Les chevaliers du zodiaque :
les vices du Sanctuaire
Nathan Kari24/03/2021
Bataille aux Gémeaux
Nous avons franchi la maison de la Balance et entrons dans celle de la Vierge. Il faut se dépêcher : je doute que Gomez du Taureau résiste très longtemps à nos ennemis. Soudain, Marie arrête de courir.
— Que fais-tu ? pesté-je. Pourquoi t'arrêtes-tu ?
— Ma mission de chevalier est de défendre ma maison. Je vais donc attendre nos ennemis ici.
— Hein ? Mais ils ont débarqué en force chez le Taureau. On devrait tous y aller plutôt que les laisser nous tuer les uns après les autres.
— Mario avait raison : nous avons prêté serment de défendre notre maison coûte que coûte, et c'est ce que je compte faire.
— Mais enfin…
Elle me lance un regard noir, signe que je ne dois pas insister. Tant pis, j'ai beau trouver cela idiot, je continue ma route en compagnie de Sanka. Nous traversons la maison du Lion inoccupée – Amalia doit encore être en train de se faire soigner – et atteignons ensuite celle du Cancer. C'est au tour de Sanka de s'arrêter.
— Putain, tu ne vas pas t'y mettre aussi !
— Désolé, man, mais Marie a raison. Il faut que je prenne soin de ma maison… et de mon champ de beuh aussi. Et puis il faut que je me prépare un peu de réserve pour être en forme pour les combats ; je n'ai plus rien à fumer.
C'est donc seul que je continue ma route. Ces saletés, si je dois crever parce qu'ils ont préféré rester en arrière, je jure que je reviens en fantôme pour les hanter ! Je ne ressens plus les affres du combat chez le Taureau. Serait-il vaincu ? Dans ce cas-là, nos ennemis ne devraient pas mettre longtemps à atteindre la maison des Gémeaux. Cependant, j'y suis le premier. Ayéfèmi m'accueille avec le sourire. Une longue chevelure rose déborde de son casque : c'est donc son côté pacifique. Chouette ! Vais-je donc vraiment devoir me battre seul ?
— Il se passe quoi au juste ? me demande-t-elle.
— Nos ennemis nous attaquent pour détruire le Sanctuaire.
— Je ne sens plus le cosmos de Gomez. Que lui est-il arrivé ?
— Je n'en sais rien, mais on peut craindre le pire.
Nos ennemis se rapprochent. Je sens très distinctement leur cosmos. Des cosmos très puissants, dont certains me sont familiers.
— Très bien, on va parlementer alors !
— Fèmi, l'heure n'est pas à la parlote : ils sont venus pour nous détruire, pas pour cueillir des fleurs. Ces chevaliers noirs sont maléfiques ; il y en a même une qui voulait remplacer les dessins animés par des trucs niais ! Maléfiques, j'te dis !
— Mais, euh… j'ai horreur de la violence.
Ça y est, ils sont visibles : cinq armures noires plus une d'argent. Tss, des rebelles les ont rejoints ! Ils avancent à grands pas, si bien que j'arrive rapidement à déterminer leur visage et les détails de leur armure. Je comprends mieux pourquoi certains cosmos me semblaient familiers : le chevalier d'argent est la jolie Mée de la Lyre tandis que ses deux apprentis, les jumeaux Sigfrid et Sigvald, ont revêtu des armures noires. Le premier celle des Gémeaux noirs, le second celle de la Lyre noire.
— Bien le bonjour, nobles chevaliers ! lance Fèmi. Soyez les bienvenus dans la maison des Gémeaux. Je suis Ayéfèmi, sa gardienne, et je suis prête à écouter vos exigences.
— Wesh, c'est Francis du Bélier ! me repère un des jumeaux. Mec, comment tu vas depuis le temps ? Wesh, t'as vu, frérot ?
— Wesh ! Moi j'ai surtout téma la gonzesse. Comment elle a l'air trop bonasse !
