Les lettres de mon jardin
Pierheim08/03/2023Jean-Luc Kubény
À vingt-cinq ans passés, Jean-Luc Kubény avait fait le choix d'abandonner ses études qui le poursuivaient depuis de trop longues années. En dépit de bonnes capacités, il n'avait jamais été un bon élève, et sa paresse l'aidait à poursuivre une vie nonchalante, dépourvue de toute ambition : ayant toujours été passif, il se laissait aller au fil du temps.
Sa scolarité avait été médiocre. Ses traits efféminés avaient souvent été la risée de toute la classe, et nombreux étaient les élèves qui se moquaient de lui. Ils avaient rapidement trouvé plusieurs anagrammes – peu flatteurs – à son prénom, et certains lui disaient même que, vu les prénoms de ses parents, ils auraient mieux fait de le prénommer Jésus. N’ayant que faire de leurs ragots, Jean-Luc restait passif sous leurs quolibets. Il était d'ailleurs si chétif qu'il ne pouvait ni répliquer, et encore moins se battre.
Depuis qu'il avait décidé de ne rien faire, il se trouvait très bien dans le cocon parental. Lorsqu'il était seul, il passait secrètement ses journées à baguenauder devant des sites pour adultes sur l'ordinateur familial, attisant les querelles sur les forums, sorte d'exutoire à ses frustrations de puceau qui se soulageait manuellement.
Un après-midi, il fut surpris par le retour inopiné de sa mère, Marie Kubény, qui était rentrée plus tôt que prévu de la maison paroissiale. N'ayant pas eu le temps de lui cacher ses activités, il bredouillait de vaseuses explications. Sa mère lui ordonna de monter immédiatement la rejoindre dans sa chambre. Jean-Luc éteignit l'ordinateur et monta rapidement les escaliers, redoutant la colère maternelle.
Elle l'attendait debout près du lit, le regard brillant, calme, contenant sa colère, puis elle ordonna brusquement à son fils :
— Retire mon chemisier !
Jean-Luc déboutonna lentement le chemisier de sa mère.
— Très bien. Maintenant, enlève ma jupe.
Obéissant, il détacha la ceinture puis la fermeture Éclair afin de faire glisser la jupe le long de ses jambes.
— Parfait. Passons au soutien-gorge.
Il passa ses mains dans son dos, tâtonna pour défaire les agrafes et retira le sous-vêtement.
— Tu te débrouilles bien. Enlève mes bas.
Il détacha les bas du porte-jarretelles. Il s’agissait des fameux bas résille noirs qui mettaient en transe Joseph Kubény. Lorsqu’il voyait les cuisses laiteuses de son épouse à travers les mailles, il ne pouvait s'empêcher de les comparer à des jambons de Bayonne.
— Maintenant, retire mon porte-jarretelles et ma petite culotte.
Jean-Luc protesta mollement, mais il fut très vite rabroué :
— Obéis !
Un peu gêné, il enleva les pièces de fine dentelle et attendit, ne sachant que faire de ses dix doigts.
— Tu m'entends, bien Jean-Luc ? C'est la dernière fois que tu mets mes vêtements ! Un garçon n'a pas à s'habiller comme une fille. Tu pourrais au moins faire comme ton frère Jérémy qui, grâce à son travail, est devenu masseur.
Nu devant sa mère, la tête basse, honteux, il écoutait sa mère sans oser l'interrompre.
— Tu as fait un tas de simagrées pour enlever ma petite culotte qui dissimulait ton mini-service trois-pièces. Ce n'est pas avec tes deux noyaux d'olive et ta coquillette que tu feras des étincelles : ta nouille n'atteindra jamais la taille d'un cannelloni. Avec tes idioties, tu es en état de péché ; je vais téléphoner au presbytère pour que l'on vienne te confesser : je te tiens pas à te voir aller griller en enfer.
Puis, reprenant son souffle :
— Maintenant, va en bas t'agenouiller sur le prie-Dieu* et récite ton chapelet en attendant l'arrivée de l'abbé.
Jean-Luc osa un peu d'humour :
— Mais… je n'ai pas de bas.
— Insolent ! Tu restes nu : ça te servira de leçon. Et laisse-moi téléphoner.
Agenouillé nu sur le prie-Dieu, Jean-Luc Kubény avait bien du mal à se concentrer pour réciter les « Pater Noster » et les « Ave Maria ». Il ne pouvait s'empêcher d'écouter sa mère insister auprès de l'abbé Néneutse sur l'urgence à venir le confesser, lui expliquant que son fils était devenu « un travelo dont il faut chasser les mauvais esprits. » Dans son inconfortable posture, la paille lui piquant les genoux, il sentit son bas-ventre noué par un étrange mélange de honte et d'excitation à l'idée qu'il allait exhiber ses cacahuètes à l'abbé Néneutse.
* Cette pièce de mobilier – inhabituelle dans la plupart des foyers – était d’usage courant chez les Kubény.