vous expose la situation initiale de notre récit. Vous êtes là, vous, quatre chevaliers d'or issus d'une autre réalité, vous demandant comment rentrer chez vous, quand soudain… paf !
Le Verseau Noir, encore dans un sale état, apparaît devant nous.
— Élément déclencheur : le maître des lieux, votre ennemi, se montre. Le conflit est moteur de toute histoire ; sans cela, aucun intérêt au récit. Vous comprenez qu'il faudra le vaincre pour sortir d'ici.
— MALLEUS MALEFICARUM !
D'un signe de main, la technique est dissipée sans même l'avoir atteint. Merde alors ! Je n'ai jamais vu quelqu'un annuler comme ça la puissante attaque de ma belle.
— Patience, chevalier de la Vierge, l'heure de notre confrontation finale n'est pas encore arrivée. Oh, tu sembles surprise que j'aie pu me débarrasser de ton arcane ? Sache que j'ai le pouvoir absolu dans mon monde. Je suis comme un dieu ici !
— Blasphème ! vocifère Marie.
— Si, si, je te jure. Là, regarde les dégâts que tu m'as causés ; eh bien, d'un claquement de doigts, il n'y a plus rien.
En effet, le chevalier noir semble comme neuf. Ses blessures, envolées ; son armure, réparée !
— Tu vois, j'ai tout pouvoir. Si je voulais, je pourrais vous éliminer juste par la pensée, mais ce serait trop facile. Une bonne histoire se nourrit d'enjeux. Si je ne vous laisse aucune chance, c'est tout simplement inintéressant. Je voulais donc vous présenter l'élément déclencheur de notre récit : votre ennemi apparaît et capture la princesse !
Claquement de doigts ; Judith disparaît. Merde ! Je hurle de rage.
— Ne vous inquiétez pas : elle est toujours en vie, du moins pour le moment. Je l'ai enfermée dans une tour située à quelques kilomètres d'ici. Vous avez deux heures pour la rejoindre et la sauver, ou elle mourra puisqu'une météorite s'écrasera pile à l'emplacement de la tour. Voilà, une course contre la montre pour sauver la princesse ; quel enjeu des plus excitants !
— T'abuses, Gorgham ! peste Zelda. Le coup de la princesse en danger, c'est trop cliché ! Ça va bien un peu. Pourquoi c'est toujours aux princesses d'être en danger ? C'est lourd à la fin !
— Toi, tais-toi ! la fait-il disparaître d'un claquement de doigts. Voilà, chevaliers d'or, dirigez-vous vers le désert pour entamer votre périple. Si vous êtes les vrais héros de l'histoire, sauvez la princesse, vainquez-moi et vous aurez sauvé par la même occasion le Sanctuaire.
Et il disparaît à son tour. Pas de temps à perdre, nous courons en direction du désert. Cinq cents mètres plus loin, un panneau nous indique de continuer vers la ville. D'ailleurs, nous commençons à mieux la distinguer. Elle a l'allure d'un village de western. Un quart d'heure plus tard, le doute n'est plus permis : on se croirait plongés en plein film de cow-boys.
À l'entrée, l'arbre à pendus met tout de suite dans l'ambiance. Le panneau indiquant « Dead Gold City » aussi. Les habitants qui nous regardent d'un œil mauvais et crachent sur notre passage ne paraissent pas plus amicaux. Et puis il y a ceux qui vont se planquer comme s'ils nous craignaient. Même si le saloon, le plus gros bâtiment de la ville, me rappelle que j'ai la gorge sèche et que je n'ai pas picolé depuis longtemps, je n'ai pas très envie de traîner par là.
Un sifflement. Je sens deux vives piqûres sur ma poitrine. Marie hurle aussi de douleur à côté de moi. Argh ! Ça brûle ! Qu'est-ce que c'est ?
— À couvert ! crie Mario.
On se précipite tous les trois derrière l'abreuvoir à chevaux le plus proche. J'examine mes nouvelles blessures : j'ai deux petits trous, comme ceux provoqués par l'Aiguille Écarlate de Mario ; c'est donc à Zelda que je les dois. Putain, j'en ai marre qu'on me troue le bide !
— Quelqu'un la voit, cette catin ? crache Marie.
— Là, sur le toit su saloon, indique Mario. Elle est bien couverte. Je vais avoir du mal à la toucher, d'ici.
