Belle de nuit
Charline8818/01/2023Pour qui sauna le glas
— Vous n'avez pas envie d'aller vous baigner ? La piscine peut être sympa si elle n'est pas trop prise d'assaut. Qu'en dites-vous, Gabriel ?
— La piscine… pourquoi pas ?
L'homme, qui a toujours sa paume à plat sur une fesse de la rousse, songe d'un coup qu'elle a trop bien retenu la leçon. Du coup, il regrette amèrement sa verve et ses explications concernant le bassin : Il y a également une grande piscine. Il est formellement interdit d'y faire autre chose que s'y baigner… vous voyez ce que je veux dire ? Une façon habile pour cette belle plante de le balader ? Il la sent pourtant très intéressée par la démonstration de la fille qui se love toujours comme un serpent autour de sa barre. Et lui aussi a la barre. La promiscuité et l'ambiance, un délicieux mélange qui ne doit guère laisser d'hommes indifférents. De femmes non plus !
Il la tire donc lentement hors de la meute qui hurle pour en voir plus de cette danseuse folle. Louvoyer entre quelques couples sages, d'autres tellement moins, et retrouver un chemin parsemé d'obstacles pour enfin déboucher dans un endroit d'un calme qui tranche avec le boucan de la salle, ils y parviennent après quelques secondes. Ils ne sont pas seuls à goûter à la sérénité de cette eau bleu nuit. Assis sur le rebord du bassin, une femme et un homme discutent gentiment. Ils ne semblent pas plus que cela dérangés par l'intrusion de ces deux qui arrivent.
— Vous voulez faire trempette, Aurore ?
— Pas vous ? Ça va nous rafraîchir un peu les idées…
— Vous… vous avez un maillot ?
— Il est obligatoire ?
— Je ne crois pas… mais…
— Pourquoi me voyez-vous plus prude que je ne le suis ? Lorsque l'on vient dans un tel endroit, ce n'est pas pour prier, il me semble.
— … Je vous l'accorde ! Encore que parfois les prières… du moins les positions qu'elles font adopter ne sont pas toujours très catholiques.
— Pas de blasphème, s'il vous plaît. Laissons à l'Église le soin de régler ses problèmes, et vivons l'instant présent. J'aime l'eau… et vous n'allez pas mourir de voir une femme se dénuder, je suppose.
Gabriel déglutit difficilement, mais la rousse se moque éperdument de ce qu'il pense. Elle quitte rapidement ses fringues et les plie consciencieusement sur un transat qui fait office de table. Comme elle est de dos, l'homme peut admirer une paire de fesses qui le fait saliver un peu plus. Elle n'a aucune hésitation et plonge dans la flotte. Une gerbe éclabousse le bord où, du coup, Gabriel se dévêt fébrilement. La dame assise au bout se laisse glisser dans l'onde et quitte son compagnon pour nager lentement. Et c'est une forme blanche croise la route d'Aurore alors qu'à quelques mètres son cavalier s'élance dans le bassin.
Celle qui vient de frôler le corps de l'arrivant fait désormais du sur-place, et mue par un mimétisme étrange, Aurore aussi fait de même. Un sourire naît simultanément sur deux visages féminins. Connivence réciproque, approche subtile éphémère créée par les circonstances.
— Elle est bonne !
— Oui… et puis, c'est moins bruyant que dans la salle.
— Oui, vous avez raison. Hélène… je me prénomme Hélène.
— Moi, pour ce soir, c'est Aurore… et cela jusqu'au bout de la nuit…
— Enchantée donc, Aurore du bout de la nuit ; j'adore votre humour. Ah, votre mari semble impatient de vous rejoindre.
— Je ne sais pas si c'est de me rejoindre qui rend Gabriel impatient ; je n'en jurerais pas…
— Ah, vous êtes libertins aussi ? Je ne devrais sans doute pas poser ce genre de question. Personne ne se retrouve ici par hasard.
— Libertins ? Je ne sais pas, mais je suis ici, et ma foi…
— Vous voulez vous joindre à nous ? Il nous reste une bouteille de champagne… mais nous n'avons que deux verres, par contre.
— Boire dans celui de quelqu'un permet de connaître ses pensées, n'est-ce pas ce qui se dit ?
— Alors vous êtes les bienvenus !
— Ah ! Gabriel, voici Hélène. Son mari est toujours assis là-bas. Elle propose gentiment de boire une coupe en leur compagnie. Vous êtes partant ?
