Le prix à payer
Doc7707/10/2020Une assistante dévouée
L'ambiance était lourde dans cette entreprise, et ce depuis plusieurs années. Elle avait d'abord été vendue à une société étrangère qui ne s'était pas accommodée de la structure familiale d'antan, et qui avait exigé plus de rentabilité, toujours plus, ce qui est soi-disant la modernité.
Plusieurs directeurs s'étaient succédé, nommés par les propriétaires, pour remplacer les associés d'avant, et le dernier en date, aux dires des salariés, était plutôt du genre rigide, pas rigolo, froid, et n'était pas un modèle d'empathie.
Les ouvriers subissaient les nouvelles méthodes de travail décidées unilatéralement et arbitrairement (des réimplantations de locaux qu'ils jugeaient non réfléchies et en dépit du bon sens) ; les salariés des services commerciaux et supports se plaignaient en aparté de pressions importantes pour faire du chiffre ; des petits managers, des petites responsables de service prenaient ces méthodes à la lettre et se permettaient parfois des attitudes odieuses avec leurs subalternes ; les anciens bureaux, cloisonnés, avaient disparu pour faire place à un open space, plus « fonctionnel », plus propices à « la communication transversale » – pour reprendre les poncifs et le verbiage en vogue de nos jours – au prix d'une déshumanisation certaines de ces espaces de travail, d'un bruit ambiant parfois néfaste à la concentration quand tout le monde était au téléphone en même temps, d'une disparition totale de la confidentialité (tout le monde voit ce que fait tout le monde, entend toutes les conversations, y compris les échanges entre le salarié et son chef, et plus personne ne se permet de passer un coup de fil personnel). Bref, l'entreprise vivait avec son temps !
Irène, à cinquante-deux ans, était arrivée jusqu'à présent à surnager.
Elle pouvait paraître privilégiée avec son bureau individuel au rez-de-chaussée, même si les cloisons étaient vitrées et donnaient sur le couloir et d'autres bureaux, comme celui de son directeur et ceux d'autres collègues du service R.H.
Il est vrai qu'en tant qu'assistante de direction d'un patron très occupé, souvent en déplacement, elle faisait quasiment partie de l'équipe de direction puisque son boss lui déléguait pas mal de responsabilités. Des tâches dont certaines auraient pu passer pour ingrates ou bien pour valorisantes, tout dépend de quel point de vue on se place.
C'était l'archétype même de la fille qui savait comment survivre, surtout à ce poste. Il avait fallu se rendre indispensable, presque irremplaçable. Bien entendu, elle ne se faisait aucune illusion : elle savait bien que personne ne l'est dans une entreprise, et qu'elle pouvait être remerciée au gré d'un changement de directeur ; un nouveau, en arrivant, peut toujours préférer travailler avec une nouvelle assistante qu'il aura recrutée lui-même, qui n'a aucune connaissance de l'entreprise et de son histoire, c'est-à-dire qui n'a aucun avantage sur lui ni aucun lien aussi dangereux qu'ancien avec d'autres salariés, ou pire, avec des personnes proches des proprios ou des actionnaires, mais aussi – et surtout – qui sera plus malléable.
C'est pourquoi, de ce côté-là, elle avait toujours su s'adapter à chaque nouvelle tête dirigeante, chaque nouvelle méthode de travail, toute nouvelle consigne, même si ça devait se faire en serrant les dents.
Il ne fallait montrer également aucune empathie, aucun semblant de lien privilégié ou seulement amical avec quiconque, et supporter avec un masque d'indifférence totale, sans état d'âme, n'importe quel licenciement, n'importe quelle sanction infligée à un ou une collègue, et ne montrer aucun jugement négatif qu'elle aurait pu avoir sur une telle décision.
Au contraire, il fallait faire comprendre qu'on était du côté de la direction en toutes circonstance, soutenir toute décision prise à l'encontre de n'importe quel collaborateur, même si elle paraissait injuste, au risque de passer pour une vraie peau de vache sans cœur ou au mieux un valet servile de son patron, et surtout bien prendre ses distances avec les ouvriers et le personnel situé au plus bas de l'échelle.