Marie se relève et lance son Malleus Maleficarum en direction du saloon. L'impact est terrible : le bâtiment vole en éclats. Zelda saute pour éviter d'être emportée par l'éboulement. Mario réagit à temps est envoie son Aiguille Écarlate : trois mini-faisceaux de lumière rouge partent en direction du Scorpion Noir et la touche dans les airs. Zelda hurle de douleur et se ramasse derrière un bâtiment.
— Tu l'as eue ? demande Marie.
— Presque. Je n'en suis qu'à quatorze coups : ça m'étonnerait que ce soit suffisant pour quelqu'un comme elle. Plus que l'Antarès pour l'achever.
— Bien ! surgit la voix de Gorgham du Verseau Noir. Je vois que vous avez commencé les péripéties. Afin de tester vos capacités, j'ai décidé de vous soumettre chacun votre tour à quelques épreuves. Voici la première : éliminer le chevalier du Scorpion Noir.
— Pas de problème ; je m'en occupe ! rugit Marie. Hein ? Quoi ?
Elle essaye de bouger mais semble paralysée. À mon tour, je tente un mouvement : même résultat. Le rire de Gorgham retentit dans toute la ville. Dès qu'il se montre, je lui ferai sa fête, à ce connard !
— Laissez tomber : cette épreuve est pour moi, s'avance Mario.
— AIGUILLE NOIRE ! beugle la voix de Zelda.
Mario hurle et s'écroule au sol où il se tord de douleur : il vient de se faire atteindre par quatre tirs. Zelda s'avance d'un pas claudiquant ; un de ses bras pend dans le vide. Son regard est inexpressif.
— Allez, relève-toi, minable ! J'ai compté : tu en es à quatorze coups toi aussi. Il ne nous reste à chacun que l'Antarès à donner. Relève-toi qu'on finisse ça en duel, comme dans les westerns. Aux douze coups de midi, c'est celui qui dégainera le premier qui l'emportera.
— Oui, oui, oui, j'aime beaucoup l'idée ! se réjouit la voix du Verseau Noir : Antarès au Far-West, ça sonne bien !
Mario peine à se relever. Je me souviens que Judith avait déjà bien morflé avec les piqûres du Scorpion. Moi-même, qui n'ai été touché que deux fois, je me sens déjà affaibli et la douleur m'élance beaucoup, alors j'imagine pas ce que c'est après quatorze coups.
C'est bon, Mario est sur pieds. Il adopte une posture de duel, prêt à lancer son ultime coup quand le clocher du village résonne une première fois. En face, Zelda imite sa position.
— Enfin l'heure est venue de prendre ma revanche sur toi et de rétablir la vérité ; je suis la seule véritable héritière de maître Miyamoto. C'est toi qu'il a choisi, et pourtant, j'étais meilleure que toi. J'ai travaillé comme une dingue pour me surpasser, j'étais prête à obéir à tout ce qu'on m'ordonnait ; je lui ai même taillé des queues, mais non : c'est à toi qu'il a confié l'armure d'or du Scorpion.
— Oui, en effet, tu étais prête à tout pour l'armure de notre maître, mais surtout prête à te compromettre. Un véritable chevalier d'or se doit de respecter et protéger les plus faibles. C'est pour cette raison que c'est à moi que Miyamoto a confié l'armure.
— Respecter et protéger les plus faibles ? Tu te fous de ma gueule, là ! T'as vu ce qu'il se passe au Sanctuaire ? C'est qu'un ramassis de corrompus. Où sont les véritables chevaliers d'or que tu me décris ?
— Ils se sont battus à mes côtés aujourd'hui. Oui, notre maître reconnaissait qu'une bonne partie des chevaliers s'était détournée de nos valeurs, mais il ne pouvait y faire grand-chose, à part s'assurer que son armure serait en de bonnes mains. Aujourd'hui, j'ai l'espoir que le Sanctuaire retrouvera sa grandeur d'avant. J'ai vu mes camarades se lever comme autrefois contre le mal et être prêts à donner leur vie.
Onzième coup de cloche. Plus qu'un. La tension est à son comble. Les deux adversaires se font face, prêts pour le coup final. Ding !
— AIGUILLE ÉCARLATE ANTARÈS !