— Enchanté, Hélène, de faire votre connaissance.
— Le plaisir est pour moi… mais il se partage pour nous, à commencer par celui d'une coupe.
Trois formes se dirigent donc vers la silhouette assise à quelques brasses de là. La rousse s'accroche à la margelle et salue le personnage solitaire qui attend sa dulcinée. Celle-ci, du reste, est là qui lui tend la main pour qu'il l'aide à s'extirper de la masse liquide. La naïade qui sort de l'onde est fine, et surtout… à l'instar d'Aurore, totalement nue. Dernier à remonter sur le bord, Gabriel semble dépité de voir que ses espérances tournent court. Une manœuvre de la rousse pour fuir un corps-à-corps séduisant ?
— Salut ! Je suis Léo. Et toi ?
— Gabriel.
— Vous êtes en couple tous les deux ?
— Non. On s'est seulement rencontrés au bar en début de soirée, Aurore et moi. Et vous ? Cette belle nageuse et toi, vous êtes…
— Oh oui, nous sommes mariés ; et libertins. Il n'y a pas d'incompatibilité, je présume.
— Non, non bien sûr. De plus, Aurore et…
— Moi, c'est Hélène… et je suis plutôt du genre à jouer avec les dames, si vous voulez tout savoir.
— D'accord, je n'y vois pas d'inconvénient. Après tout, chacun vit comme il l'entend.
— Ça a valeur d'accord pour ta compagne ?
— Ce n'est pas ma compagne ; n'est-ce pas, Aurore ? Elle est libre. Je n'ai pas mon mot à dire.
— …
Hélène se tourne alors vers celle qui, un peu plus loin, récupère ses effets personnels sur le transat où elle les a soigneusement déposés. Elle n'a sûrement pas suivi l'échange entre ces trois-là, qui la suivent des yeux.
— Elle est bien roulée ton amie Aurore… J'en ferais bien mon quatre heures !
— Encore une fois, si elle est d'accord, je ne suis pas concerné. Mais toi, Léo, tu participes aussi ?
— Parfois, si la partenaire de ma chérie est d'accord, mais ça n'a pas de caractère obligatoire. Vas-y, ma belle, va lui demander ; tu en meurs d'envie… Tu ne risques d'être idiote que le temps de la réponse.
La femme a de longs cheveux mouillés qui, à l'origine et secs, doivent osciller entre le brun et le châtain. Sous les regards attentifs des deux mecs, elle rejoint la femme rousse qui s'est allongée sur une chaise longue.
— Ça va, Aurore ? Tu ne veux pas de notre compagnie ?
— Si… je n'ai pas songé avant de me mettre à l'eau, que pour me sécher, j'aurais besoin d'une serviette.
— Il doit y en avoir dans ce coffre qui fait office de table. Tout est prévu : c'est un club select, ici. Tu n'es pas une habituée des lieux ?
— Non. Je n'y ai mis les pieds qu'une seule fois, et encore un jour de fermeture.
— Tu viens ici lorsque c'est fermé ? Tu connais donc Jean ?
— Non ; c'est une longue histoire.
— On t'invite à boire une coupe de champagne.
— Vous aimez l'ambiance de la boîte ?
— Ben oui… Pour être totalement franche avec toi, je suis bi, et mon mari, Léo m'accompagne toujours. Il me laisse toute latitude pour… enfin, j'aime bien les câlins entre femmes. Donc ce club le rassure. Il peut aussi du coup se rincer l'œil, et il est bien rare que je ne trouve pas chaussure à mon pied sans pour autant avoir à draguer sur Internet. Une espèce de sécurité relative qui fait que nous venons de temps en temps avec plaisir.
— Je comprends. Je vous avoue que je n'ai jamais eu de rapports avec quelqu'un de mon sexe. Ça fait aussi longtemps que je suis seule, et je n'ai pas de relations du tout avec quiconque.
— Mais ton ami ? Et puis ça me gêne que tu me vouvoies. Tu peux me dire « tu ».
— Gabriel n'est pas mon ami, comme vous… comme tu dis. Il m'a gentiment guidée dans la boîte. Le bruit dans la salle, dû à l'effeuillage d'une minette, nous a fait nous rabattre sur la piscine, plus calme.
— Oui… Allez, viens ! On va trinquer à notre rencontre. Tu… excuse-moi pour la brutalité de ma demande, mais tu… pardon, tu n'as pas envie d'essayer ?