Quant aux élus du personnel, n'en parlons pas. Elle se devait d'exprimer de temps en temps du mépris à leur encontre quand elle était seule avec son directeur, histoire de lui montrer qu'elle n'avait toujours pas changé de camp, qu'elle le soutenait en pensée lors des réunions de ces instances auxquelles elle assistait, bien que ne mouftant pas ; mais elle était toujours invitée par celui-ci, plus histoire d'augmenter le poids physique de « la direction » face aux représentants du personnel que pour ce qu'elle pouvait apporter comme informations utiles lors des réunions.
Pourtant, ils n'avaient rien à lui envier ; s'ils avaient su de quel salaire elle se contentait depuis toutes ces années… à peine plus qu'eux. Parce que ça aussi, c'était essentiel s'il fallait durer. Passée la cinquantaine, trop de salariés ayant un peu d'ancienneté dans une entreprise ont un salaire qui les met en péril : ils deviennent les personnes à virer en premier quand on met en place un plan d'économie.
Irène savait qu'il ne fallait jamais demander une augmentation, encore moins bien entendu se rebeller et, si possible, ne pas avoir un salaire qui augmente trop, même mécaniquement : cela l'aurait mise en concurrence avec des jeunes bimbos qui étaient prêtes à accepter n'importe quel poste au SMIC, du moment qu'il les sort du chômage et de la précarité, même si c'était un poste dégueulasse, multitâches, ingrat au possible, avec une charge de travail et des responsabilités exorbitantes, surtout eu égard à ce salaire minimum.
Au moins de ce côté-là, Irène n'avait pas à craindre les jeunes.
Restait le physique, l'âge tout court, qui pouvaient devenir un handicap aux yeux d'un patron sans aucun scrupule.
Passé un certain âge, certains salariés tombent malades, sont plus vite fatigués, posent des arrêts maladie, même si c'est parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement ; et pour ceux qui comptent sur eux ou elles, ça devient lourd. Même si elle avait ses petits maux, ses problèmes hormonaux, son hypertension, Irène n'en faisait jamais état et s'arrangeait toujours pour venir bosser même quand elle était patraque avec les yeux vitreux, même avec 39° de fièvre.
Et quant à l'image, elle se disait qu'elle n'était pas hôtesse d'accueil, ne faisait pas les salons d'exposition, n'était pas amenée à rencontrer les clients dans son service. Malgré ça, elle mettait un point d'honneur à être chaque jour pimpante et élégante, assez classe (mais pas trop, il ne faut pas faire trop riche, ne pas donner l'impression qu'on n'a pas besoin de travailler), et elle pouvait se féliciter d'être franchement bien pour son âge, sans se méprendre ni se vanter.
C'est sûr, sa taille s'était un peu enrobée, comme beaucoup de femmes à l'aube de la cinquantaine, mais son teint était resté frais ; et même si son visage s'était un peu empâté, son maquillage qui lui donnait l'air un peu BCBG arrivait encore à masquer sans trop d'effort ni d'excès les outrages du temps. Elle donnait toujours l'impression de sortir de chez le coiffeur avec ses cheveux méchés, impeccablement bouclés et bien tenus, et elle pouvait être fière d'avoir les mêmes yeux bleus qu'avant, d'une couleur pure qui lui donnait un certain charme, et même du chien.
Elle avait les formes qu'il faut là où il faut, avec une poitrine plutôt généreuse dont elle ne pouvait dissimuler totalement le volume sous des pulls à col roulé, et un postérieur bien marqué qu'elle ne pouvait cacher dans ses jupes droites qui s'arrêtaient aux genoux. Elle portait souvent des bottes ou des chaussures sages, des collants sombres. Bref, des tenues à son image, discrètes, afin de ne pas trop se faire remarquer.
Depuis quelque temps les tensions étaient palpables dans l'entreprise. Non que les affaires semblassent décliner – le chiffre d'affaires restait stable, à ce qu'on entendait – mais des plaintes émanaient de certains services sur les méthodes de management de quelques petits chefs, des collaboratrices craquaient. Le directeur feignait ne rien voir, tenant pour quantité négligeable ce qui lui remontait aux oreilles, mettant ça sur le dos de la « résistance au changement » (classique tarte à la crème des directions), et Irène, en fidèle serviteur de son patron, restait également de marbre, toisant de son œil indifférent et méfiant les délégués du personnel qui osaient aborder le sujet en réunion.
