La location d'été - I

Plusieurs mois s'étaient passés depuis le début de mon veuvage. Les congés approchaient. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais faire, mais il allait falloir se décider. Pour moi, c'était très clair : il était hors de question que je reste ici pendant trois semaines, seul dans ma maison à me morfondre. Je me connaissais : j'allais déprimer, glander, picoler ; j'aurais un mal fou à tuer les longues journées, et quelles que soient les résolutions prises au début des congés, je n'aurais rien fait et j'en ressortirais encore plus démoralisé. Il fallait que je parte, que je change d'air, que je me change les idées. Soit réserver une location quelque part, soit partir avec une agence de voyage, plus loin, au soleil.

Je n'espérais pas rencontrer du monde, et pour tout dire, j'avais plutôt peur de me sentir encore plus seul pendant un voyage organisé ou une croisière où les gens, l'été, voyagent la plupart du temps en couple ou en famille.

Mais j'avais traîné, laisser le temps passer, et les mois restants avant les congés d'été se réduisant, il n'y aurait plus grand-chose, surtout qu'étant seul je n'allais quand même pas me louer une grande maison avec piscine. J'aime bien mon confort, mais quand même… Après, il faut faire le ménage, et errer dans une grande maison ailleurs ou ici, cela aurait été pareil.
Louer un studio ? Pas terrible. Je me voyais déjà tourner comme un lion en cage ; je me rappelais mes jeunes années d'étudiant ; heureusement que j'habitais une grande ville, je sortais tous les jours. Mais une station balnéaire, par exemple, hormis les marchés de nuit, les plages et les rares boutiques, ce n'est pas attrayant. Et puis, vu l'époque tardive, même les petits apparts à la mer devaient être tous déjà réservés.

Alors je me dis que, peut-être, je pourrais tenter de contacter les propriétaires des petites maisons à la campagne que j'avais louées il y a quelques années, avec ma petite famille, que vu les endroits un peu paumés, il y avait peut-être une petite chance qu'il leur reste de la disponibilité.

Il y avait en particulier une petite maison en Lorraine où nous avions passé quinze jours, il y a de ça plusieurs années, dont la propriétaire nous relançait chaque année (elle devait avoir un peu de mal à la louer, parfois). Si ça marchait, je me ferais un séjour sportif, j'y emmènerais mon vélo et je ferais des balades à vélo ou de longues randonnées à pied. J'essaierais d'entretenir mon corps en faisant un peu de gym, du stretching, voire du jogging si j'étais assez courageux ; comme je ne suis pas encore trop décati, il faut me garder suffisamment en forme pour d'éventuelles galipettes avec des dames, à l'avenir, si j'ai la chance de séduire encore pendant quelques années.

J'allai sur le site internet de ce gîte et j'envoyai un mail. Je reçus le soir même la réponse : chouette, c'était justement libre une semaine ! Pour les dix jours qui resteraient ensuite, je trouverais bien quelque chose sur ces sites internet qui vous proposent de partir au pied levé pour les places restées disponibles au dernier moment.

Je réservai donc, le cœur un peu plus léger de cette perspective de me changer bientôt d'air plutôt que de rester ici à me morfondre, et aussi de retrouver ce petit coin de verdure paisible et peu fréquenté où j'avais passé un agréable séjour il y a quelques années avec ma défunte femme et mes enfants.


Les congés arrivèrent vite, et le jour du départ je pris la route. Moins de 300 km et peu de circulation, je n'avais aucun stress particulier pour ce trajet.

Je me rappelai que la première fois que nous étions allés à cet endroit nous avions été accueillis pour les derniers kilomètres par un violent orage et nous avions fini à 20 à l'heure sur une route détrempée, pour ne pas dire inondée. Mais là le temps était au beau, et c'est avec un ciel bleu avec quelques nuages, parsemés comme les andains dans les champs environnants qui venaient d'être fauchés, que j'arrivai dans ce petit village.

La propriétaire m'accueillit. Elle ne parut pas étonnée de me voir arriver seul, étant donné que j'avais rempli et envoyé par mail la fiche qui indiquait qu'il n'y aurait qu'une seule personne. Elle se retint de me poser la moindre question.

Elle me refit visiter la petite maison, construction quasi-neuve, sur deux étages, dotée de deux chambres. Manifestement, elle ne se souvenait pas de moi ; mon nom ne lui avait rien dit (pas plus que mon adresse, ce qui était normal du fait que ça n'était plus la même que la fois précédente).