— Essayer ? Avec qui ? Lui, toi, vous tous ?
— Je prêche juste pour ma paroisse, rassure-toi. Éventuellement, si tu es prête, pour mon couple ; mais ce n'est nullement…
— … obligatoire ? Je sais. Il semble que ce mot devient un leitmotiv dans la bouche de tous depuis mon entrée dans cette boîte.
— Alors… c'est à toi de revisiter tes priorités. Ça fait longtemps que tu es privée de…
— Oui, mais pas au point de faire n'importe quoi.
— Viens, Aurore ! Un peu de vin pétillant n'engage à rien.
Cette fois, ses vêtements sous le bras, la rousse rejoint en compagnie d'Hélène les deux mâles qui discutent.
— Ma chérie… nous n'avons que nos deux verres. Je peux aller en chercher deux autres ? Tu m'accompagnes, Gabriel ?
— Tu as donc besoin d'un chaperon, mon cœur ? Allons, ne vole pas à notre nouvelle amie son petit copain !
— Ben… à dire vrai, je ne suis pas le petit ami d'Aurore. Je dois même dire qu'avant ce soir nous ne nous étions jamais vus.
— Il a raison. Vous pouvez aller nous récupérer de quoi boire un pot entre nous, si vous voulez.
Les deux hommes se rhabillent à la va-vite et disparaissent dans la salle, qui dès que la porte de communication s'entrouvre, laisse fuser sa musique et ses cris. La boum doit battre son plein. Les deux nénettes sont assises pas très loin l'une de l'autre, et la brune chouffe délibérément vers cette rouquine qui ne bronche pas.
— Tu… tu m'en voudrais si je t'embrassais ?
— Hein ?
— Oui… dès que je t'ai aperçue dans le coin piscine… je ne sais pas pourquoi, tu m'as attirée. J'ai de suite plongé dans le grand bain pour aller te voir de près. Tu me plais… Physiquement, tu es mon type de femme : j'ai un faible pour les vraies rousses.
— Ah ? Je ne suis pas rousse, à l'origine.
— Ben… tu me plais toujours, quelle que soit ta couleur de cheveux, je l'avoue.
— Jamais une seule femme ne m'a fait une telle proposition…
— Juste un baiser. Tu pourrais aimer ; qui peut le dire ?
— On ne sait jamais qu'après, c'est vrai…
— Alors ?
— …
La brune se colle à celle qu'elle convoite. Et puis les deux visages eux aussi se tournent l'un vers l'autre. Il y a comme une peur dans les grands yeux d'Aurore lorsque les lèvres d'Hélène se pressent contre les siennes. Elle ferme les paupières, goûtant donc à cette pelle inédite. Bon, pas tellement de différence avec celle octroyée à Gabriel après sa visite guidée. Mais là, c'est plus doux, plus langoureux, et pas de poils de barbe ou de moustache pour venir irriter la peau autour de la bouche. La langue de la belle se fait très active et emporte dans son élan l'adhésion totale et inconditionnelle de l'esprit de l'embrassée.
Les deux mecs qui referment la porte dans leur dos profitent en live du spectacle des deux nanas qui s'embrassent. Léo stoppe net son accompagnateur d'un geste de la main.
— Attends, Gabriel. Nos tourterelles n'en sont qu'aux bécots. Donnons un peu de temps à Hélène pour avancer dans son processus de séduction. Elle sait y faire… C'est plaisant à regarder, non ?
— Oui… c'est même très bandant. Mais ta femme, tu la partages aussi avec des mecs ?
— Si elle le décide, je ne peux rien lui refuser. Moi je profite aussi de ses dragues si la complice est d'accord.
— Ça va de soi ! Je n'ai pas vraiment eu souvent l'occasion de fricoter avec un couple, mais voir deux filles se pourlécher, c'est… ouais, c'est génial.
Au bord de la piscine, les embrassades perdurent. Mais maintenant les mains aussi se frôlent, et les tétons qui se gonflent d'aise sur les deux poitrines se frottent les uns contre les autres. Elles se caressent mutuellement le visage, continuant à s'embrasser à bouche que veux-tu. Les deux voyeurs se rapprochent discrètement. Pas assez cependant pour ne pas être repérés. Et les préliminaires débutés entre elles se figent d'un coup. Hélène apostrophe son mari d'une voix voilée par l'émotion :
— Eh bien, mon ange, on peut enfin la boire, cette coupe ? Vous avez trouvé ce qu'il faut pour servir le champagne ?