— Vos gueules, tous les deux, les coupe une femme à l'allure patibulaire. Je suis Carmen du Taureau Noir. Nos exigences sont de trancher la tête de votre fausse Athéna qui tyrannise le Sanctuaire et de vous soumettre à notre maître et à la véritable Athéna.
— Trancher la tête d'Athéna ? est choquée Fèmi. Ce n'est pas très gentil, ça. Nous ne sommes pas obligés d'en arriver là : on peut parlementer ; je suis prête à accomplir les moindres de vos désirs…
— Fèmi, l'arrêté-je, ne commence pas à leur proposer ce genre de truc ; ils ne sont pas venus pour ça.
— Tu es sûr ? Les deux jeunes jumeaux ont pourtant l'air de me trouver très à leur goût.
— Ils ne sont pas encore majeurs : ce serait hors charte !
— Oh, dommage…
Les autres chevaliers noirs s'impatientent et concentrent leur énergie. Je les observe en cherchant lequel est le plus à craindre. Est-ce cette Carmen du Taureau noir ? Elle me semble en effet très puissante. Mais les autres – l'armure de la Vierge noire porté par un Moyen-Oriental et celle du Cancer noir portée par une femme – semblent aussi redoutables.
— Pas le temps pour ces conneries ! Vous trois, lance Carmen en désignant Mée et ses deux apprentis, occupez-vous de leur cas pendant que nous continuons notre route. Le maître exige la tête de tous les chevaliers d'or qui refusent de se soumettre au plus vite.
— Si vous croyez que je vais vous laisser passer… m'opposé-je.
Une douce mélodie m'arrive au coin de l'oreille, et très vite je ne parviens plus à bouger. Les notes s'élèvent de la lyre de la sublime Mée. Carmen et les deux autres en profitent pour continuer leur chemin sans que Fèmi ne tente rien. Maudite soit elle : nous aurions bien besoin d'Ayé en ce moment.
Le charme de Mée ne me retient pas bien longtemps : en concentrant mon cosmos, j'ai réussi à m'en délivrer.
— Ma Sérénade Majestueuse n'est-elle pas magnifique ? Tellement belle qu'on se retrouve paralysé. Attends un peu que je te fasse écouter mon Requiem Nocturne…
— Putain, Mée, qu'est-ce que vous foutez là, bon sang ?
— Sérieusement ? La politique du Grand Pope tyrannise la population du Sanctuaire. Les plus démunis meurent de faim pendant que vous, chevaliers d'or, vous vous vautrez dans votre luxure. Ce système est pourri et corrompu jusqu'à la moelle ; il faut faire table rase et tout reconstruire à partir de zéro pour un monde plus juste. Ce serait plutôt à moi de demander ce que tu fais contre nous ; je croyais que tu partageais ma vision de la société.
— Et tu crois vraiment que les chevaliers noirs vont régler tous les problèmes ? Non, ce n'est absolument pas leur but : ils veulent juste s'emparer du Sanctuaire pour le tyranniser à leur tour.
— Tu mens ! Frid, Vald, il est temps de montrer au chevalier du Bélier vos énormes progrès.
— Wesh ! Tu vas voir, poto ! On va te foncedé !
— Yo ! Ça ne s'ra pas comme l'autre fois !
J'en doute, et je compte bien le leur prouver rapidement. Je n'ai pas de temps à perdre : trois chevaliers arrivent sur Sanka, qui ne pourra pas les arrêter à lui tout seul. Je charge le premier, celui avec l'armure des Gémeaux Noirs. Il réagit promptement, signe d'un réel progrès, mais il est encore loin de mon niveau. L'autre, avec l'armure de la Lyre Noire, vient secourir son frère en m'attaquant par l'arrière. Je tente de le repousser mais il évite mon coup. Ils ont aussi gagné en jugeote puisqu'ils profitent de mes angles morts pour attaquer. Je reçois quelques coups, mais rien de bien inquiétant pour le moment. Je sens le cosmos de la Lyre Noire se charger derrière moi ; une attaque se prépare.
