Le Club des nymphes II
Nathan Kari2018(Thomas) Sécession
Il y a un an, Sarah nous adressait pour la première fois la parole pour nous rappeler de venir à la soirée parrainage. Aujourd'hui, les filles sont assises exactement à la même table que nous l'année dernière lors de cette première conversation. Il y a cette fameuse Morgane – ma future fillote – Ondine, et cette fille qui était là lors de la soirée de la rentrée. Comment s'appelle-t-elle, au fait ? Ah oui, Lorelei. Morgane lance un bonjour à notre approche.
— Salut, répond Louise. Alors, comment se passent les cours pour le moment ? Pas trop difficiles ?
— Non. C'est cool pour le moment, répond Ondine.
— Tant mieux, sourit Louise. Si vous avez le moindre souci, n'hésitez pas à venir nous voir… ou votre parrain quand vous en aurez un. Et pour ça, il ne faut pas oublier de venir à la soirée parrainage demain soir. Vous verrez, vos parrains seront là pour vous soutenir toute l'année. Vous allez nouer des liens extraordinaires avec eux.
— Nous serons toutes présentes, assure Morgane.
C'est marrant de voir Louise tenir à peu de chose près le même discours que nous tenait Sarah l'année dernière. Cela rappelle des souvenirs. J'ignorais encore qu'elle allait être ma marraine, à cette époque. Elle le savait, et elle allait bouleverser ma vie. Sarah me manque. Je me demande ce qu'elle peut être en train de faire à cette heure-ci…
Les nymphes se sont donné rendez-vous à un café juste avant de partir pour la soirée parrainage. Avec Louise, nous avons un peu en retard dû à une envie pressante l'un de l'autre sous la douche, mais nous nous étonnons de ne voir que peu de monde. Seuls Anzhelina, Anita, Sylvain, Marie, Damien et Marguerite – une nymphe discrète de troisième année – sont là. Il en manque donc plus de la moitié.
— Où sont les autres ? s'étonne Louise.
— Je n'en sais rien, répond Anzhelina. J'ai essayé de leur téléphoner, mais aucune ne répond.
— Moi, j'ai réussi à contacter Anna, précise Marguerite ; elle dit qu'elle est malade et qu'elle ne pourra pas venir. Elle est vraiment désolée.
— On ne peut pas les attendre plus longtemps ; il faut qu'on y aille ! déclare Louise. Le BDE compte sur nous. Elles nous rejoindront là-bas.
Nous nous mettons donc en route. Louise semble inquiète. Ce n'est pas étonnant. Elle m'a dit que le BDE s'était montré difficile, et elle tient donc à ce que tout se passe pour le mieux ce soir. Et là, plus de la moitié du club manque à l'appel et ne donne signe de vie ; c'est louche… J'espère qu'il y a une bonne explication à cette histoire.
Nous ne mettons pas longtemps avant d'atteindre le cocotier, la salle où se déroulera la soirée. Nous avons la surprise de découvrir que les absentes sont là en train d'aider le BDE à installer les préparatifs. Louise s'approche de Natacha, la pouffe aux gros seins.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Nous avions pourtant rendez-vous au café…
— Euh… (elle semble gênée), tu devrais voir ça avec Élodie… ou Nathan.
— Dis-moi, insiste Louise.
— Désolée, mais j'ai du boulot.
— Tiens, mais voilà les nymphes et leurs toutous ! annonce d'une voix grandiloquente Nathan en s'avançant, accompagné de David. Vous êtes en avance, les filles : la soirée n'est pas encore commencée.
— Qu'est-ce que tu racontes ? s'assombrit Louise. Nous venons pour aider, comme prévu.
— Personne ne vous a prévenus ? fait semblant de s'étonner David. Nous n'avons plus besoin de vous.
— Oui, confirme Nathan. Un autre club a proposé de nous aider. Il a paru préférable de collaborer avec eux.
— Qu'est-ce que vous racontez ? Quel club ? demande Louise.
— Le mien !
Tous les visages se tournent soudain vers la nouvelle arrivante qui n'est d'autre que… ma sœur ! Et merde ! Elle ne pouvait pas rester tranquille, celle-là ? Qu'a-t-elle encore trafiqué au juste ?
— Veuillez accueillir la toute nouvelle présidente du club des sirènes ! acclame Nathan.
— Mais c'est quoi ce délire ? peste Anzhelina.