— Ta-ta-ta ! Voici les coupes, les filles, mais ne vous interrompez pas pour nous : Gaby et moi sommes impatients de voir où ça va vous mener. Tu es bien d'accord, Gabriel ?
— Oh oui ! Vous êtes superbes, Mesdames…
Pourtant, le charme semble rompu. Surtout du côté d'Aurore qui ne paraît pas disposée à se livrer à une partie fine dans un endroit où n'importe qui peut débouler n'importe quand. Du coup, elle dévie la conversation.
— Alors ? Dans la salle, la minette qui faisait un strip-tease est toujours sur son podium ?
— Nous en avons bien vu une qui se trémoussait aussi nue qu'un ver ; pas certain que ce soit la même que celle que nous avons suivie un moment ensemble.
— Ah ? C'est monnaie courante ici, les petites jeunes qui veulent épater leur copain. Ou les plus âgées qui s'illusionnent encore en pensant faire rêver les mâles grâce à de beaux restes… Tu sais, Aurore, j'ai aussi parfois usé de ces artifices pour attirer dans mes filets des femmes que je croyais inaccessibles.
— Et ça a marché ?
La rousse lâche ces quelques mots qui sont bien la preuve d'un intérêt grandissant pour celle qui a le verbe haut. Les bulles qui crépitent dans les verres ramènent une sorte de silence entre les quatre. Le couple fait le premier pas en levant au-devant des autres le breuvage aux reflets d'or.
— À notre rencontre, donc ! Gageons qu'elle tienne toutes ses promesses.
— À dire vrai, je pense que je vais rentrer chez moi ; je me sens… lasse.
— Oh ! Tu veux nous abandonner sans aller au bout de la nuit ? Moi qui me faisais une fête de passer un petit moment en tête-à-tête avec toi…
Bien sûr, Hélène fait un peu le forcing. Après s'être mise à nu émotionnellement, elle sent qu'elle risque de rester sur sa faim. Oui, cette petite rousse lui aiguise l'appétit. Il y a chez elle un charme, une présence qui lui dicte de ne rien lâcher. Elle a vraiment envie d'un moment d'intimité avec cette nana qui semble intimidée. La présence des deux hommes y est-elle pour quelque chose ? À moins que ce ne soit parce qu'elle est une femme ? La crainte d'avoir envie d'un reflet de ce qu'elle est ? Comment la retenir sans la brusquer ?
— Tu n'as pas envie de visiter le sauna ? Juste un instant, juste toi et moi. Nos deux hommes sont grands et peuvent aller au spectacle de la salle. Tu ne serais pas partante pour quelques minutes avec moi, Aurore ?
— … Ben… je ne suis pas sûre que… j'en sois capable.
— Allons, lance-toi ! C'est toujours le premier pas qui compte. Tu ne vas quand même pas nous quitter aussi vite…
Balancée entre filer rapidement et essayer – parce qu'il s'agit bien d'un essai que lui propose la brune – le dilemme prend des allures de guerre entre raison et défi. Le cerveau d'Aurore est en ébullition. Elle n'a aucune propension à se vautrer dans le stupre avec deux mecs ; mais si le couple était seul… Zut ! Comment résoudre cette équation insoluble ? Elle n'aime pas faire de mal aux autres, et frustrer Gabriel n'est pas quelque chose dont elle serait fière. Elle comprend bien les espoirs qu'elle a suscités chez son chevalier servant. Alors elle cherche à s'en tirer par une pirouette :
— Un autre soir, peut-être ; je suis vraiment nase.
— Tu n'as pas envie de câlins ? Ne me dis pas qu'après ce que tu m'as raconté, faire l'amour ne t'effleure jamais l'esprit.
— Si, si, bien sûr. Mais comment te dire… je ne me sens pas à l'aise.
— Allons, viens ! Lève-toi et donne-moi ta main.
— Hein ?
— Je sens bien qu'il me faut te mettre le pied à l'étrier. Viens. Quant à vous, Messieurs, vous avez quartier libre ! À moins que vous soyez suffisamment patients et que vous nous attendiez ici.
— … ?
— Nous allons faire un tour, Aurore et moi, du côté du sauna.