— Par la Zikmu Qui Déchire Grave Ta Reum !
— Vald, j't'ai déjà dit que ce n'était pas un nom potable pour une attaque ! rouspète Mée.
Oh, mon Dieu… qu'est-ce que c'est que cette horreur ? Les quelques notes qui grincent de son instrument me filent la gerbe ! Mais quel effet son attaque est-elle censée faire ? Me faire saigner des oreilles ?
— Putain, Vald, Ré Ré Sol La Si Sol ! Ce n'est pas si compliqué !
— Wesh, c'est laquelle, Ré ?
Bon, de ce côté, je n'ai visiblement rien à craindre de plus qu'un mal de crâne. Il ne sait pas jouer de son instrument.
Ils sont jeunes ; ils ne méritent pas de mourir : je vais les mettre hors-jeu d'une autre façon. Je dégomme leurs armures, je casse quelques os et ça devrait être joué, un peu comme cette fois où je les avais affrontés lors de leur entraînement. Commençons par Sigfrid. L'autre cherche toujours ses notes, mais l'armure des Gémeaux Noirs peut se montrer plus dangereuse. Je concentre mon cosmos dans mon poing, histoire de briser l'armure sans trop blesser son porteur.
Je charge. Il évite les premiers coups, mais très vite il est touché à la poitrine. Sigvald abandonne sa lyre et me charge à son tour. J'évite ses coups et le repousse. Sigfrid se relève. Son armure est intacte. Bon, l'armure noire doit être aussi solide que son homologue d'or.
Ça y est, ils sont à nouveau deux sur moi. C'est pénible, d'autant plus qu'ils ont appris à coordonner leurs mouvements. J'attends une faille pour frapper à nouveau. Mais ce coup-ci, changement de cible : je m'occuperai d'abord de détruire la plus faible armure, histoire d'en avoir plus qu'un sur le dos. Là, la Lyre Noire baisse sa garde. Un poing concentré de Cosmos le frappe lui aussi dans la poitrine. Le jeune est projeté avec violence contre un pilier. Je devrais avoir bien abîmé son armure ainsi.
Hein ? Il se relève sans aucun dommage. Il est maintenant vêtu de l'armure des Gémeaux Noirs. Comment ? Que s'est-il passé ? Ont-ils échangé leurs armures en une fraction de seconde ?
— Eh oui, me nargue Mée : Vald et Frid sont tous deux porteurs officiels de l'armure des Gémeaux Noirs. Ils se la partagent, et elle les protège quand ils en ont besoin. Celle de la Lyre Noire n'est qu'une armure d'emprunt.
— Wesh frérot, comment t'as trop la classe dans l'armure ! lance Frid.
— Wesh ! Elle est trop claquante de ouf. Mais attends qu'on s'récupère l'armure d'or. Ça s'ra chanmé : on aura chacun la nôtre !
Bon, fait chier. Cela se complique un peu… OK, pas grave : il me suffit de taper les deux en même temps, l'armure sera incapable de les protéger tous les deux. Sigfrid, maintenant dans l'armure de la Lyre Noire, prépare une attaque. Saura-t-il mieux jouer de l'instrument que son jumeau ?
— Par le Brouhaha Dissonant !
Aïe, mes oreilles ! C'est aussi catastrophique et inefficace que son frangin, bien que l'attaque porte mieux son nom. Mée rougit de rage ! Elle qui est mélomane doit souffrir encore plus avec cette horreur.
— Bon sang, arrêter de massacrer la musique ! Utilisez plutôt votre botte secrète.
Botte secrète ? À ces mots, ma curiosité s'éveille. J'ai hâte de voir de quoi il s'agit. Les deux frères, face à moi, se joignent les mains et concentrent leur cosmos.
— Doppelgänger ! prononcent-ils.