Elle paraissait intriguée par le fait que j'aie loué cette habitation pour moi tout seul, mais elle n'osa rien me demander. Après tout, j'allais payer comme tout client, et puis la semaine étant restée libre tardivement jusqu'à ma réservation, c'était plutôt bienvenu pour elle.

À la fin de la visite, se rendant compte que les lieux me semblaient familiers, elle dut avoir un doute, et plutôt que de me poser la question tout de go, elle me questionna de façon détournée :

— ll ne va y avoir que vous de tout le séjour, ou bien vous attendez… quelqu'un ?
— Non, Madame. Mes enfants sont grands maintenant ; ils ont dépassé la vingtaine et ils partent en vacances avec leurs copains et leur amie. Et mon épouse est décédée l'année dernière…
— Ah, je suis désolée ; je ne savais pas.
— Non, bien entendu, vous ne pouviez pas le deviner.

Je marquai un petit silence avant de poursuivre :

— Mais vous ne vous souvenez pas de moi, de ma femme et de mes deux grands enfants ? Nous étions venus en août il y a six ans.
— Oui, je me souviens, en effet… Il me semblait bien que vous me disiez quelque chose, et j'étais étonnée de voir que vous aviez l'air de connaître la maison. Votre femme est décédée ? C'est terrible.
— Oui, en effet. Ça a été brutal ; elle n'avait que 57 ans.
— Deux ans de moins que moi… c'est terrible.
— C'est la première fois que je repars en vacances… et donc que je pars seul. J'ai préféré ça à rester chez moi à tourner en rond : ça me changera les idées. Et puis, nous avons tellement été bien ici… ajoutai-je, non sans vouloir lui faire un compliment, tant pour son gîte que pour son amabilité, qui n'était cependant en rien exceptionnelle.

Je repensai malgré tout qu'elle nous avait donné des fruits et quelques légumes de son jardin.
Elle me regarda, songeuse :

— Ça ne va pas être trop dur pour vous de revenir ici, alors que vous êtes seul depuis si peu de temps… et de retrouver ces souvenirs ?
— Ce sont de bons souvenirs, et je suis dans une phase où ça me fait du bien de retrouver ces souvenirs, encore proches et agréables. Et puis, ne vous inquiétez pas : après cette semaine, je vais partir au soleil, quelque part où je ne suis jamais allé. Je vais rechercher le dépaysement, et me couper un peu de mon quotidien et de ces souvenirs.
— Oui, oui, vous avez raison. En tout cas, j'espère que l'atmosphère calme d'ici vous fera du bien, vous remontera le moral. Et si ça ne va pas, n'hésitez pas : nous sommes là, mon mari et moi ; vous vous souvenez que nous habitons la maison au fond de la cour, là-bas, à même pas 50 mètres ?
— Oui, bien entendu.
— Je passerai vous voir de temps en temps… si ça ne vous dérange pas, bien entendu.
— Ça ne me dérangera absolument pas, lui répondis-je avec un sourire exquis, mais rassurez-vous, je vais bien. Un peu triste de temps en temps, mais c'est normal et ça ne dure pas. Et puis je compte bien randonner, à pied, à vélo, sortir, aller au lac, faire plein de choses.
— Vous avez raison. C'est bien de ne pas vous laisser aller.

Elle prit congé et je la regardai s'éloigner, avec son jean et son tee-shirt ample qui dissimulait ses formes. Je songeai « C'est fou comme le brusque veuvage d'un homme rend soudain une femme pleine de compassion, comme il attendrit les personnes du beau sexe. Comme si elles n'étaient inconsciemment pas mécontentes d'avoir une rivale de moins. Comment, dès qu'elles le savent, leur regard change, prend un petit air enjôleur qui se veut réconfortant mais où pourrait se lire de la séduction. »

Bien sûr, avec suffisamment d'objectivité on pourrait se dire que c'est l'interprétation inconsciente d'un homme à qui est destiné ce regard, parce qu'il se sait également disponible ;
mais le sentiment de disponibilité est aussi dans la tête, et il est variable en fonction de son humeur… et de sa libido ?

En ce début d'après-midi où j'étais arrivé sur mon lieu de villégiature, je n'étais pourtant pas trop d'humeur à penser à batifoler avec des quasi-inconnues. Quoi que j'en aie dit à cette dame, ces lieux faisaient revenir en moi des souvenirs qui, du coup, résonnaient douloureusement, ravivant la douleur de la perte de ma bien-aimée. Je revoyais le même mobilier, le même canapé où nous nous étions assis le soir pour regarder la télé, le lit où nous avions dormi, la table où nous avions soupé, goûté, etc.