Elles sont nues, debout face aux mecs qui restent assis. Si Léo sait qu'il aura, après le vin, l'ivresse de l'amour, Gabriel, lui, se fait tout petit. La jolie femme sur laquelle il a flashé depuis le début de la soirée lui échappe. Elle ne semble pas disposée à partager un peu de son temps, un peu de son corps avec lui. Il en prend conscience en voyant les deux silhouettes s'éloigner vers une porte qu'il sait donner sur un autre plaisir de la maison.
Dès qu'elles ont franchi celle-ci :
— Eh bien, je crois que je dois me faire une raison : notre jolie Aurore ne veut pas d'un amant en général, et de moi en particulier. Je crois qu'il est temps que je file, donc.
— Tss-tss… Pas de pessimisme malvenu, veux-tu ! Laisse donc ma belle décanter un peu la situation. Et puis, elles sont deux, et rien ne t'interdit d'imaginer qu'Hélène… tu saisis ?
— Parce que toi, tu n'y vois pas d'inconvénients ?
— Pas vraiment… C'est vrai qu'elle est gironde, Aurore, mais tu n'as pas envie de ma femme ?
— Je n'ai pas dit cela ; mais je n'ai pas l'habitude des maris complaisants.
— Tiens ! Bois donc un coup au lieu de dire des conneries… et laissons le temps à ma douce de mettre le feu au cul de notre petite rouquine. Elle n'a pas choisi l'endroit sans raison, tu vas comprendre rapidement !
Perplexe, Odette roule en direction du restaurant où est remisée la voiture de son invitée. Pascaline n'a sans doute pas plus que cela apprécié leur visite. Il est vrai que sans clients, le club fait un peu tristounet ; mais elle ne voit pas cette jeunette aller s'encanailler dans sa boîte de cul. Mon Dieu, cette jeunesse qui n'apprécie plus les bonnes choses… c'en est déprimant ! Enfin… au moins celle-ci est-elle une excellente professionnelle. Pourquoi, dans son esprit, songe-t-elle à un truc débile ? Oui, une idée saugrenue qui la travaille depuis un long moment.
Cette petite blondinette… ne ferait-elle pas le bonheur de son gamin ? Après tout, ils sont dans une tranche d'âge très proche, et elle apporterait à son fiston une stabilité qui lui fait défaut. Elle pense comme ça, mais ne sait pas grand-chose de la vie intime de son Jean. Il voit presque tous les soirs des tas de gens qui viennent dans son établissement pour s'envoyer en l'air, alors elle n'est pas certaine qu'il ne fricote pas avec quelques-unes de ses clientes, voire peut-être aussi avec les girls qu'il emploie.
Un silence pesant s'est installé dans l'habitacle. Comme la circulation n'est pas très dense, elles atteignent rapidement leur point de chute. En se rangeant près de la petite berline de Pascaline, madame Dussard veut renouer un dialogue interrompu depuis presque tout le voyage.
— Ça ne vous a pas trop plu, n'est-ce pas, notre balade dans un établissement vide ?
— Oh, c'est que je n'ai pas l'habitude de fréquenter de tels lieux. J'aime bien ma maison.
— C'est surtout que je pense que vous avez peur d'être face à face avec un homme. Avez-vous déjà eu maille à partir avec la gent masculine ? Souvent les femmes sont traumatisées après des situations difficiles.
— …
— J'imagine que votre silence parle pour vous. À mon avis, ce n'est pas une bonne chose de tout garder en soi. Je conçois aussi qu'il faut un grand courage pour oser parler de ce genre de truc. Mais vous avez l'air d'être solide, Pascaline.
— … Pourquoi me racontez-vous tout cela, Madame Dussard ? J'ai l'impression d'être une gamine prise en faute.
— Ne voyez pas dans mes propos une sorte de manière de vous indisposer ; j'ai seulement beaucoup d'affection pour vous. J'aime véritablement ce que vous faites… et également ce que vous êtes. Vous saisissez ? Bien peu de femmes qui ont souffert – et c'est visiblement votre cas – prennent le taureau par les cornes. Je suis sûre qu'un jour vous reviendrez vers les plaisirs de la chair. Enfin, c'est ce que je vous souhaite. Vous constaterez alors que tous les mecs ne sont pas mauvais. La malchance fait que parfois on tire le mauvais lot, c'est tout.
— Vous y êtes retournée, vous ?