— C'est pourtant simple. Le club des nymphes étant géré par une incapable, explique ma sœur, il nous a paru préférable de le quitter pour fonder notre propre club où nous pourrons mener nos affaires comme nous l'entendons. J'ai été naturellement choisie par mes sirènes pour présider ce nouveau club.
— Mais c'est n'importe quoi ! proteste Louise. De quel droit tu te permets ça ? Un club des sirènes ? Cela n'a aucun sens !
— J'ai eu l'autorisation du directeur, ajoute Élodie. Et le BDE me soutient aussi.
— C'est vrai, confirme Nathan. Bon, désolé, mais il va falloir que vous partiez. Revenez tout à l'heure pour la soirée. Nous, nous avons du boulot.
Anzhelina, en colère, préfère se sauver en courant. Louise réfléchit quelques secondes et conseille à ses troupes de battre en retraite. Alors qu'elle s'apprête à sortir de la salle, la voix de ma sœur la hèle une dernière fois.
— Quoi ? répond Louise, furieuse.
— Il faudra t'en remettre un jour ! se moque-t-elle.
Louise claque la porte et nous retrouvons les autres à l'extérieur. Anzhelina est assise sur un banc en train de pleurer. Louise se précipite vers elle et tente de la prendre dans ses bras, mais Miss Punk la repousse violemment. Je m'approche pour intervenir, mais Louise me fait signe de rester tranquille.
— Je crois… que je vais rentrer, affirme Anzhelina d'une voix étranglée.
Et elle disparaît tandis que le reste du groupe enrage contre le BDE et Élodie. Louise a à son tour les larmes aux yeux. Je la prends dans mes bras pour la consoler.
— Putain, quel bande de cons ce BDE ! rage Sylvain. Ça ne m'étonne pas que David les ait rejoints. Putain, comment ai-je pu être ami avec ce crétin ?
— Qu'est-ce qu'on fait ? demande Marie. On ne va pas se laisser faire, non ?
— On n'a qu'à boycotter leur putain de soirée parrainage. Qu'ils aillent se faire foutre ! crache Damien.
— Ouais, bonne idée, approuve Marguerite.
— Non, intervient enfin Louise. Nous ne boycottons pas la soirée ; c'est ce qu'ils espèrent.
— Alors, qu'est-ce qu'on fait ? demande Anita.
— Nous participerons à la soirée comme si rien ne s'était passé, et nous rencontrons nos fillots – probablement pas ceux que nous avions choisis – mais nous les accueillerons quand même et les guiderons comme ce que chaque parrain doit faire. Les premières années n'ont pas à payer les conneries du BDE et des sirènes.
— Alors quoi ? s'étonne Sylvain. Tu te fiches de te laisser insulter par eux ? Tu ne vas rien faire ?
— Bien sûr que non ! crache Louise. C'est la guerre ! Et je vais vous dire comment cette guerre va se jouer. Nous avons subi un terrible coup ce soir ; sept de nos membres nous ont quittés pour former un club rival. À l'heure actuelle, nous n'avons donc plus l'influence pour écraser qui que ce soit. La guerre va donc consister en une lutte d'influence. Et ça commence dès ce soir !
— Dans ce cas-là, il faudrait peut-être rappeler Anzhelina, propose Anita, enthousiaste. C'est une de nos meilleurs soldats !
— Non ; elle a besoin de rester un peu seule. Laissons-lui du temps.
Le discours de Louise nous a tous donné l'âme belliqueuse. Nous sommes prêts à affronter cette épreuve.
Tout le monde est rassemblé dans le cocotier ; la soirée va bientôt commencer. Les gens discutent par petits groupes chacun dans leur coin sans prêter grande attention aux autres. D'un coup les lumières s'éteignent et la salle est plongée dans le noir. Après plusieurs secondes où tout le monde se demande ce qu'il se passe, une musique épique retentit et deux projecteurs se mettent à éclairer une table posée en plein centre de la pièce. Nathan y est positionné.
— WEEELLLLCCCCCOMMMMEEEE ! hurle-t-il dans un mégaphone. Bienvenue à l'une des soirées les plus importantes de votre scolarité. L'heure est venue pour vous, premières années, de trouver celui ou celle qui sera votre guide et votre meilleur allié durant toute cette année scolaire. Mettez-vous en rang. Mon équipe et nos sirènes préférées vont vous distribuer un indice au hasard. Cet indice vous aidera à trouver l'identité de votre parrain, mais vous aurez sûrement besoin de l'aide de vos aînés pour comprendre cet indice. Sachez que vous pouvez leur poser n'importe quelle question, mais qu'en échange vous serez obligés d'accomplir un défi au choix de la personne questionnée. Je demande aux secondes et troisièmes années de se montrer raisonnables avec nos nouveaux camarades et de leur donner des défis pas trop humiliants, ha-ha… Bonne chance à tous, et que la fête commence !