Je m'étais même demandé les premières minutes si c'était vraiment une bonne idée de revenir en ces lieux, mais je m'étais ressaisi et m'étais raisonné : non, il fallait avancer. C'était idiot d'éviter des lieux chargés de souvenirs ; au contraire, même si ça faisait un peu mal, ça faisait aussi du bien de venir revivre, comme en un pèlerinage, ces moments passés avec celle que j'aimais et qui ne reviendrait jamais.

Je me rendais compte, une fois ancrés dans le passé et le souvenir, combien ces moments étaient importants pour nous, pour moi, combien ils avaient marqué ma vie, combien ils étaient précieux. Et, comme d'habitude, je me ressaisissais en laissant s'égarer et rêver mes yeux sur la croupe large de Marie-Annick, mon hôtesse pour une semaine.


Le premier jour je rangeai mes maigres affaires (ce fut vite fait) puis je fis quelques courses ; je n'eus pas le courage de faire grand-chose d'autre, une petite balade jusqu'au lac, regarder les quelques vacanciers en mobil-home ou en camping-car, les baigneurs courageux ; puis au retour une petite sieste pour évacuer la fatigue accumulée en cette fin d'année de travail.

Le second jour je traînai un peu. Le temps de me décider à entreprendre quelque chose, il était déjà onze heures passées. Je décidai de me balader en début d'après-midi à vélo. Je partis un peu à l'aventure, mais fus vite freiné par de nombreux raidillons : j'avais oublié que dans les côtes de Meuse le relief est impitoyable. Je m'accrochai, je suai des ronds de chapeau. Je traversai même des chemins entre les champs sur mon VTT. En tout cas, le manque d'entraînement se faisait ressentir : une sortie à vélo par mois à partir d'avril n'est pas ce qu'il y a de mieux pour garder la forme sur une selle, surtout à plus de 45 ans.
Bon, je devais être plus cool. J'étais en vacances, je n'avais aucun challenge.

Je rentrai vers 18 h 30, assez content de moi finalement. À peine sorti de ma douche, j'avais passé un short et je redescendais à l'étage du bas. Je tombai sur ma logeuse qui m'apportait un plein panier de légumes et de fruits de son jardin.

— Bonjour. Je suis passée vous apporter ça.
— Oh, je vous remercie, c'est bien gentil !
— Tout se passe bien ?
— Oui, très bien. J'ai fait un grand tour à vélo ; je suis rentré il y a peu.
— Oui, j'étais passé il n'y a pas longtemps ; vous n'étiez pas encore rentré.

Là-dessus elle me demanda où j'étais allé me promener, me parla de la région qu'elle connaissait bien, maintenant en tout cas, puisqu'elle avait passé pratiquement toute sa vie en banlieue parisienne. Elle semblait s'inquiéter de moi, de mon moral, mais sans oser aller très loin dans ses questions. C'était une personne peu démonstrative, peu extravertie, d'ailleurs peu souriante, mais qui semblait – même si elle ne le montrait pas – se soucier des autres, en tout cas de moi en l'occurrence.

Ce soir-là je me montrai, pour ma part, souriant, affable, souhaitant lui faire comprendre que j'étais reconnaissant de ses attentions, de son humanité. Elle repartit, me souhaita bonne soirée. Je pensais qu'elle allait m'inviter – ce soir ou un autre soir de la semaine – à venir dîner avec elle et son mari, mais elle ne le fit pas, ce qui m'arrangea bien. Même si c'étaient des gens courtois et aimables, j'avais envie de paix, de dîner seul, de faire ce que je voulais.

Je sais, j'ai toujours été un peu ours. Et même si je savais qu'ils étaient des gens simples, j'ai horreur des mondanités ; ce qui veut dire pour moi être poli, entretenir la conversation, respecter les conventions ; et comme il ne s'agissait pas d'amis, je ne pouvais pas me laisser aller à la sincérité, à la spontanéité. En fait, j'aime bien quand les choses se passent naturellement, tout à fait par hasard, reflétant une envie partagée de passer du temps ensemble, que ce soit avec des amis ou des connaissances de passage.