— Vers le sexe, vous voulez dire ? Oui, et à mon grand étonnement, j'y trouve toujours un plaisir nouveau. À chaque fois. Les partenaires multiples… différents sont autant de multiplicateurs d'une jouissance démesurée. Je regrette seulement d'avoir découvert ceci bien trop tardivement. Pas que mon mari ne m'ait pas satisfaite, mais la routine dans le couple… ça vous tue la sexualité en deux temps et trois mouvements. Rien n'est meilleur que changer souvent. Ça ouvre bien des perspectives. Le fait que je m'en ouvre à vous prouve à quel point je suis fan de ces moments intimes…
— En tout cas, vous en parlez avec une désinvolture qui me sidère ! Jamais je n'aurai cette forme de courage.
— Allons, vous connaissez l'adage qui dit « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. », ou cet autre : « Ne jamais dire jamais. » Et puis je sens chez vous une volonté, une soif de mordre dans la vie. Ne vous privez surtout pas du sel de l'existence. Nous sommes toutes et tous nés avec un sexe, et le but est bel et bien de s'en servir ; qu'en pensez-vous ?
— Qu'il est temps pour moi, Madame Dussard, d'aller me coucher.
— Nous nous revoyons rapidement ?
— Dès que j'ai terminé votre chantier, je vous fais signe !
— D'accord. Prévoyez une autre soirée : je tiens à vous inviter de nouveau, mais cette fois dans un vrai restaurant.
— On verra ; ce n'est pas une obligation.
— Ben… peut-être aussi que j'arriverai à décider mon Jean de dîner en notre compagnie. Ainsi vous ne serez pas seule avec une vieille folle !
— …
Les deux femmes sourient de concert à cette plaisanterie, et Odette redémarre alors que Pascaline s'assoit sous son volant. Pff ! Comment cette cliente peut-elle être aussi perspicace ? Comment peut-elle également avoir une vision pareille de la sexualité ? Un moment la jeune blonde a pensé qu'elle… oui, qu'elle lui faisait du gringue. Mais aucun geste déplacé, pas une tentative ou une approche plus intime. Non ! Reste que d'un coup, un signal bizarre s'est allumé dans le cerveau sous la nappe de tifs clairs. N'aurait-elle pas l'intention de lui coller son Jean dans les pattes ? Enfin, pourquoi imaginer un tel scénario ?
C'est bien d'elle, ça, de se faire une montagne d'un rien. Et puis, si Odette a mentionné le prénom de son fils, elle n'a pas mis sur le tapis les intentions mauvaises que lui prête le cerveau de celle qui se faufile dans les rues de plus en plus désertes. Madame Dussard a fait – aussi étrange que cela puisse paraître – d'autres dégâts chez la conductrice. Plus insidieusement, elle a réveillé une libido en berne. Parler librement de ses appétits sexuels perturbe la femme qui n'a plus eu de rapports depuis… bien longtemps. Ça n'a pas l'air, comme ça, mais d'un coup des bouffées de chaleur s'emparent du corps de la nénette.
Chez elle, elle va directement se doucher. L'espoir que passe son besoin de faire l'amour est vite déçu : la douche tiède, les mains qui frottent partout avec un gant soyeux, l'odeur même du gel, tout concourt à renforcer son sentiment de vide. Pallier le manque devient une obsession dès qu'elle s'allonge dans sa couche. Se tourner et retourner n'arrange pas non plus son état. Que lui reste-t-il en fin de compte, sinon ses mains à promener sur les endroits les plus… sensibles ? C'est bien les seins et le bas de son ventre sur lesquels folâtrent quelques instants plus tard dix lutins. Le but est de calmer l'incendie, mais en fait ils le propagent plus qu'ils ne le combattent.
Délivrance toute relative que cet orgasme à demi avorté. Il subsiste longtemps après que les caresses ont pris fin le vide incommensurable qui est le reflet du manque d'une vraie bonne possession de son intimité. Et Pascaline en revient par l'esprit, à ce bordel de luxe qui finit par cristalliser toutes ses idées. Qui sait ? Il y a un fond de vérité dans les propos de sa cliente. Pas d'ennuis post-coït avec un type rencontré au hasard dans un endroit fait pour ça. Et cette pensée germe lentement dans la tête habituellement trop sage de la blonde.