— AIGUILLE NOIRE ANTAR…
Mario a frappé le premier. Zelda rend son dernier souffle et s'écroule. Ça y est, Marie et moi pouvons à nouveau bouger. Nous accourons vers Mario qui tombe à genoux. Il a l'air d'être vraiment très mal en point.
— Continuez sans moi tous les deux, peine-t-il à parler. Je vous ralentirais trop.
Je tente de le pousser pour qu'il nous accompagne, pour qu'il ne reste pas seul et sans défense ici, mais ça ne sert à rien. Je vois bien qu'il a raison : dans son état, il ne ferait pas cent mètres. Nous lui souhaitons bonne chance et poursuivons notre route.
— Alors, c'est encore toi et moi dans la même équipe à ce que je vois, sourit Marie. Ça me va !
Notre course se poursuit et le paysage reprend une couleur un peu plus verte. La tour où est retenue prisonnière le chevalier du Capricorne commence à être visible. Allez, encore un effort et nous l'atteindrons.
Une rivière nous fait face. D'un seul coup, je me retrouve paralysé. J'appelle Marie à l'aide mais elle ne semble rien entendre. Non, elle continue de courir vers la rivière. Puis elle s'arrête et observe quelque chose émerger des eaux. Merde, que se passe-t-il encore ?
— Laisse tomber, Bélier, elle ne t'entend plus. Elle n'a même plus conscience que tu existes. Nos péripéties se poursuivent, et voilà le chevalier de la Vierge prête à affronter son épreuve. Elle va devoir faire face à une lyumnade. Durant notre combat au Sanctuaire, ton amie n'a pas arrêté avec ses « Je tire ma force de ma vertu et de ma chasteté, et patati, et patata ; t'es qu'un décadent ! » Eh bien, on va voir si elle est aussi chaste qu'elle le prétend.
Le Verseau Noir vient de faire son apparition à côté de moi. Ses lèvres arborent un large sourire.
— Monstre ! Que vas-tu lui faire ?
— Moi ? Rien. Mais ma lyumnade va mettre au défi sa fameuse vertu ; c'est une créature fascinante, capable de sonder l'âme des gens pour prendre l'apparence de leur plus gros fantasme.
— Salaud !
Je voudrais lui foutre mon poing dans la gueule mais mon corps refuse de m'obéir. Je fais appel à mon cosmos, mais rien ne se passe.
— Oh, ne te plains pas, Bélier. Quoi qu'il advienne, t'es gagnant. Elle remporte l'épreuve : je vous laisse poursuivre votre route pour sauver la princesse. Elle perd : elle se fait déboîter comme la pire salope, et t'assistes à un magnifique spectacle.
Dans la rivière, la créature – sorte d'hybride mi-femme mi-poisson – vient de prendre l'apparence d'un homme, torse nu, plutôt bien bâti, avec une épaisse chevelure et une barbe immense. On dirait un peu un ZZ Top, le mec. C'est donc ça le fantasme absolu de Marie ? Un barbu ! Je savais qu'elle aimait les barbes.
— Euh… bonjour. Vous foutez quoi, là ? entends-je Marie.
— Rien, je me baignais, c'est tout. Et vous ?
— Moi ? Ben, c'est une bonne question. Je crois que j'allais quelque part, mais je ne m'en souviens plus.
— C'est que ça ne devait pas être aussi important que ça. En tout cas, j'apprécie votre compagnie. Restez un peu avec moi pour discuter, si cela vous dit. Vous vous appelez comment ?
— Marie. Et vous ?
— Oh, Marie, c'est un très joli prénom, plein de charme, tout comme vous. Moi, je m'appelle Joseph.
— Oh ! C'est vrai ?
Sérieusement, Marie, ton fantasme absolu s'appelle Joseph ? Ouais, en même temps, cela ne m'étonne pas.
— En tout cas, je suis ravi de vous rencontrer, belle Marie. Je crois que nous étions faits pour nous rencontrer. C'est Dieu qui vous a mis sur mon chemin, c'est sûr !
— Oh, vous êtes chrétien, alors ? Moi aussi.
— J'étais sûr qu'une telle merveille de la Nature était une fidèle de Dieu. Comme je vous l'ai dit, c'est lui qui vous a mis sur mon chemin. Cela vous dit de vous baigner avec moi ? L'eau est chaude et agréable : venez en profiter ! En plus, vous avez l'air d'avoir fait un long voyage ; vous en avez besoin.