Leur cosmos m'atteint et m'enveloppe sans me causer de dégâts directs. Une drôle de sensation m'envahit : je me sens faiblir, comme si une partie de mon propre cosmos était aspirée. Et puis le tout forme une masse grouillante juste devant moi. Se forme et se matérialise alors une silhouette qui prend peu à peu mon apparence : même armure, même visage, j'ai l'impression d'être devant un miroir. La seule différence est cet air narquois et suffisant qu'affiche mon double.
— Qu'est-ce… suis-je surpris.
— Tu te demandes qui je suis, me répond-il. Je suis toi, tout simplement. Tout du moins la partie cool de ta personnalité. Je suis là pour t'abattre. GRouAAaaAAAAA !
Merde ! Mon double me charge. Je tente de le contrer mais il reconnaît mon geste et réagit en conséquence. Je me mange donc une droite en plein visage. Surpris, je ne me laisse pourtant pas désarçonner. Il enchaîne avec plusieurs autres coups que j'évite. Je connais chacun de ses mouvements. Il tente des feintes que je connais par cœur. Tous ses mouvements, tous ses coups, toute sa stratégie, je reconnais tout. Impossible pour lui de me tromper. Je sais ce qu'il s'apprête à faire au moment même où il le pense. Mais l'inverse est aussi vrai. Ce combat peut durer une éternité : personne ne sera capable de prendre l'avantage.
Là, je sais qu'il prépare ma Déflagration Atomique. En effet, il lance l'attaque. Une explosion violente retentit mais j'ai déjà eu le temps de battre suffisamment en retraite. Je suis soudain surpris par les deux jumeaux qui me chargent. Le doppelgänger revient à l'assaut. Là, ça se complique vraiment : ils sont trois contre moi. Je ne peux que me défendre, pas le temps d'élaborer une stratégie.
— Dis, Ayéfèmi, rouspété-je, un coup de main serait bien apprécié.
— Je n'interviendrai que si vous trouvez un moyen non-violent de régler ce conflit.
— Et toi, maugréé-je à mon double, je croyais que tu étais comme moi, et pourtant tu salis ton honneur en te battant pour l'ennemi.
— Tss, se marre-t-il, tu sais très bien que le plus important a toujours été de casser des gueules. On s'en fout de pour qui on se bat.
Mouais, c'était à peu près ma mentalité avant de rejoindre le Sanctuaire. Si je suis venu ici, c'était avant tout pour me battre ; peu importait l'adversaire. J'ai donc abandonné Aphrodite pour Athéna. Aurais-je pu le faire pour n'importe qui d'autre du moment que l'on me promettait des combats ?
— J'vais te buter, continue-t-il, et après je défoncerai cette salope de Vierge. Comment diable tu as pu te laisser marcher sur les pieds par cette connasse ? Tu me dégoûtes ! Tu t'es laissé piéger par le traquenard qu'est l'amour. Je vais nous en débarrasser.
Bon, il n'est donc pas tout à fait pareil que moi. Moi, j'ai accepté mes sentiments, même si ce n'est pas facile tous les jours. Je ne peux décidément pas laisser cette version médiocre de moi-même fouler ce sol.
Mais les choses sont plus faciles à dire qu'à faire. Trop concentré sur le combat, j'en oublie une nouvelle fois les jumeaux qui m'envoient plusieurs décharges de cosmos dans le dos. Alors que je suis déconcentré, mon double me charge, enchaîne une série de coups violents et finit par une Déflagration Atomique. Je me mange l'attaque en pleine face. Je souffre. Décidément, je ne fais pas vraiment dans la dentelle…
Aïe, me voilà à terre ; il me faudra plusieurs minutes pour reprendre mon souffle et m'en remettre. Bien entendu, le doppelgänger ne compte pas m'en laisser le temps.
— À nous deux… sourit-il. Explosion Cataclysmique !