Le lendemain je me levai avec une humeur assez détestable. Il y a des jours comme ça. Je sentais que ça allait être une journée morose, une journée de merde. Je traînai longtemps, ne regardant jamais l'heure, puis je pris un sac avec quelques vivres et je partis au hasard, un petit plan dans ma poche malgré tout.

J'avais le bourdon, le moral dans les chaussettes. Je marchais et fulminais. Quand je n'ai pas le moral, tout me fout en rogne. Ma femme – tout comme les autres femmes de ma vie – ne le comprenaient pas ; elles ne comprenaient pas quand j'étais démoralisé, ne voyant qu'un mec énervé, pestant pour tout, se mettant en colère pour un rien. J'avais beau expliquer que les mecs c'est comme ça, c'était difficile. Les mystères de la planète Mars…

Tout en randonnant j'avais ruminé, passé dans ma tête des idées noires. De mauvaise foi, je me demandais ce que j'étais venu foutre dans ce coin perdu. Tout était merdique. Ce lac aménagé mal entretenu, un peu crade, dont le meilleur coin était payant. La plupart des sentiers de randonnée étaient impraticables parce que laissés à l'abandon. Pas assez fréquentés.

Je me laissais porter par ma mauvaise humeur alors que je savais pertinemment que faute de fric, cette région peu touristique n'avait pas les mêmes moyens que la Côte où je me serais cogné à des milliers de vacanciers et où j'aurais pesté, aurais encore moins supporté la foule ; je me serais énervé à cause des embouteillages, du bruit, etc.

En rentrant tôt dans la soirée, j'avais faim mais pas assez courageux pour me faire un vrai repas. Je mangeai ce que j'avais dans le frigo, me réchauffai une boîte et regardai les conneries qui passaient à la télé avec un bourbon (j'en avais fait provision). Il faisait chaud, et comme d'habitude j'avais laissé les portes et les fenêtres ouvertes.

Ma logeuse entra et se fit entendre. Elle remarqua mon air renfrogné. J'étais affalé dans le canapé, mon verre à la main.

— Bonsoir. Je voulais m'assurer que tout allait bien.
— Oui, tout va bien, lui répondis-je avec une voix qui devait être un peu pâteuse ; je vous remercie.

J'étais malgré tout étonné. Deux soirs de suite, sa visite. Probablement un hasard.
Elle s'approcha.

— Je vous ai apporté des mirabelles. Vous aimez ça ?
— Oh oui, bien sûr. J'aime tous les fruits de la région, lui lançai-je avec un air qui se voulait goguenard.

« Mais vous n'êtes pas de la région ; j'avais oublié. Enfin, je ne vais pas lui dire ça, je vais la faire fuir. » pensai-je. Dans la demi-obscurité, dans la clarté bleuâtre du téléviseur, je fus étonné de la voir venir s'asseoir à côté de moi et, le pire, de me dire :

— Ça n'a pas l'air d'aller, vous…

« Tiens, serait-elle psychologue ? Ou infirmière ? Prendrait-elle son rôle de bonne hôtesse à cœur ? Personne ne lui en demande autant. Pas même moi. Bon, bien sûr, elle m'offrirait son gros cul, ce serait le top. C'est encore ce qui me ferait le plus de bien. Mais pas ce soir, je ne suis pas en état. » Je me décidai à lui répondre, après avoir bu une rasade de mon précieux breuvage :

— Qu'est-ce que vous voulez ? Il y a des jours avec et des jours sans…
— C'est de revenir ici, hein ? Ce n'était pas la meilleure idée, n'est-ce pas ?
— Ça n'a rien à voir… enfin, ce n'est pas ça. Ailleurs, ça serait pareil. J'ai parfois des moments comme ça. C'est comme ça, c'est la vie.

Un long silence s'ensuivit. Elle était assise tout près de moi, les jambes repliées. Nous étions sur ce petit canapé. Je pouvais sentir son odeur de femme. Je percevais sa présence près de moi, le volume de son corps dans l'espace. C'est peut-être idiot, mais ça m'apaisait, me rassurait. En tout cas ça me faisait du bien. J'étais assez bourré mais je n'osais pas trop bouger. Peur d'être inconvenant, d'avoir une attitude ridicule, d'avoir honte qu'on me voie comme un homme bourré, pitoyable, balourd, stupide.