— Ha-ha-ha, glousse-t-elle nerveusement. C'est tentant, mais ce ne serait pas raisonnable : je suis bien trop chaste pour ça.
— Allons, de quoi avez-vous peur ? Je ne vais pas vous manger !
— Si, si, il va totalement la bouffer, me souffle le Verseau Noir.
— Non, je refuse, peine-t-elle à convaincre. Je n'oserais pas, vous dis-je. Et puis on ne se connaît même pas.
— Quand deux âmes sœurs se trouvent, elles n'ont pas besoin d'apprendre à se connaître pour savoir qu'elles sont faites l'une pour l'autre. Mais je comprends votre choix, c'est tout à votre honneur. Dans ce cas-là, c'est moi qui vais vous rejoindre.
La créature sort complètement de l'eau et révèle le reste de son corps. Un imposant sexe pendouille entre ses jambes. En plus des barbes énormes, Marie fantasme aussi sur les grosses queues, apparemment. Un ZZ Top avec un zizi top : voilà de quoi résumer le fantasme de ma belle. P'tain, j'ai tellement les boules de voir ça… Marie crie de surprise et se cache les yeux à l'aide de ses mains.
— N'avez-vous pas honte de vous montrer dans le plus simple appareil devant une dame aussi pieuse que moi ?
— Honte ? Pourquoi devrais-je avoir honte de me montrer tel que le Seigneur m'a conçu ?
Il s'approche d'elle doucement, lui caresse la joue, prend les mains de ma belle dans les siennes et la force à le voir dans son intégralité. Curieusement, Marie se laisse faire. Putain, ça m'énerve ! Elle est où, la folle furieuse qui aurait castré le pauvre malheureux qui aurait eu le moindre geste déplacé ? Moi, elle m'aurait déjà défoncé depuis longtemps à la place de ce « Joseph ». Pourquoi est-elle autant désarmée ?
La proximité avec la créature la fait glousser comme une pintade. Elle a beau résister, son regard est attiré vers l'entrejambe.
— Mais c'est énorme ! s'exclame-t-elle, tout émue. C'est toujours aussi gros ?
— Non, pas toujours. Nombre d'hommes en ont une bien plus petite que moi. Dieu a plutôt été généreux avec moi. Vous voulez toucher ?
Marie buggue et bègue, de plus en plus nerveuse. « Joseph » n'attend pas plus son accord. Tenant toujours les mains de la Vierge dans les siennes, il les descend vers son entrejambe. De là où je suis, je ne vois pas plus en détail ce qu'il se passe – Marie me tourne le dos et l'autre est juste devant elle – mais j'imagine très bien, et ça me fait chier à un point !
— Oh, oh, ça devient chaud… se réjouit le Verseau Noir.
— Rogntudju ! laisse échapper Marie. Ça devient encore plus gros… C'est dingue ! Et c'est tellement doux et chaud…
— Alors je vois que ça vous plaît. Voulez-vous y goûter ?
— Hein ? Je ne suis pas sûre de comprendre…
— N'avez-vous jamais mangé de sucettes, enfant ? Il suffirait de faire la même chose avec mon sexe : lécher, sucer… vous vous régalerez autant, si ce n'est plus, je vous l'assure.
— Je… je… hésite-t-elle.
— Laissez-vous aller pour une fois. Je suis sûr que vous allez… Aïe !
Que se passe-t-il ? Je ne vois pas tout, mais la tête du « Joseph » vient de changer d'expression. Elle respire la douleur. Il essaye de se débattre, mais d'après ce que je comprends, la Vierge lui tient fermement les parties.
— Je suis la femme la plus pure et la plus chaste, et vous, vous n'allez pas me faire croire que vous êtes un véritable serviteur de Dieu. Si tel était le cas, vous ne m'auriez jamais demandé une telle perversité !
Un geste brusque, un déchirement et un hurlement me font comprendre qu'elle vient d'arracher le service trois pièces de la créature, qui s'enfuit dans l'eau en chialant.
— MALLEUS MALEFICARUM !
L'immense vague d'énergie sombre foudroie la lyumnade qui est désintégrée. La puissance de l'attaque projette l'eau tout autour de son lit et permet l'ouverture d'un passage. La mort de la créature m'autorise à retrouver mes fonctions motrices. Le Verseau Noir, visiblement déçu, disparaît. J'accours vers ma belle.