À le voir se dandiner et surjouer ainsi du haut de sa table, Nathan me dégoûte mais je dois avouer qu'il a un certain sens de la mise en scène. La musique se fait plus présente pendant que les indices sont distribués. Une fois la totalité donnée, Nathan donne le signal de départ, et déjà les nouveaux élèves se lancent à la recherche de leur parrain. Sur qui vais-je tomber ?
— Nous devrions peut-être nous séparer ; nous couvririons plus de terrain, proposé-je.
— Bonne idée, lance Anita.
— Oui, faisons ça. Aidez les nouveaux aussi bien que vous le pouvez ; montrez-vous sympathiques, et ne leur donner pas de défis compliqués, ordonne Louise. Bonne chance à tous !
Je pars donc de mon côté et commence par me procurer une boisson. C'est Sandrine qui me sert. Elle n'ose pas me regarder en face. Je lui ferais bien une remarque sur sa trahison, mais ça n'en vaut pas la peine. Et puis je risquerais de m'énerver et de déclencher un scandale. Mieux ne vaut pas attirer l'attention négativement sur nous. Je m'approche d'une première année plutôt mignonne qui semble perdue. Une petite blonde aux cheveux courts.
— Alors, comment ça se passe pour le moment ?
— Euh, fait-elle surprise. Je ne sais pas trop…
— C'est quoi ton indice ?
— « On m'appelle Warmaster », lit-elle.
Warmaster ? Je pense savoir de qui il s'agit : un des membres du BDE, un fan de jeux de guerre. Il tient aussi le club informatique où il organise régulièrement des parties multijoueurs sur PC.
— Tu as une idée de qui cela peut être ? espère-t-elle.
— Oui, je pense savoir.
— Alors je fais quoi comme défi ?
— Le défi ? Ah oui… Dis-moi juste ton nom.
— C'est tout ? OK ! Je m'appelle Delphine.
— OK, Delphine. Enchanté. Moi, je suis Thomas, le copain de la présidente du club des nymphes. Pour ton parrain, essaye de voir du côté du BDE. Pense aussi à regarder s'il n'aurait pas d'activités dans un autre club : ça pourrait t'être utile.
— OK, merci beaucoup, Thomas. C'est sympa de ta part.
Et elle se sauve, toute souriante. Dommage de l'envoyer dans les griffes du BDE, mais je n'avais pas trop le choix. Je regarde autour de moi pour savoir si je peux venir en aide à quelqu'un d'autre, et j'observe un peu les défis que les autres nouveaux sont en train de réaliser. Un élève fait des pompes, un autre en chante La Marseillaise tout en sautant à cloche-pied, un autre réalise un bras de fer avec un seconde année.
— Excuse-moi, me fait une voix féminine. Tu n'aurais pas un peu de sirop de Cordom pour moi ?
— Pardon ? me retourné-je, surpris, vers elle.
— Bah oui, du sirop de Cordom, insiste-t-elle, innocente. C'est Raoul, un seconde année, qui m'a dit que tu en aurais. Il m'a défiée de t'en demander.
— Ah oui, du sirop de corps d'homme, réalisé-je enfin. Eh bien, il s'est moqué de toi.
— Comment ça ?
— Du sirop de CORPS D'HOMME, répété-je en détachant bien les mots pour qu'elle comprenne.
— Eh ben ? T'en as, oui ou non ? me regarde-t-elle sans rien comprendre.
— Laisse tomber. C'est quoi ton nom ? C'est quoi ton indice ?
— Je suis Lula, et je dois trouver la « seconde sirène », apparemment.
Ouille, elle ne brille pas par son intelligence, celle-là ! Comment peut-elle chercher encore avec un indice si facile ? Cette fille, me souviens-je, c'est celle qui traînait avec Ondine la dernière fois, quand elles sont venues parler à Louise.
— Et tu as pensé à chercher du côté du club des sirènes ?
— Pourquoi ?
— Pour trouver la seconde sirène peut-être, réponds-je, exaspéré.
— Ah ! comprend-t-elle. Tu sais que t'es un malin, toi ?
— Oui, c'est ça. Bonne chance ! lui lancé-je, prêt à la quitter.
— Et sinon, pour le sirop de Cordom, je fais comment ? me lance-t-elle tandis que je m'éloigne.