Soudain, par compassion sans doute, et parce qu'elle ne trouvait pas quoi dire pour me consoler ou parce qu'elle avait peut-être peur de me brusquer avec une parole maladroite, elle posa sa main sur mon avant-bras dans geste d'apaisement, voulant sans doute me transmettre son empathie. Tout naturellement, je me laissai aller sur le côté jusqu'à ce que ma tête rencontre son épaule et y repose. Je me laissai ainsi appuyé sur elle, respirant sa chaleur, et posai doucement ma main sur son bras plein. Je ne fis rien de plus ; elle n'eut aucun mouvement de retrait. Elle me laissa ainsi apaiser mon cœur.

J'aurais voulu à ce moment-là rester ainsi et me laisser bercer par Louis Armstrong ou Billie Holiday. Mais dans les brumes de l'alcool je n'entendais plus les débilités débitées par la télé, et ça m'allait. Elle devait se demander comment elle allait maintenant pouvoir me laisser. J'en avais conscience mais j'étais bien décidé à faire durer ce moment unique qui me faisait tant de bien. Je ne voulais pas la gêner, non plus.

À un moment, après avoir attendu de longues secondes – peut-être trois ou quatre minutes – je lui dis doucement, presque dans un soupir :

— Je vous remercie. Ça me fait du bien. Beaucoup de bien. Ça ne vous semble peut-être pas grand-chose, mais pour moi c'est tellement…

Ce fut pour elle comme un signal. Elle porta sa main à mon visage, me caressa un peu la joue, comme une mère qui calmerait son enfant. Elle ne devait plus savoir comment me quitter sans se sentir coupable.
J'ajoutai :

— Ça va aller. Ne vous en faites pas. Aujourd'hui c'était un jour sans, mais ça ne dure pas. Demain, ça sera différent, ça sera fini.
— Vous êtes sûr ? demanda-t-elle, un peu inquiète.
— Mais oui. Je me connais. Je vous remercie beaucoup, Marie-Annick. Je suis très touché de votre attention.

C'était la première fois que je l'appelais par son prénom. Ça aurait pu paraître bizarre. Mais après tout, cette proximité de nos corps et son élan envers moi pouvaient l'autoriser. C'était un peu comme si maintenant je la traitais comme une parente éloignée. C'était ma façon pudique et respectueuse de lui témoigner ma gratitude. J'aurais pu à ce moment-là lui dire qu'elle pouvait rentrer chez elle, retourner auprès de son mari, mais je ne voulais pas mentionner celui-ci ; et puis je n'eus pas à le faire : elle se décida à se lever, sans doute rassurée, s'étant senti autorisée par mes paroles.

— Je passerai vous voir demain… si ça ne vous dérange pas, bien entendu.
— Ça ne me dérangera pas. C'est très gentil à vous. Bonne nuit, Marie-Annick.
— Bonne nuit, Monsieur D.


Le lendemain matin, je traînai au lit encore plus tard que d'habitude. J'avais la gueule de bois. Le soleil était aveuglant. Je n'avais pas les idées claires mais le moral était meilleur. Je me pris une bonne dose de café, puis en début d'après-midi je partis en vadrouille retrouver des endroits que j'avais aimés, avec mon appareil photo et quelques bouquins, bien décidé à jouer au chasseur d'images. Les brumes d'alcool se dissipaient peu à peu ; j'avais le cœur léger et je fis de belles rencontres.

Tout d'abord toute une famille d'Américains venus chercher un peu de leur histoire familiale près d'un monument aux morts de la guerre de 14-18. Je leur racontai ce que je savais de cette sale guerre, cette boucherie, et de la région. Puis, dans un village qui avait été reconstruit grâce à une bienfaitrice étrangère, je rencontrai justement ses descendants. Ce sont eux qui me donnèrent un cours d'Histoire.

Cette région était bien évidemment sympathique ; il fallait juste avoir la chance de tomber sur les bonnes personnes. Avoir la chance d'être là au bon moment. Pas facile, dans cette région désertée, surtout au mois d'août.

Je rentrai assez tard après avoir dîné, par flemme, dans un petit boui-boui que j'avais eu la chance de trouver sur ma route. J'avais plein de photos dans mon appareil, dont celles des personnes que j'avais rencontrées et qui avaient accepté que je les mette dans ma boîte ; même la « châtelaine » avait bien voulu, de bonne grâce, que je l'immortalise devant l'église du village et devant le petit château appartenant à sa famille. Avec la promesse de leur envoyer ces photos par mail.

Il devait être aux alentours de 21 heures ; le soir tombait. Marie-Annick se montra à la porte et, la voyant ouverte, entra.