— Francis ? Je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé. J'avais l'impression d'être plongée dans un rêve…
— C'était ton épreuve, Marie, et tu l'as réussie. Bravo !
Ouais, je suis plutôt content qu'elle n'ait pas accepté de se compromettre avec « Joseph ». D'un autre côté, si même son fantasme absolu n'a pas été capable de la faire céder à l'appel de la chair, je me demande bien comment moi je pourrais espérer y arriver un jour.
Quoi qu'il en soit, l'heure n'est pas venue de se poser la question : nous devons encore sauver Judith et partir d'ici. Le temps presse, et notre arrêt nous a retardés. La route est longue mais nous ne rencontrons pas d'autre embûche, à part une horde de zombies que nous semons sans problème.
La tour est là, juste devant nous. Il nous reste peu de temps, mais c'est encore faisable. Marie court vers la porte et balance son « Malleus Maleficarum », mais l'attaque rebondit dessus et lui est retournée.
Elle se protège néanmoins grâce à la puissance de son cosmos. Seulement, le Verseau Noir apparaît derrière elle armée d'une lame et la prend en otage. Elle essaye de se débattre mais une force la paralyse. J'accours vers elle pour la sauver mais notre adversaire appuie sa lame contre la gorge de la Vierge en signe de menace.
— N'étais-tu pas venu sauver la princesse ?
— Relâche la Vierge avant, grogné-je.
— Croyais-tu vraiment que vous alliez vous en sortir sans dommage ? La seule façon d'ouvrir la porte de la tour est de faire couler le sang d'un chevalier d'or. Je te laisse le choix : soit tu sauves la princesse en sacrifiant la Vierge, sois tu sauves cette dernière en abandonnant le Capricorne. Dépêche-toi de prendre ta décision : le sable du temps s'écoule, et quand il aura fini, il sera trop tard pour toi et je prendrai les deux vies. Ha-ha, ça, c'est beau ! Un dilemme moral rend toujours une histoire plus excitante. Quel choix va-tu faire ?
Le salaud ! Quel cruel dilemme auquel il me soumet ! Judith ou Marie ? C'est mon cœur qui répond à ma place : ce sera la femme que j'aime. Attends ! Nous devions être chacun soumis à une épreuve, mais je n'y ai pas encore eu droit. La voici donc ? Oui, j'en suis persuadé. Il disait vouloir déterminer si nous étions les héros de cette histoire. Que ferait un véritable héros plongé dans une situation identique ? Il essayerait de sauver les deux à la fois. Est-ce ça qu'il attend de moi ? Je ne vois pas comment déjouer les règles d'un univers qu'il contrôle complètement. Que ferait le véritable héros d'une histoire s'il ne peut sauver tout le monde ?
— Prends ma vie ! lui hurlé-je. Laisse la Vierge et tue-moi pour libérer le Capricorne.
— Tu te sacrifierais pour sauver tes deux collègues ? Es-tu bien sûr de ton choix, Bélier ?
— Absolument.
— Putain, merde ! Fait chier ! Tu as remporté ton épreuve. Savoir se sacrifier pour le bien commun… tu es un véritable héros ! Maître Arès nous aurait-il menti ?
La porte s'ouvre et Judith, un peu déboussolée, sort. Marie s'arrache des griffes du Verseau Noir, prend la main du Capricorne et l'amène jusqu'à moi. Ouf, mon bluff a marché ! P'tain, je ne sais pas ce que j'aurais fait si ce n'avait pas été ça, la solution au dilemme ; me serais-je vraiment sacrifié ?
— Bon, très bien pour vous, chevaliers d'or. Vous avez prouvé être dignes de votre rang : vous êtes donc les véritables héros de cette histoire.
— Nous pouvons donc rentrer chez nous ? espéré-je.
— Pas si vite ! L'histoire n'est pas encore finie. L'heure du climax est venue, le point culminant, le grand final, autrement dit la confrontation ultime avec le boss, c'est à dire moi. Nous verrons qui de vous ou de moi est le plus grand héros. Spoiler alert : JE SUIS LE HÉROS AUX MILLE VISAGES !