Avec cette montée en puissance d'un désir irrépressible, se logent aussi toutes sortes de trouilles. La première est bien d'oser s'y rendre. Ensuite, d'entrer dans l'établissement. Et une autre pernicieuse, vicieuse, qui rampe en elle tel un serpent : et si elle rencontrait quelqu'un qu'elle connaît ? C'en serait fini de sa réputation ! Dans son job, il faut bien moins que ce genre de mésaventure pour que les clientes se détournent de son bureau. Mais la violence du vide qui la mine déferle dans tout son être, tel un ouragan. Fébrilement, ses doigts reviennent une fois de plus pour un ultime échec.
Mouiller abondamment ne signifie pas jouir : la blonde en fait le douloureux constat. De guerre lasse, elle finit par se recroqueviller dans ses draps froissés, témoins de son incapacité à s'envoyer en l'air manuellement. Le sommeil, quand l'embrasse-t-il de ses longs tentacules pour l'enfoncer dans la noirceur d'une nuit cauchemardesque ? Si elle ne s'en souvient pas, elle n'oublie pas par ailleurs ces monstrueux sexes bandés qui sont venus la narguer toutes les heures sans pouvoir les chasser ni seulement s'en servir, jusqu'à son réveil nauséeux matinal. Sa journée de travail chez Odette est une échappatoire.
Pas de déjeuner ! Non, elle veut en terminer le plus rapidement possible pour s'éloigner de ce qu'elle considère presque comme une semeuse de troubles. Oh, jamais elle ne lui fera une remarque : en qualité de cliente, madame Dussard est sacrée, intouchable. Mais dans son caberlot, c'est la responsable de ces tourments. Avec ses paroles trop délurées, à sa façon d'aller droit au but, elle a réussi à la mettre en proie au pire des supplices : celui de révéler au grand jour une nature qui dort depuis des mois et des mois. Une porte béante sur un enfer qui la ramène à ses vieux démons.
Quoi de plus normal, dans ces conditions, que le soir après avoir quitté la maison où elle officie elle roule vers l'endroit qui focalise tous ses maux ? Et si elle n'entre pas, elle peut tout à loisir étudier les environs. Elle aperçoit les employées qui prennent leur drôle de service. Toutes des belles filles, jeunes à souhait et belles comme des cœurs. Enfin, elle repère de loin le fameux Jean alors qu'il décharge du coffre de sa voiture des caisses contenant vraisemblablement du vin. Dans sa caboche, elle a beau se dire que non, elle n'entrera jamais toute seule là-dedans, quelque part au fond d'elle, elle sait qu'elle se ment encore !
Une baraque en bois dans une chambre ! C'est du jamais vu pour celle qui suit Hélène. Entre l'envie de fuir et celle de savoir, de retrouver un semblant de vie intime, c'est panique à bord chez la femme qui se fait appeler Aurore. Dans la guitoune en pin, c'est une fournaise. Une chaleur sèche qui la surprend.
— On peut s'asseoir ici. Tu vois le seau qui contient de l'eau et la louche ? Il est là pour en faire couler de temps en temps sur les pierres qui sont dans le foyer. Tiens, regarde !
La brune crée un nuage de vapeur qui immédiatement fait dégouliner de sueur les deux femmes. L'endroit n'est pas prévu pour recevoir vingt personnes ; peut-être six au maximum. Derrière le dossier sur lequel s'appuie Aurore, une vitre sombre. Elle y jette un coup d'œil, mais constate, rassurée, qu'elle ne voit pas ce qui se passe de l'autre côté. Hélène quant à elle s'installe à l'étage du bas de l'estrade, aux pieds de sa compagne. Et ses mains sont de suite en action. Le massage des petons de la rousse commence, et c'est doux ; trop bon pour refuser. La chaleur, les câlins sur ses jambes, tout est fait pour que ça demeure torride. Lentement, les paumes humides glissent sur une peau où perle une fine couche de sueur.
Une louche par ci, une louche par là pour alimenter en vapeur le sauna, le tout entrecoupé de passages de plus en plus ciblés des paluches d'Hélène ; c'est divin. Comment ne pas laisser se relâcher tous ses muscles, se détendre alors qu'elle est à pareille fête ? Et lentement les deux cuisses sont éloignées l'une de l'autre par les manœuvres habiles de la masseuse. Aurore sait où veut en venir sa partenaire, et pourtant il n'est plus question de tenter d'échapper à son sort. Cette fois, c'est aussi le visage de la brune qui plonge dans la fourche qu'elle prépare depuis un moment, mais il n'y a pas de pétrole à faire jaillir de cette source.