Elle portait une espèce de grande tunique informe, en coton, qui descendait jusqu'à ses larges chevilles, des sabots en plastique (qu'elle devait trouver confortables pour aller et venir dans son jardin et ses vergers). Il était évident – et sans devoir la regarder bien longtemps – qu'elle ne portait pas de soutien-gorge. Pour plus de confort également, sans doute ; à son âge, il y avait longtemps que ses seins ne tenaient plus bien haut, mais à leur forme qu'on appréhendait à travers sa tunique claire, il était également évident qu'ils avaient un beau volume !

Elle ne semblait donc pas gênée de se montrer ainsi à moi, car bien que n'étant pas impudique, cette tenue aurait attiré les yeux (et les mains) de n'importe quel homme, surtout un tant soit peu sevré. Elle pensait peut-être qu'ayant le moral dans les chaussettes, j'avais une libido qui s'était fait la malle. Dire que ma libido était débordante aurait été mentir ; néanmoins, selon les jours, j'avoue que j'avais « des idées », et il ne me suffisait que de les suivre, avec l'accord de celle qui les inspirait, pour la réveiller.

Et puis, mon humeur avait été joyeuse et enjouée toute la journée, sans doute parce que le soleil et la clarté du ciel azur m'avaient tapé sur la tête, et je me trouvais ce soir-là comme un ado au printemps dont les gonades viennent d'arriver à maturité, avec une sève qui monte et qui ne demande qu'à sortir pour être en harmonie avec la Nature.

Par contre, je remarquai tout de suite qu'elle portait – pour la première fois depuis que je la connaissais – un maquillage léger qui contrastait avec le caractère décontracté de sa tenue.
« Tiens, me dis-je, la dame aurait un accès de coquetterie, une discrète envie de plaire, d'attirer mon attention autrement que par sa bienveillance à mon égard ? » Elle portait ses cheveux blancs et courts joliment bien, et s'il est vrai que si son visage était quelconque, ainsi rehaussé d'un peu d'ombre à paupières et de mascara, son physique était beaucoup plus féminin, et presque joli.

— Bonsoir ! Je suis venue prendre de vos nouvelles. J'espère que ça ne vous gêne pas…
— Pas le moins du monde, répondis-je vivement avec un ton enjoué.
— Bien, ça a l'air d'aller…
— Oui j'ai passé une excellente journée ! Vous voyez : je vous l'avais dit : il n'y a pas raison de vous inquiéter. Mon humeur change d'un jour à l'autre.
— Tant mieux, tant mieux…

Elle n'osa rien ajouter, et encore moins faire allusion à mon triste état de la veille au soir. C'est presque elle qui avait l'air de se sentir gênée. « Peut-être espérait-elle me consoler ce soir ? » me dis-je gaillardement, mais bien entendu sans y croire.

— Bon, dit-elle…

J'avais l'impression qu'elle allait s'en aller d'un instant à l'autre.

— Voulez-vous boire quelque chose ? l'interrompis-je. Naturellement, je n'ai que du bourbon. Étant en vacances, je n'ai pas fait provision de boissons variées, ajoutai-je sur le ton de la plaisanterie. Et vous savez, je ne bois pas tous les soirs comme hier : j'avais le blues, comme vous avez dû vous en rendre compte. Allez, un petit bourbon ? On the rocks ?
— Bon, d'accord. Mais juste un doigt.
— Allez. Va pour un doigt !

Dans ma tête je riais déjà : « Tu vas te le prendre, le doigt ! Et même si tu veux, tu auras autre chose que mon doigt, après… »

Malgré mon invitation, elle ne s'asseyait pas ; nous dégustâmes notre alcool debout, près de la grande table en bois. Difficilement, la conversation s'engagea. Elle me questionna sur ma journée ; je la lui racontai avec force enthousiasme.

« Elle va finir par penser que je suis bipolaire ; j'espère ne pas lui faire peur… » me dis-je. Mais je restais très posé, m'intéressant à ses explications, puisqu'elle s'était mis en tête, manifestement, d'étaler ses connaissances géographiques et historiques, me montrant fièrement qu'elle était cultivée, qu'elle possédait bien son sujet, et qu'elle aimait me faire partager son savoir. Il est vrai qu'elle était enseignante à la retraite, et que chez ces personnes la déformation professionnelle fait que dès qu'on les lance, elles doivent avoir l'impression d'être à nouveau devant des élèves.