Gorgham se met à pousser un terrible hurlement de douleur. Son cosmos virevolte autour de lui dans une fureur indescriptible. Ses ongles se transforment en griffes, ses dents en crocs, et sa peau s'assombrit. Le voilà maintenant qui grossit. Son armure fusionne avec sa chair et forme des écailles. Maintenant deux immenses ailes lui poussent dans le dos. Gloups ! Le type vient de se transformer en un énorme dragon. C'est bien la première fois que je vois ça.
— Mouaha ha-ha-ha ! rugit-il. Ici, j'ai le pouvoir absolu. Je peux prendre n'importe quelle forme qui me plaira pour vous écraser.
— Tu veux pas prendre la forme de quelque chose de plus petit ? Genre un chihuahua ?
Je fais le malin, mais je n'en mène pas large. Je ne sais pas du tout comment on va pouvoir battre un type de son niveau. Son énorme gueule s'ouvre face à nous et un geyser de flammes nous arrose. Le bouclier cosmique de Judith nous protège tous les trois.
— On fait quoi ? paniqué-je à peine. Comment peut-on vaincre un pouvoir absolu ?
— Francis, rappelle-toi de Grumeau. Il prétendait avoir un pouvoir exceptionnel, mais il en était loin : il était juste puissant. Je suis sûre que c'est pareil avec lui. Personne n'a de pouvoir absolu. Il n'est pas imbattable.
— Oui, je suis d'accord avec la mécréante ! Il blasphème : seul Dieu a un pouvoir absolu.
— Couvrez-moi toutes les deux, je vais avoir besoin de concentration.
Marie envoie son Malleus Maleficarum tandis que je prépare une boule d'Explosion Cataclysmique. Je charge le dragon mais ce connard, à peine dérangé par l'attaque de Marie, s'envole dans les airs. Putain, y'en a marre de ces lâches qui ne veulent pas rester au sol !
L'attention de la bête se porte sur Judith. Marie lui envoie une nouvelle vague de son attaque. Cette dernière a une bonne portée mais n'est pas faite pour être utilisé dans les airs. Elle perd rapidement de son impact. Cependant, c'est suffisant pour détourner l'attention du dragon. Le voilà qui charge ma belle.
Je jette un coup d'œil à Judith dans l'espoir qu'elle soit prête. Elle lève les bras et le regard au ciel. Son cosmos doré m'indique qu'elle fait appel à ses pouvoirs télékinétiques. Je lève le nez moi aussi et vois la météorite foncer droit sur la tour. Le Capricorne pousse un cri de rage, et dans un effort monstrueux réussit à dévier l'immense caillou qui s'écrase en plein sur le dos de la bête, bien vite écrabouillée au sol dans un fracas apocalyptique.
Je suis soufflé par la puissance de l'impact. Mon corps fait plusieurs roulés-boulés et finit sur le dos, complètement détruit. J'ai l'impression d'avoir tous les os brisés. Mon armure n'est plus que l'ombre d'elle-même. Putain de sa mère, je souffre le martyre ! Et moi qui espérais une guerre en arrivant au Sanctuaire, me voilà servi… Seulement, je ne pensais vivre tout ça en une seule journée. J'en suis à combien de combats menés ?
Allez, courage, chevalier ! Ce n'est peut-être pas encore fini. Je me relève encore, limite les larmes aux yeux. Ah, le dragon a disparu. Serait-il mort ? Ha-ha, ce con, vaincu par sa propre météorite ! Il aura été bien court, son climax.
Mais une forme sort du cratère. Quelque chose d'allongé, noir et poilu. Oh, en voilà une deuxième, puis une troisième. Qu'est-ce que c'est ? Quatre, cinq, six, sept, huit ; ah non, quelle horreur ! Tout, mais pas ça ! Notre Verseau Noir a pris la forme d'une énorme araignée dégueulasse qui se dirige vers Judith. Elle tente de l'arrêter en lui envoyant quelques trucs sur la gueule grâce à ses pouvoirs, mais rien n'arrête l'arachnide. Je cours pour lui venir en aide. Mes jambes me lâchent, je tombe, et le sol m'éclate la tronche.
J'entends un hurlement de Judith. Je relève la tête : elle vient de se faire transpercer par une patte. La bête s'en désintéresse et se dirige vers moi, pauvre âme sans défense. Cependant, une brillante lumière arrête sa course. Judith s'élève dans les airs et retrouve ses forces grâce à son Sol Invictus.