Ce directeur, homme peu impressionnable, semblait plus stressé par les futurs contrats et la concurrence. Ils étaient une petite entreprise de moins de 80 salariés et se positionnaient malgré tout sur des marchés à l'international avec des clients exigeants, tant en terme de coût que de délais de réalisation de leurs projets.
Justement, en ce moment, il était assez préoccupé par un dossier qu'il venait d'accepter et pour lequel il était encore en négociation. Irène ne travaillait pas au service commercial, mais elle suivait de loin les étapes de ce dossier puisqu'elle organisait les déplacements de son patron. Ce dernier n'était pas homme à montrer ses émotions, et encore moins du genre à s'épancher sur ses états d'âme, mais elle devinait bien, tant à ses mimiques qu'aux paroles peu explicites qu'il lâchait sur ce sujet, que la partie s'avérait difficile et que le contrat n'était pas certain d'être signé.
Le client – une entreprise italienne située en Calabre – était très intéressé par ce que pouvait offrir la société mais n'avait pas caché qu'il n'avait pas encore fait son choix entre SESI (la société d'Irène) et d'autres concurrents situés en Europe, voire plus loin (le client n'avait bien entendu pas dévoilé quels concurrents étaient sur l'affaire).
Justement, ce jour là, le fameux client avait pris rendez-vous avec le patron d'Irène pour discuter du dossier, mais surtout pour visiter l'entreprise et voir l'atelier de fabrication. Irène commençait à stresser car son patron, qui d'ordinaire arrivait toujours en avance, n'était toujours pas là et il était 8 h 50 ; or le rendez-vous avec son client était à 9 heures. Il devait être retardé – un embouteillage imprévu, c'est malheureusement monnaie courante –, mais pourquoi diable ne la prévenait-il pas ? Un coup de fil rapide, un texto, ce n'est quand même pas compliqué, surtout que l'enjeu est plus qu'important. Elle détestait devoir gérer ce genre de situation, d'autant que son patron, plutôt soupe-au-lait, n'était pas du genre à apprécier qu'une assistante de direction prenne des initiatives inconsidérées.
Le client arriva cependant à neuf tapantes, et le directeur n'était toujours pas là. Elle dut bien entendu aller l'accueillir en arborant son plus charmant sourire :
— Bonjour Monsieur Buzzato, je suis Irène Langeais, l'assistante de monsieur Lefranc. Il m'a avertie qu'il aurait un tout petit peu de retard, mentit-elle. Veuillez-me suivre, s'il vous plaît.
Le client, qui avait tout d'abord eu un sourire engageant, s'était immédiatement fermé quand elle lui avait annoncé que le directeur avec qui il avait rendez-vous n'était pas encore là.
Elle l'emmena dans la salle de réunion, l'entreprise n'ayant pas d'endroit plus convivial. La salle était dénuée de fenêtres, juste des baies vitrées donnant sur le couloir. On faisait mieux, question chaleur.
— Voulez-vous un café ? lui proposa-t-elle.
— Non, merci, déclina-t-il poliment mais un peu sèchement.
Cela démarrait mal. Elle avait espéré le détendre un peu et le faire patienter devant un café ; elle se trouvait un peu prise de court. Comment allait-elle meubler les minutes qui allaient suivre, tout en faisant abstraction, par ailleurs, qu'elle ignorait totalement combien cette attente allait durer ? L'homme ne semblait pas bavard ni affable ; elle était mal partie.
Les minutes qui commençaient allaient rapidement devenir une torture.
Elle s'assit devant lui, de l'autre côté de la table de réunion, en se forçant pour le gratifier d'un sourire chaleureux, mais l'homme n'y répondit pas ; il consultait sa montre, manifestant des signes d'agacement. Il ne semblait pas commode, plutôt du genre homme pressé qui n'apprécie pas qu'on lui fasse perdre son temps.