Merde ! Ma plus puissante attaque ! Là, je suis mal : s'il m'atteint avec l'orbe hyperconcentré de cosmos qu'il vient de former dans sa main, je ne donne pas cher de moi. Avec la série que je viens de me prendre dans la gueule, il va être très compliqué de le contrer. Putain, c'est la loose : je vais crever après avoir affronté les deux jumeaux débutants et crétins !
Le double charge vers moi en poussant mon fameux cri de guerre, mais quelque chose arrête soudain sa course : sans qu'il ne l'ait vu venir, quelqu'un vient de lui porter un coup sous forme d'une double vague d'énergie. Surpris, il a perdu sa concentration et son orbe s'est dissipé de lui-même. Mais qui donc est intervenu ?
Ce n'est pas possible… pas eux ! Voilà mes sauveurs qui se montrent : Friedrich, accompagné d'un Sacha vêtu de l'armure de bronze de la Licorne. Putain, se faire battre par les jumeaux, c'était déjà la honte ; mais en plus se faire sauver par Sacha et Friedrich, je perds toute crédibilité ! Quand c'est mon ancien maître qui me sauve, ça passe ; mais là, mon apprenti… non, ça ne le fait pas !
— Ha-ha, on t'a eu, sale rebelle !
— Mais non, t'as rien compris, Sacha, le reprend Friedrich : ce n'est pas le vrai Francis. Le vrai est là, à terre. Bonjour, Maître.
— OK. Finissons-le alors tant qu'il est au sol.
— Mais non : nous sommes là pour le sauver, abruti ! C'est les autres, les rebelles.
— En fait, techniquement, je suis quand même un rebelle, interviens-je. J'ai moi aussi attaqué le Sanctuaire.
— Bah, tu vois ? se rassure Sacha. J'avais raison.
— Sacha, casse-toi d'ici ! intervient Mée. Tout ce que tu trouveras, c'est la mort si tu interviens dans ce combat.
— N'ayez crainte, Maîtresse ; grâce à vous je suis chevalier, maintenant : je vais vous aider à repousser l'invasion.
— Abruti ! L'invasion, c'est nous qui la menons !
— Quoi ? Mais alors vous êtes avec Francis ?
— Mais non, imbécile, le corrigé-le. Moi, je défends le Sanctuaire.
— Hein ? Mais t'avais dit que… Je n'y comprends plus rien !
— Écoute, Sacha, reprend Friedrich, on sait tous que tu n'es pas un penseur. D'ailleurs, ce n'est pas ce qu'on te demande. Alors tu suis mes ordres comme ce que nous avions prévu.
— Laissez tomber tous les deux, me relèvé-je, et écoutez Mée. Laissez-moi gérer ce combat.
— Pas question : vous avez besoin d'aide, Maître ! refuse Friedrich.
— Bon, les jumeaux, reprend Mée, le cas de Francis devrait bientôt être réglé. Laissez le doppelgänger finir le boulot et occupez-vous maintenant du chevalier des Gémeaux. Moi, je vais m'occuper des deux vermisseaux qui s'imaginent renverser le cours de la bataille.
— Wesh, bien capté !
Les choses se compliquent : il va falloir que je me débarrasse de mon double tout en protégeant Sacha et Friedrich des attaques de Mée, et en espérant que Fèmi se défende contre les jumeaux. Mée charge les garçons et enchaîne plusieurs coups. Mon double m'empêche d'intervenir. Sacha a au moins une armure de bronze pour le protéger, mais ce n'est pas le cas de Friedrich. Malgré tout, il encaisse bien les coups. Mée n'a pas un mauvais fond ; elle y va probablement mollo avec les jeunes. Elle cherche sûrement à les effrayer pour les faire fuir. De son côté, Fèmi se contente d'éviter les coups de ses adversaires et tente de les convaincre de déposer les armes.
— Je ne comprends pas, Maîtresse, pourquoi vous attaquez le Sanctuaire… pleure Sacha en plein combat. Vous aviez juré de le protéger.
— C'est justement pour le Sanctuaire que je me bats, pour chasser toute la corruption et pour vous offrir un meilleur avenir.