Si je ne fais pas erreur, la vice-présidente d'Élodie doit être encore Natacha, la pouffiasse aux gros nichons. Elle s'est choisie une fillote à sa hauteur ! Mon Dieu, comment est-ce possible d'être aussi idiote ?
J'aide encore du mieux que je peux deux autres élèves, dont un en le sauvant d'un défi un peu trop humiliant, quand je tombe sur un visage un peu plus connu. La petite brune s'avance vers moi d'un pas timide.
— Bonsoir Lorelei, lancé-je, amical. Comment tu t'en sors ?
— Bien. Je crois avoir trouvé mon parrain.
— Ah oui ? C'est quoi ton indice ?
— C'est un rébus, en fait : « Mon premier est un chiffre ; mon second est une compétition sportive ; mon troisième vient en douzième position. » J'ai cherché un bon moment ; c'est toi, non ?
— Non, fais-je, étonné. Pourquoi ça serait moi ?
— Un chiffre : « deux ». Une compétition : les J-O, « jo ». Et le L qui vient en douzième position dans l'alphabet. Ça collait parfaitement, pourtant !
— Oui, en effet. Sais-tu que je ne suis pas le seul Dejoel dans cette école ? Cherche ma sœur.
— Je ne savais pas que tu avais une sœur. C'est qui ?
— Je ne vais pas non plus te faciliter trop la tâche, mais sache qu'elle vient d'acquérir récemment un nouveau statut. Bonne chance.
— Merci, Thomas, me sourit-elle. À plus tard.
Dommage, elle a l'air sympathique ; je l'aurais bien gardée en fillote. Curieux qu'Élodie l'ait choisie. J'aurais pensé qu'elle choisirait Morgane. Si elle ne l'a pas prise, ça veut dire que c'est Nathan qui a dû en faire sa fillote.
C'est au tour de Boris de me demander un coup de main. Je ne lui avais pas parlé depuis la soirée à la rentrée. Comme défi, je lui demande juste de me ramener un verre, tâche qu'il accomplit sans difficulté. Je lui demande donc son indice.
— « Je t'offre un cadeau si tu arrives à prononcer mon nom. » On m'a dit que c'était une blonde, mais j'ai eu beau toutes les interroger, c'est aucune d'entre elles.
— C'est parce que la blonde en question ne se sentait pas bien et est rentrée chez elle. Désolé, tu as raté notre chère Anzhelina Kyakatzkyetsky.
— Kya… Kyakat… essaye-t-il. Ah oui, en effet, il semblerait que je n'aurai pas mon cadeau tout de suite, rigole-t-il.
— Moi, il m'a fallu des mois pour y arriver.
Il semblerait donc que Miss Punk ait son fillot. Celui-ci ne devrait pas lui déplaire : il est plutôt bien bâti, et si mes souvenirs sont bons, il la trouvait à son goût à la rentrée.
Peu de temps après, Louise me rejoint pour me demander où j'en suis et si j'ai trouvé mon fillot. Louise non plus n'a pas encore trouvé le sien. Cependant, elle a parlé à Morgane et me confirme que c'est bien Nathan son parrain. Tandis que nous parlons, j'observe au loin Élodie qui discute avec Lorelei. Du moins, cette dernière essaye de discuter tandis qu'Élodie est plus en train de faire la belle devant un groupe de nouveaux élèves. Elle s'est encore choisi une tenue bien provocante : décolleté plongeant, minijupe, bas résilles, talons hauts. Elle ne changera jamais !
— Bonsoir, fait une nouvelle voix féminine. Je m'appelle Elizabeth, mais mes amis m'appellent plutôt Liz.
Louise et moi nous tournons vers la nouvelle venue, une fille à la chevelure rousse bouclée et aux nombreuses taches de rousseur.
— Nous pouvons t'aider ? demande Louise, souriante.
— Oui. Euh, est-ce que vous aimez lire ? Je cherche un « rat de bibliothèque ».
— Un rat de bibliothèque ? Vraiment, Louise ? ris-je. Tu as repris le même indice que ta marraine. Très original ! Eh bien, Liz, oui, les livres sont la grande passion de Louise. Enfin, plutôt une de ses grandes passions.
— Enchantée. En effet, c'est bien moi le rat de bibliothèque, et donc ta marraine.