Décidé à la flatter, je me mis à la complimenter sur son savoir, sa mémoire et son talent pour captiver son auditoire. Touchée, elle rougissait de plaisir. Elle sourit, baissa un moment les yeux. De façon flagrante, mon attitude était dans le registre de la séduction. J'avais la forme. J'étais en train de ferrer le poisson. « Et la carpe de l'étang va bientôt être farcie ! » me dis-je, n'espérant pas trop présumer de mon avantage. Aussi me décidai-je à revenir sur ce qui s'était passé la veille au soir : il fallait que je l'apitoie un peu, que je l'emmène sur le terrain du pauvre veuf esseulé. Et en manque… « Et peut-être pas seulement d'affection, me dis-je. »

— Excusez-moi pour hier soir, enchaînai-je sans transition et un peu enhardi par l'alcool qui me montait aux tempes en même temps qu'à ses joues ; je ne vous ai pas donné une très belle image de moi-même, lui dis-je doucement.
— Non, ce n'est pas grave. Je comprends que ça ne doit pas être drôle pour vous tous les jours. Et on ne se remet pas d'un deuil d'un seul coup, en quelques mois, c'est normal.
— Oui, exactement. Mais je me suis un peu laissé aller. Et avec votre gentillesse… Je veux dire avoir une présence féminine comme ça… j'ai un peu craqué.
— Non, il n'y avait pas de problème ; je comprends très bien.
— Même s'il est très fort, un homme a besoin d'une femme de temps en temps, de sa douceur, de sa compassion… et quand ça arrive, ça le fait fondre. Rien ne remplace une femme.
— Oui, je le sais bien. Pourtant je ne pense pas être tellement douce de caractère…
— Si, si… En tout cas ça m'a fait beaucoup de bien.

Tandis que nous discutions, je m'étais approché insensiblement. Je me trouvais désormais tout près d'elle. Nous étions côte à côte devant la table. Je percevais la chaleur de son corps, qui m'irradiait ; je songeai, tout émoustillé, qu'entre ce corps, sa surface corporelle et moi, il y avait si peu de choses… et posant ma main droite sur sa taille, juste au-dessus de sa hanche généreuse, je laissai aller doucement ma tête sur son épaule gauche et respirai profondément.

— Hum, vous sentez bon… lui soufflai-je.

J'étais en train de jouer mon va-tout à ce moment précis. Elle était loin d'être idiote et devait bien comprendre ce que signifiait cette main posée sur elle, sachant ce que devait être la libido d'un homme seul, encore jeune, sevré – du moins théoriquement – depuis longtemps, surtout après les propos ambigus que je venais de lui tenir. Je n'étais plus un gosse. Je me disais qu'elle allait sans doute se soustraire doucement à ma main, à ma tête, d'autant que je n'étais plus mélancolique ce soir, et qu'elle n'avait donc aucune raison de me laisser prolonger ainsi ce geste tendre, mais elle ne bougea pas.

Je décidai donc d'enchaîner immédiatement. Poussant mon avantage, je posai ma deuxième main de l'autre côté de sa taille et me pressai lentement contre elle. Mon pubis rencontra son fessier. Immédiatement, je me mis à bander très dur. Je plongeai littéralement mon visage dans son cou. Je sentis sa main gauche se poser sur ma tête et me caresser les cheveux ; j'avais gagné !

J'enserrai alors son ventre de mes deux bras, le pressant, le massant, et mes mains montèrent vers ses seins que je pris à pleines paumes ; ils avaient un beau volume, comme je l'avais subodoré, et je me mis à les masser lentement, les gratifiant de pressions croissantes. Je sentis les pointes durcir sous le tissu, et je pris un malin plaisir à les agacer, les prenant entre pouce et index.

Je sentais ses grosses fesses onduler sous la robe ; j'essayai d'y caler me bite, bien dans le sillon. Je n'y tins plus : je pris le mince vêtement de coton et le remontai d'un seul coup jusqu'en haut. Elle leva ses bras pour le faire passer et s'en débarrasser. Elle se retrouva nue, avec juste ses sabots aux pieds, car elle ne portait pas non plus de culotte, la cochonne !
Quelle salope ! Baba cool au pas, Parisienne enseignante en retraite venue vivre en province, elle était venue rendre visite à son locataire le soir nue sous sa robe : ça ne pouvait pas être seulement pour se sentir plus à l'aise.