C'était un bel homme, grand, la cinquantaine bien sonnée (bien qu'il fût difficile de lui donner un âge), très typé, au teint hâlé, très élégant, les yeux sombres, et elle aurait juré qu'il avait des origines plus orientales. Il s'était peu exprimé jusqu'à présent, mais au peu de mots qu'il avait prononcés, elle avait remarqué son fort accent italien. Il parlait français, c'était déjà ça.
Si en plus elle avait dû ressortir son anglais de son tiroir et le dépoussiérer, elle aurait dû ramer un maximum, et l'accueil de ce client aurait été totalement catastrophique.
L'homme, qui l'avait à peine regardée depuis qu'il était arrivé, ne lui parlait pas et consultait désormais son smartphone. C'est vrai que ça n'était pas à lui de faire la conversation à la petite dame qui l'avait accueilli, mais plutôt le contraire. Mais il ne donnait pas vraiment l'impression d'avoir envie de faire la causette.
Si elle n'était pas consciente qu'elle n'était en définitive qu'une simple assistante de direction, elle aurait pu s'offusquer du mépris qu'il semblait lui renvoyer, mais ce qui la faisait souffrir surtout, c'était de ne pas savoir quoi faire avec ce client important. D'autant que son patron, s'il lui déléguait beaucoup de tâches dans le domaine des ressources humaines, était connu pour ne se faire assister par personne quand il s'agissait des relations avec les clients.
Et M. Lefranc qui ne donnait aucun signe de vie… Elle se sentait comme paralysée. Comment dire à ce client que ce n'était qu'une question de minutes alors qu'elle n'avait aucune idée du retard qu'il allait avoir ? Elle commençait à avoir les mains moites ; le stress montait, le silence était pesant. Elle ne pouvait pas rester ainsi sans rien faire, ni ne rien lui proposer. Il fallait qu'elle essaie d'avancer. Tant pis si elle prenait un risque et déclenchait la colère de son patron. Elle prit une initiative, terrifiée à l'idée qu'elle était peut-être en train de faire une bêtise :
— Écoutez ; étant donné que monsieur Lefranc va avoir un peu de retard, je vais vous proposer de rencontrer le responsable de production, qui pourra vous faire visiter l'atelier. Qu'en pensez-vous ? Je crois savoir que vous aviez prévu d'effectuer cette visite…
— Tout à fait, répondit-il avec un air qui semblait dire « Ah, enfin, ça bouge ! » En effet, ça nous ferait peut-être gagner un peu de temps.
— Je vais le faire appeler afin qu'il vienne vous accueillir. Je vous demande de patienter une toute petite seconde, lui dit-elle avec un sourire qui se voulait le plus exquis du monde mais qui était un peu crispé.
Elle se leva, fila à son bureau distant de quelques mètres où elle prit le téléphone et sonna le branle-bas de combat.
La tension en elle se relâcha quand elle vit arriver dans sa blouse bleue l'homme providentiel. Elle fit les présentations et laissa l'homme de l'art emmener le client italien dans l'atelier. Elle souffla, retourna à son bureau et tenta une nouvelle fois de joindre son directeur, mais son téléphone était toujours sur boîte vocale et il n'avait pas répondu à ses textos.
Au bout d'une vingtaine de minutes son patron débarqua dans son bureau, visiblement énervé. Sans même lui dire bonjour, il lui jeta :
— Et le client…?! Où est-il ?
— Je l'ai fait attendre quelques minutes puis je l'ai confié à Passy pour qu'il lui fasse visiter l'atelier. Je ne savais pas quoi faire…
Il grommela :
— Bon sang, j'espère qu'il ne va pas raconter n'importe quoi à ses questions ! Ce client-là, il est spécial…
Il avait l'air en colère.
— Je vais les rejoindre dans l'atelier, dit-il en disparaissant au fond du couloir.