— À d'autres ! crache Friedrich. DÉFLAGRATION ATOMIQUE !
Hein ? Impossible ! Il ne peut pas avoir maîtrisé cette attaque de lui-même. Je sais qu'il avait quelques prédispositions, mais là, je ne peux y croire. Et pourtant une explosion de cosmos retentit. Mée se mange l'attaque en pleine poire. Merde, alors : il a réussi, ce morveux ! Bon, bien entendu, ça ne vaut pas ma Déflagration Atomique, mais quand même ça reste un exploit. Mée l'a clairement sous-estimé, et maintenant son armure est amochée.
— Doppelgänger ! lancent les jumeaux.
Cette fois, la cible est Fèmi. Les jumeaux semblent vouloir accélérer le combat. Comme tout à l'heure, le cosmos matérialise un nouveau personnage, et cette fois c'est le double de Fèmi. La situation devient encore plus périlleuse avec un ennemi de la puissance des Gémeaux. La nouvelle venue est en tout point similaire à Fèmi : même armure, même physique, même cosmos. À un détail prêt : la couleur des cheveux. Elle a la couleur d'Ayé, et le sourire sadique qu'elle affiche maintenant m'indique qu'elle en a aussi la personnalité. On est mal. ON EST TRÈS MAL !
— Voilà le moment que j'ai attendu toute ma vie, sourit Ayé : l'heure où je vais enfin pouvoir te botter le cul.
Fèmi ne fait pas la fière. Elle prend la menace très au sérieux, d'autant plus quand commence l'assaut. Oubliée, la non-violence : elle tente de porter des attaques. Elle craint véritablement son double. De mon côté, mon duel avec le mien se poursuit et je ne parviens toujours pas à prendre l'avantage tandis que Sacha et Friedrich sont torturés par les effets d'une musique cosmique démoniaque. Que faire ? Les deux jeunes ne résisteront pas longtemps face à un chevalier d'argent, et je ne trouve aucun moyen de mettre hors-jeu mon double. J'ai beau tenter moi aussi une Déflagration Atomique, mais c'est sans effet : l'autre Francis me connaît par cœur, il sera difficile de le piéger.
Et Fèmi doit aussi faire face aux jumeaux. Ils ont beau n'être pas aussi puissants qu'elle, je sais qu'ils représentent une pénible épine dans le pied. Elle ne résistera pas longtemps.
— Ayé, calme-toi s'il te plaît. La violence est inutile.
— Non, j'en ai marre de t'écouter. Tu te bats toujours contre moi, m'empêchant de prendre le contrôle. Tu refuses que je m'amuse. Je ne supporte plus d'être en permanence maintenue à l'écart.
Les jumeaux la chargent. Fèmi les repousse violemment. Elle a enfin compris l'urgence de la situation et s'implique donc en conséquence. La violence est un mal, mais parfois c'est un mal nécessaire. Nous sommes tous en danger de mort s'il elle ne fait rien.
Le poing chargé de cosmos, Ayé frappe droit devant avec une fureur inégalable. Fèmi croise les bras pour retenir le coup, mais la puissance dégagée la submerge. Poussant un cri de rage, Ayé abat la foudre contre son double. L'armure d'or des Gémeaux se retrouve fêlée. Fèmi hurle de douleur.
— Arrête cette folie, Ayé ! l'implore le chevalier d'or. Retourne à ta place.
— Ma place ? Non, je refuse. J'en ai marre que ce soit toujours toi qui domines ! Tu refuses toujours de me laisser le contrôle. Je veux vivre moi aussi, tu entends ? JE VEUX VIVRE !
La colère est clairement perceptible dans sa voix, et des larmes coulent de ses yeux, signe d'une réelle souffrance. C'est vrai, je ne me suis jamais posé la question de ce que pouvaient ressentir deux personnalités qui partagent un même corps.
— D'accord, tu as gagné, abandonne Fèmi. Ayé, je me rends et je te laisse la place.