Je commençai à me branler entre ses grosses fesses, mes deux mains bien remplies par ses gros nichons mous, tandis qu'excité comme jamais je lui mordillais l'épaule. Je voulus l'entraîner à l'étage mais elle se rappela soudain qu'on l'attendait à 50 mètres de là ; non pas qu'elle semblât prise de remords, mais elle avait apparemment peur d'éveiller les soupçons en prolongeant sa visite, et peut-être que son mari débarque. Alors elle me dit :

— Non. Pas le temps. Prends-moi vite, là, maintenant !

Elle semblait très excitée, et sa peur n'avait apparemment pas pris le dessus ; c'était comme si elle avait besoin de satisfaire une envie pressante et d'en finir, de se faire saillir, là, rapidement.

Je la courbai sur la table, appréciant au passage la belle forme de la croupe ample, lui fis écarter ses cuisses pleines, et je fis jaillir ma queue raide de mon short pour la présenter directement à l'orée de sa belle fente. Positionnant le gland au bon endroit, je posai mes deux mains sur ses hanches, emprisonnant le bassin, et je l'enconnai d'une seule poussée.

— Ah oui… soupira-t-elle avec satisfaction, comme si elle venait d'accueillir le Messie.

Soucieux de répondre à son souhait de faire vite, je me mis immédiatement à lui asséner des grands coups de reins, et elle dut agripper la table et tenir bon sur ses jambes pour ne pas s'écrouler. J'accélérai rapidement le rythme, la besognant avec force ahanements, lui arrachant des « Aaah… » irrépressibles à chaque coup de boutoir, mes mains lui serrant sa large taille comme des serres.

Pour une fois qu'une femme me demandait de la baiser vite fait bien fait, je n'allais pas me faire prier, et j'avais tellement envie : il y avait si longtemps que je n'avais pas fait l'amour que c'est joyeusement et avec vigueur que je la pilonnais sans retenue, et sans essayer de retarder la montée de mon plaisir.

Il faut dire qu'elle avait l'air d'y trouver son compte, la grosse poule… Je ne sais pas si son distingué mari l'honorait souvent – ou en tout cas suffisamment à son goût – mais je me rendis rapidement compte que chez elle, la montée du plaisir ne traînait pas, et qu'elle avait commencé avant la mienne : ses cris et ses râles rythmés par mes coups de pine s'étaient intensifiés très vite, et elle se mit rapidement à gueuler, perdant toute contenance, toute retenue, ne semblant pas le moins du monde soucieuse du qu'en-dira-t-on.

Mes coups de reins claquaient contre son cul. Elle commençait à me faire un effet pas possible, et j'avais beau me dire que toutes les femmes doivent avoir cet air animal quand elles jouissent, à chaque fois que c'était une femme tellement digne – voire coincée – qui se mettait à ressembler à une tigresse en chaleur, ça m'excitait d'autant, et l'intensité de mon excitation n'avait rien à voir avec la beauté ou l'aspect physique de la dame.

Excité comme jamais en raison des réactions de celle qui me faisaient un effet bœuf, mon plaisir monta très vite et, ayant oublié toute retenue, je jouis en braillant comme un dément, sentant que j'envoyais une quantité de semence assez impressionnante, témoignant de la longue période d'abstinence que je venais de connaître.

Elle avait pris son pied, et de façon à peine moins bruyante.
Elle reprit très vite ses esprits, comme si elle redécouvrait qu'elle habitait à peine à 50 mètres d'où son mari devait l'attendre. Je lui proposai de prendre une douche (je voyais mon foutre commencer à sortir de sa chatte et à couler, brillant, le long de ses grosses cuisses), et je la voyais mal se présenter à son époux dans cette tenue ; mais semblant un peu paniquée, elle déclina et s'apprêtait à sortir ainsi de la maison, en toute précipitation. Je l'obligeai presque à prendre le torchon de cuisine que je lui tendais et, prenant conscience de son état, elle s'essuya consciencieusement.

En un éclair, elle avait passé la porte et disparut. Je me demandai si ainsi, sans culotte, elle n'allait pas semer sur le chemin, dans la cour, quelques petites flaques.

J'avais néanmoins bien compris qu'elle ne voulait pas passer sous la douche et rentrer chez elle avec les cheveux mouillés, ce qui aurait été encore plus suspect ; en s'essuyant, elle m'avait bredouillé qu'elle se doucherait avant d'aller se coucher. En effet, avais-je pensé, ce serait vraiment préférable !