Scène 5

Gros plan sur Mériade. Un zoom arrière nous la fait découvrir en chemise, jupe mi-longue et bas résille noirs, confortablement installée dans un fauteuil de cuir, les pieds posés sur son bureau, en compagnie de Brodsky, chemises à carreaux, jean et bottes de cow-boy. Tous deux fument un barreau de chaise. Brodsky surveille le bar de la partie night-club de l'établissement à travers une vitre sans tain. Au milieu des habitués du lieu débarque Bernard, démarche de canard, totalement ridicule au milieu de la faune…

Brodsky

Qu'est-ce que c'est que ce guignolo ?

Mériade

Qui ça ?

Brodsky

Je sais pas, viens voir un peu…

Mériade

C'est quoi, ce machin ? Attends un peu… (elle prend un talkie-walkie et appelle) Mygale à Loup-Garou, Mygale à Loup-Garou…

(Voix de Lioubov)

Ici Loup-Garou, je vous reçois, Mygale. À vous.

Mériade

Qu'est-ce que c'est que ce canard en caoutchouc que tu as laissé entrer ?

(Voix de Lioubov)

C'est le pire de pire de ce qu'on fait en abruti. Je me suis dit que ça amuserait tout le monde.

Mériade

Il est aussi con qu'il en a l'air ?

(Voix de Lioubov)

Tu n'as qu'à engager la conversation avec lui : effet garanti !

Mériade (tout sourire)

On va aller voir ça… Terminé, Loup-Garou. Tu viens, Brodsky ?

Brodsky

Bien sûr. On va aller payer un verre au branquignol, histoire de voir si l'intérieur est à la hauteur de l'extérieur.

Mériade

Tu as raison ; ce n'est pas bien de juger les gens seulement d'après leur apparence.

Brodsky

Comme tu dis. Ce qui compte dans chaque être humain, c'est sa beauté intérieure.

Ils sortent de leur bureau et s'avancent vers Bernard qui essaie d'attraper le regard des filles mais que tout le monde ignore, sauf ceux qui rient dans son dos.

Mériade (tout sourire et tendant sa main vers Bernard)

Bonjour, cher Monsieur ; c'est la première fois que je vous vois parmi nous. Je me présente : Mériade, patronne de La Divine Omphale ; et voici monsieur Brodsky.

Bernard (se fendant d'un baisemain ridicule)

Enchanté, très chère Madame.

Mériade

Venez, attablons-nous ; nous vous offrons un verre. Que prendrez-vous ?

Bernard

Eh bien, un whisky fera l'affaire.

Mériade (faisant signe au bar)

Whisky japonais… la bouteille. (À Bernard) : Venez, je vous en prie.

Ils s'installent tous les trois tandis qu'on apporte la boisson.

Mériade

Alors dites-moi, vous êtes nouveau ici ?

Bernard

De passage simplement. Je suis ici pour affaires…

Mériade

Quel genre d'affaires ?

Bernard (l'air mystérieux)

Du genre de celles dont on ne parle pas.

Brodsky

Ah, ce genre d'affaire… Les plus intéressantes ; les plus risquées, également. Nous connaissons.

Mériade

J'ai tout de suite compris en vous voyant que vous n'étiez pas quelqu'un de commun.

Bernard (inquiet)

Que voulez vous dire ?

Mériade

La plupart des hommes qui entrent ici viennent juste se faire dérouiller par mes filles. Vous, on voit tout de suite que vous êtes de l'autre côté du manche.

Elle lui ressert un verre.

Bernard

Dans le milieu qui est le mien, il faut pas être un dégonflé. Faut pas avoir la larme facile ni le scrupule en bandoulière. Et puis surtout, pas de sensiblerie. Faut pas s'amouracher d'une gonzesse. Trop dangereux… J'en connais des caïds qui sont tombés à cause d'une belle paire de fesses ou d'un balcon trop fleuri.

Mériade

Oui, vous avez raison ; on ne badine pas avec l'amour.

Bernard

Parfaitement, et je ne conçois pas l'amour sans badine non plus.

Brodsky

Ça fait mal, la badine…

Mériade (avec un regard moqueur vers Brodsky)

N'est-ce pas, chéri ? Mais au fait, cher Monsieur, j'ai oublié votre nom…

Bernard

Euh… appelez-moi Bernard, tout simplement.