— Vraiment ?
— Oui. De toute façon, nous n'avons pas vraiment le choix…
Les deux jeunes femmes s'avancent l'une vers l'autre et joignent leurs mains paumes contre paumes. Le cosmos matérialisé formant Ayé se dissipe et est absorbé par Fèmi. Juste après, les cheveux de Fèmi passe du rose au blanc et un cosmos menaçant s'élève d'elle. Qu'est-ce que ça signifie ? Quel camp va rejoindre cette Ayé ? Visiblement, je ne suis pas le seul à me poser la question.
Cette fois, bien fatigué par la durée du combat, je n'ai pas vu le coup venir ; mon double m'emmanche un uppercut qui me sonne. Coups de pieds, coups de poings, coups de boule, je mange cher ! Putain, j'ai mal partout !
— Franchement, je ne te reconnais plus, me lance mon double. T'as bien changé depuis que t'es arrivé ici. Tout ce qui nous a toujours importé c'était de casser des gueules et de se taper des meufs, mais tu t'es laissé dompter par la Vierge, et il semblerait même que t'en aies quelque chose à foutre des raisons pour lesquelles tu te bats. Pourquoi t'opposer autant aux chevaliers noirs ? Ouais, par instinct on sait tous les deux que leurs véritables intentions sont loin d'être nobles, mais pourquoi ça te préoccupe autant ? Avec eux, on est sûr d'avoir une éternité de combat. Laisse-toi aller et redeviens ce que tu étais autrefois.
Alors qu'il s'apprête à me lancer une nouvelle Déflagration Atomique, un poing d'or lui transperce le bide. L'énergie à l'origine du double se dissipe et Ayé apparaît derrière lui, le poing en avant. Merde, elle l'a vaincu en un seul coup ! Cette femme est vraiment horrible.
Apeurée, Mée veut intervenir et prépare sa lyre pour porter une attaque, mais le chevalier des Gémeaux est sur elle en un éclair. Elle l'attrape au cou et lui brise la nuque. Il ne reste plus que les jumeaux.
— Bon, pour vous, je vais faire durer un peu le plaisir… sourit-elle.
— Wesh, ne crois pas qu'tu vas nous poutrer si facilement ! Nous sommes encore deux.
— Ce n'est pas un souci. POUPÉE VAUDOUE !
Ayé sort une petite marionnette de son armure et l'imprègne d'une partie de son cosmos. Son énergie permet de la remodeler pour lui faire prendre la forme des jumeaux.
— Voyez-vous, je suis capable de créer des poupées à l'image de mes adversaires. Tout dégât que subit la poupée, la personne représentée le subira aussi. Vous êtes jumeaux : je vais donc pouvoir vous attaquer tous les deux en même temps. Vous n'êtes plus qu'un jouet entre mes mains.
Elle joint le geste à la parole en lançant la poupée au sol. Les jumeaux s'écrasent au même moment, et ils hurlent de douleur quand Ayé s'amuse à écraser la poupée sous son pied. Ils crachent du sang quand le chevalier des Gémeaux s'amuse à planter des petites aiguilles dans la poupée, puis elle glousse en arrachant les doigts de la poupée un à un, puis les bras. Les jumeaux ont tellement hurlé qu'ils en ont perdu la voix. Sacha et Friedrich sont livides devant ce cruel spectacle ; le premier vient de régurgiter son repas. J'ai beau avoir connu la violence de plusieurs combats, je suis moi-même écœuré par un tel sadisme.
— Pitié, Ayé, arrête ça maintenant ! Ils ne méritent pas un tel traitement.
— Alors que je m'éclate tant ? Non !
— Nous n'avons plus de temps à perdre ; il reste d'autres chevaliers noirs à abattre. Sanka se bat seul contre eux en ce moment : il nous faut l'aider.
— Bon, OK, mais c'est seulement parce qu'il s‘agit de proies fraîches.
Et pour conclure cette bataille, elle arrache la tête de la poupée.