Je laisse les deux filles faire plus ample connaissance et pars à la recherche de mon fillot. Peu d'élèves sont encore en train de chercher leur parrain. Pourquoi trouvé-je toujours la bonne personne dans les derniers ? Déjà Sarah l'année dernière. Du côté d'Élodie, Lorelei semble avoir abandonné. Ma sœur continue de faire la belle devant un troupeau de mecs. Elle remarque que je l'observe et me lance un sourire moqueur. Tss !
Un groupe de trois garçons de première année sont assis à une table et semblent désespérés. Mon fillot est peut-être parmi eux. Voulant leur faire bonne impression, je récupère des bières et leur apporte avant de m'installer à leur table.
— Alors les gars, où en sont vos recherches ?
— Au point mort ! fait le premier. Merci pour la bière.
— Allez, donnez-moi vos indices ; je vais voir ce que je peux faire pour vous.
— Moi, il y a juste un dessin sur mon papier, me fait le premier. Je ne sais même pas ce que ça représente.
— Fais voir, demandé-je. Ah oui, ça ressemble à du Raoul. C'est son style. Je me suis déjà assis deux ou trois fois à côté de lui et il n'arrête pas de gribouiller en cours. Et vous ?
— Moi, y'a écrit un truc en latin. Enfin, je crois que c'est du latin.
— Mouais… fais-je, dubitatif, en regardant l'indice. Je n'ai absolument aucune idée de qui cela peut être. Désolé.
— Oh, pas grave.
— Moi, il y a écrit « D'une présidente à l'autre. » J'ai interrogé tout le BDE, mais aucun n'a été capable de m'aider. Ils devraient connaître tout le monde, pourtant. Tu sais qui c'est ?
— J'avoue que je ne suis pas très inspiré par cet indice, reconnais-je, mais le BDE t'a fait marcher. Ils savaient que c'était moi. Enchanté, fillot. Quel est ton nom ?
— Vraiment ? Oh c'est cool, j'ai enfin trouvé. Moi, c'est Arthur… Arthur Dénot.
— Et moi je suis Thomas Dejoel, le petit ami de Louise Leonne et l'ex de Sarah de Montferrat qui sont, respectivement, l'actuelle et l'ancienne présidente du club des nymphes.
— Ah c'est donc ça, le « D'une présidente à l'autre » ! comprend Arthur.
— Le club des nymphes ? Drôle de nom. Il fait quoi au juste, ce club ? me demande un de ses camarades.
— Il est chargé d'organiser des événements avec des associations à l'extérieur de l'école dans des buts caritatifs. De temps en temps il organise aussi des soirées privées à l'école.
Tandis que les camarades d'Arthur repartent à la recherche de leur parrain, je fais un peu plus connaissance avec ce dernier. Il porte de grosses lunettes rondes ; ses cheveux sont en bataille et ses vêtements sont débraillés. Il me décrit son parcours plutôt classique et me demande des conseils pour les cours. Je m'efforce de me montrer aussi utile que possible, mais tout en conversant avec lui, mon regard est attiré par une scène qui se joue un peu plus loin ; Élodie est en pleine discussion avec Nathan. Ça n'a pas l'air de se passer comme dans le meilleur des mondes. Je serais curieux de savoir ce qu'ils se disent. Du coup, Morgane s'est éloignée. C'est peut-être l'occasion de lui parler. Je m'excuse auprès de mon fillot et le quitte. Je ferai mieux connaissance avec lui plus tard.
— Alors, la soirée te plaît ? demandé-je à Morgane en m'approchant d'elle.
— Oui, c'est agréable, mais je crois que j'ai un peu trop bu, rigole-t-elle.
— Contente de ton parrain ?
— Oh oui, ça peut aller. Nathan a l'air sympathique. Et puis, c'est le président des élèves…
— Hé, Morgane ! l'apostrophe la voix de David. Y'a ton parrain qui te cherchait.
— Ah bon ? Je m'en vais le rejoindre alors.
— Désolé, mec, me lance un David moqueur tandis que Morgane s'éloigne, mais pas touche à la fillote du Préz'. C'est les ordres… Hé ! Devine qui est ma fillote !
— J'en ai rien à faire ! sifflé-je, prêt à me tirer.
— Ondine Durand ! s'exclame-t-il. Le hasard fait bien les choses, hein ! Finalement, y'a une justice. L'année dernière, tu avais eu le canon, et moi le pauvre con. Cette année, c'est l'inverse !
Je m'éloigne avant de lui foutre mon poing dans le nez. Morgane a rejoint son parrain, mettant fin à la conversation avec ma sœur. Je cherche des yeux cette dernière. Elle me sourit et sort du cocotier en roulant exagérément des fesses. Je la suis. Le moment est venu de lui parler. Je ne sais pas ce que je vais lui dire exactement, mais il faut que je lui parle.