Irène se sentit liquéfiée ; son sang s'était glacé. « Zut, se dit-elle, je n'aurais pas dû, alors… Mais que pouvais-je bien faire d'autre ? » Elle se tordait les mains, anxieuse. Si ça tournait mal, elle porterait le chapeau, c'est sûr. Si l'entreprise ne remportait pas le contrat à cause d'une maladresse du responsable de production, si le client avait perdu confiance dans cette société dont le directeur arrivait en retard à ses rendez-vous et lui faisait perdre son temps, s'il en gardait une image d'amateurisme, c'est sûr que ce n'était pas le directeur qui allait prendre : il lui mettrait tout sur le dos. Même si ce n'était pas juste, c'était malheureusement l'assistante qui servirait de bouc émissaire. Et elle le redoutait.
Elle entendit enfin son patron qui revenait d'un pas pressé. La visite de la production avait presque duré deux heures. Était-ce bon signe ? Ils étaient passés devant son bureau vitré sans s'arrêter et s'étaient engouffrés dans la salle de réunion.
Un quart d'heure après elle entendit leur voix ; il le raccompagnait jusqu'à la porte. Elle eut presque un tremblement d'émotion.
Le directeur vint la voir. On ne peut pas dire qu'il était souriant – il ne l'était jamais – mais son visage semblait détendu. Elle leva la tête et les sourcils d'un air interrogateur, mais n'osa pas poser de question.
— Bon, il est coriace, celui-là… mais dans l'ensemble il a l'air plutôt satisfait. En tout cas rassuré sur les délais qu'il exige et qu'a priori on peut tenir. Il a l'air rassuré, question qualité aussi.
Puis il ajouta :
— J'étais pris dans un embouteillage et je n'avais pas le chargeur de mon téléphone. Quelle poisse !
Irène n'avait pas dit un mot. Il sortait déjà du bureau, mais presque arrivé sur le seuil il lui lança :
— Bon. Heureusement que vous étiez là. Vous avez assuré.
Pour peu, elle aurait fondu en larmes. Elle se rassit sur son fauteuil, toute secouée par les chauds et froids qu'elle avait subis au cours de cette matinée.
Elle avait finalement pris la bonne décision.
Plusieurs semaines passèrent. Le directeur et elle échangeaient surtout au sujet de ce qui la concernait, c'est-à-dire des dossiers du personnel, mais elle entendait parler les autres collaborateurs du service commercial, de la production, et elle comprit que l'affaire n'était pas conclue avec le fameux client. Rien n'était encore gagné. Mais si le contrat ne devait pas être signé avec son entreprise, on ne pourrait pas lui mettre ça sur le dos : en tout cas, elle en était convaincue.
Comme cette affaire ne la stressait plus, elle se permit de questionner son patron à un moment où ils n'étaient que tous les deux, au sortir d'une réunion :
— Et le contrat avec le client italien, il va être signé ?
— Malheureusement, ça traîne un peu en longueur. Il se disait pressé au début, et il fait traîner le dossier. Un drôle de type.
— Ça n'est pas bon signe ?
— Rien n'est encore joué. Je veux dire : le processus est bien engagé, mais, comment… je me méfie de ce genre d'individu… qu'il nous mette au dernier moment le couteau sous la gorge en prétextant je ne sais quoi pour réclamer une baisse alors qu'il aurait gardé sous le coude l'offre d'un concurrent en l'ayant fait mijoter. Vous savez, ajouta-t-il d'un air sombre, ce sont des pratiques courantes, malheureusement… Enfin, continua-t-il après un silence, je vais le rappeler : je veux être fixé. On mobilise beaucoup de personnes, dont le bureau d'études, et si nous n'avons pas l'affaire, autant qu'on le sache au plus tôt.
Irène en fut un peu attristée. De quoi relativiser, se dit-elle, sur la façon dont on doit traiter un client. « De nos jours, tout est affaire de gros sous ; tout le reste n'est que quantité négligeable. » pensa-t-elle. Mais, quand même, cet homme venait d'Italie exprès, faisait le voyage avec tout ce que ça coûtait… ce n'était quand même pas pour s'amuser. Ou alors ç'aurait été vraiment aberrant, tout cet argent dépensé par les entreprises pour ces types qui prennent l'avion, avec les frais qui vont avec, pour finalement ne pas signer un contrat…
Elle avait beau ne pas être trop naïve, elle n'en revenait pas.
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