L'araignée charge à nouveau. Judith tente d'éviter les pattes et les crochets de l'animal. Elle tente aussi de frapper la bête, mais sans lui causer de dommages. C'est elle qui finalement se fait toucher la première. Je hurle d'inquiétude, mais la bête ignore comment la tuer définitivement ; elle se contente de l'envelopper de sa toile pour la maintenir prisonnière.
— Lâche la mécréante, chien galeux d'Arès !
Marie vient de refaire son apparition. Elle ne semble pas beaucoup plus en forme que moi. Elle tient sur ses pieds, elle, au moins. La bête la charge mais ma belle la repousse avec son Malleus Maleficarum. Intéressant : c'est plus efficace que sur sa forme dragon.
— Inquisitio ! enchaîne Marie.
L'arachnide se tord de douleur et pousse un cri strident. Dans ses mouvements acharnés pour échapper à la souffrance, elle se renverse sur le dos. Incapable de se retourner, la voilà maintenant qui se recroqueville. Plus de mouvements alors que Marie semble poursuivre son attaque. Est-elle morte ?
Les pattes tombent en poussière. C'est ensuite au corps de se dissoudre. Oui, je crois que cette fois, c'est bon ! Oh, les restes de la bête semblent laisser apparaître une forme, quelque chose d'allongé et de roulé en boule. Oh, putain, ça bouge !
Marie recule d'un pas et observe le Verseau Noir se redresser sous la forme d'un serpent qui prend du volume encore et encore, jusqu'à atteindre une taille démentielle. Marie ne fait pas la fière et recule de quelques pas. L'aspic se jette sur elle. La Vierge tente une fuite, mais le reptile est bien trop rapide. Ma belle est avalée toute ronde.
— NONNNN ! hurlé-je.
L'ophidien se tourne vers moi et… c'est moi, ou ce connard sourit ? Merde, ça pue ! Allez, debout, Francis, tu ne peux plus compter sur les filles pour faire le boulot : c'est à toi de te bouger le cul ! Mon cosmos se réveille. La rage d'avoir perdu Marie me donne la force de me relever. Je vais lui faire payer, à ce fumier. Ouais, sauf que je suis loin du niveau que j'ai atteint contre Muhammad : j'ai mené bien trop de combats. Je ne me fais pas d'illusions : je vais y passer moi aussi. Tant pis, je vais donner tout ce que j'ai.
— Explosion Cataclysmique, murmuré-je.
Oui, j'ai au moins assez de cosmos pour ma meilleure attaque. Viens me bouffer, fumier, et tu verras ce qu'il va t'arriver ! Le serpent, la langue sifflante, avance sans se presser, se méfiant d'un mauvais œil de l'orbe cosmique dans ma paume.
C'est là que j'entends une voix provenir de ses entrailles. Un « DEUS VULT » étouffé. L'aspic tourne une tête étonnée. Son ventre explose. Des lambeaux de chair sont éjectés dans toutes les directions. Je suis arrosé d'entrailles et de sang. Déchiqueté en morceaux de l'intérieur, le corps de la bête s'écroule. Marie se tient debout au milieu de tout ce chaos, épuisée.
Le monde autour de nous s'écroule. La tour et les arbres partent en fumée. Le sol se dissout. La dimension parallèle liée au Verseau Noir s'effondre sur elle-même. Je me sens comme aspiré par un vortex.
J'atterris sur un sol dur. J'ouvre les yeux : le ciel est bleu, le soleil brille, tout semble paisible. Le calme après la tempête. Je respire un grand coup, heureux d'être en vie. Quelqu'un me fait de l'ombre. Deux chevaliers de bronze apparaissent dans mon champ de vision et me demandent si je vais bien. Je les entends à peine, encore sonné par les derniers évènements.
Ils m'aident à me redresser. Je suis de retour en ville, du moins ce qu'il en reste. Ça ressemble plus à champ de ruines. La bataille du Sanctuaire est finie. Peu de chevaliers mineurs sont encore debout ; beaucoup gisent par terre aux côtés des chevaliers noirs. La victoire est quand même notre.
Je cherche des yeux mes collègues. Judith, Marie et Mario sont bien là, dans un sale état, mais toujours vivants. Même les cadavres des Verseau et Scorpion Noirs ont été ramenés. Cette fois c'est bon : la bataille est terminée pour aujourd'hui.