— Et toi qui prétendais avoir muri ! lui sifflé-je dans ce couloir vide. La vérité, c'est que tu n'as absolument pas changé.
— Thomas ! se retourne-t-elle en arborant un large sourire. Je me doutais que tu me suivrais. Tu n'attendais que le moment où je m'isole pour me rejoindre, n'est-ce-pas ?
— Alors tu t'imagines m'avoir tendu un piège ?
— Disons plutôt que j'attendais de me retrouver seule avec toi, moi aussi. J'attendais ça impatiemment. Tu me manques énormément à l'appart, tu sais ?
— Tu n'as pas pu t'en empêcher ? rugis-je. Venir encore tout gâcher, faire du mal. Tu n'es douée que pour ça.
— Tu es en colère ? demande-t-elle en se dandinant comme une traînée. Parce que ça m'excite quand tu l'es ; tu es si sexy quand tu es en colère… J'en mouillerais ma culotte si j'en avais une !
— Tu crois m'avoir de cette manière ? Encore cette histoire de pari ? Tu es pathétique !
— Si tu ne veux pas baiser, je peux toujours te sucer, et on oublie le pari pour cette fois si tu veux ; ça comptera pour du beurre ! déclare-t-elle en se rapprochant de moi et en tentant de me palper l'entrejambe.
— Arrête ! lui ordonné-je en lui attrapant la main et en la serrant fortement.
Elle me fixe du regard, les yeux grands ouverts. Une lueur étrange y brille : une excitation pas feinte. Prendre conscience qu'elle ne fait pas semblant me désarçonne. Je relâche mon emprise. Elle en profite pour me coincer le long du mur, se coller et se frotter à moi. Elle essaye de m'embrasser mais je tourne la tête pour l'en empêcher. Du coup, elle m'embrasse dans le cou. Bien malgré moi, une vague de frissons me parcourt l'échine.
— Alors, petit frère, dis-moi que tu n'as pas envie de moi, si tu le peux…
— Tu es folle !
— Laisse-toi aller, petit frère ; je ne souhaite que te faire du bien. Imagine tout ce que tu pourrais me faire… Je suis prête à tout accepter, et même plus ! Tu me la mettras où tu veux. Tu peux même me faire mal si tu le désires.
Bien malgré moi, les images envahissent mon esprit, ainsi que les souvenirs du cadeau de Sarah et de la soirée où elle a voulu me convaincre de pousser Louise à retirer sa candidature à la présidence. Fantasmer sur une personne pendant des années ne s'oublie pas si aisément. Même si je ne veux pas coucher avec elle, même si je sais que je ne vais pas le faire, je ne peux m'empêcher d'avoir une érection. Élodie la sent et se frotte d'autant plus. La chaleur de son corps, son souffle dans mon cou me font trembler et transpirer.
— Je le savais, frérot ! crie-t-elle victoire. C'est encore en toi. Je le savais que ça ne pouvait pas disparaître si facilement. Je t'aime, petit frère. Tu n'as qu'un mot à dire et je suis à genoux. Je la veux dans ma bouche ! Je vais te sucer comme jamais. Tu n'as qu'à me l'ordonner. Vas-y, dis-moi oui !
Non ! Non ! Non ! Pourquoi est-ce si difficile à prononcer ? Je me suis déjà retrouvé dans cette situation, l'année dernière. J'ai réussi à la repousser une fois ; je devrais pouvoir le refaire. Pourquoi mets-je si longtemps ? Et Élodie qui me palpe l'entrejambe… Et ses seins collés à mon torse… Et cette peau si douce, autrefois si inaccessible, à portée de doigts… Comment ai-je pu la laisser prendre le dessus si facilement ? Pourquoi a-t-elle encore aujourd'hui tant de pouvoir sur moi ? C'est injuste ! J'aime Louise de tout mon corps. J'aime Louise à la folie. Je ne devrais donc plus être attiré par ma sœur. Louise est ma force ! Louise est ma foi ! Je sens la raison revenir à grand pas. Vas-y ! Non ! Non ! Non !
— Non ! lâche une voix désespérée qui n'est pas la mienne.
Mon visage se tourne sur le côté ; je découvre Louise, les larmes aux yeux. Je n'ai pas le temps de balbutier le moindre mot qu'elle se sauve en courant. Je repousse d'un coup ma sœur et me lance à sa poursuite.