Juste un tressaillement de tout le corps de celle qui se relâche pour de bon. La fouineuse en profite, et sa main écarte les deux pans d'un velours rose pour permettre à la pointe d'une langue malicieuse de goûter à ce qui se distille là depuis le début des câlineries. Une minette qui fait se bloquer la respiration de celle à qui elle est destinée. Puis des spasmes incontrôlables parcourent l'échine d'une Aurore totalement dépassée par les évènements. Dépassée, oui, mais intégralement à la merci de sa brune amante, puisqu'il faut bien appeler un chat un chat. Et la langue se donne bien sûr à la chatte… avec une délectation pour la receveuse tout autant que pour la donneuse.
Léo et Gabriel sont depuis quelques minutes seuls au bord de l'eau. Ils sont du coup impatients d'aller faire un tour de l'autre côté de la cloison où se sont réfugiées les deux miss, et ils finissent par craquer et aller voir ce qui s'y trame. Le mari d'Hélène sait comment faire pour voir discrètement : le sauna est équipé d'une glace sans tain. Ils sont dans un club libertin, et sa vocation première est de donner du plaisir à ceux qui le fréquentent. Le voyeurisme en est une forme basique. Donc les yeux rivés sur ce qui se joue sur l'estrade où les deux naïades sont installées, ils suivent des ébats des plus érotiques.
Pas vraiment « étoile de mer », peu active tout de même, la rousse, sous les quinquets curieux des hommes, laisse la brune lui faire un cuni prolongé. Les traits de la caressée expriment sans ambiguïté son ressenti de chaque instant. Elle se raidit, emportée par la bouche qui la dévore. Léo, tout comme Gabriel, peut savoir avec exactitude à quel moment elle se libère, puisque ses mains viennent se positionner sur le sommet du crâne de celle qui la lèche, qu'elles pressent ou maintiennent la caboche pour l'empêcher de stopper ses manœuvres. Et ils admirent la bouille luisante de mouille d'Hélène diriger son visage vers celui de celle qu'elle vient de porter aux nues.
Le baiser qui s'échange là les fait sûrement plus bander que toute autre chose. Il y a dans celui-là une complicité torride, une chaleur communicative, et ces conditions entraînent la rousse à se couler de façon à avoir cette fois le sexe au plumeau brun sous le nez. Le tableau qui se décline maintenant se déchiffre facilement : un soixante-neuf sans équivoque dans lequel deux corps se tordent avec des gémissements suffisamment forts pour parvenir aux esgourdes des mecs. De soubresauts en tressaillements, elles ont l'air d'apprécier ces lécheries qui calment leurs envies. Pas toutes, sans doute, mais la plupart.
Hélène se doute, ou plus sûrement sait-elle que son Léo doit avoir les yeux rivés sur la vitre derrière elles. Lorsqu'elle relève le menton, ses prunelles se dirigent tout droit vers le rectangle qui, de l'intérieur, n'est que verre sans visibilité. Elle lève la main, et le signe de connivence auquel elle adjoint un large sourire n'est rien d'autre qu'une invitation. Oui, accord pris auprès de la rousse qui se remet doucement de ses émotions, elle demande bel et bien muettement à Léo et à son comparse de venir les rejoindre.
Inutile de dire que les deux lascars, titillés par leur sexe en érection maximale ne se font pas prier ! Ils entrent dans la fournaise. Une nouvelle louche d'eau se transforme immédiatement en vapeur. Gabriel voit la brune venir se coller à lui, sangsue transpirante de sueur. Il jette un coup d'œil à Léo : pas question d'avoir un différend avec ce type plutôt sympa. Seul retour de son comparse : un clin d'œil qui en dit long sur la suite. Alors les caresses recommencent ! Les spectateurs sont désormais Aurore et Léo. Pendant qu'à quelques centimètres de la jeune femme une pipe prend vie, Léo lui masse simplement un pied. Il observe à la dérobée cette nana appétissante alors que sa femme est tripotée par leur nouvel ami.
Tout un panel de caresses excitantes se fixe dans le crâne d'une Aurore qui voit le feu de son ventre se rallumer. Et quand évidemment, Léo emporté par son désir dicté par la scène qui se passe sous ses yeux vient aussi pour des câlins plus intimes, elle ne fait rien pour l'en empêcher. Ce sont donc deux couples qui se livrent à l'acte d'amour, proches l'un de l'autre, à tel point que Léo parvient à rouler des pelles à sa belle qui se fait tringler par Gabriel. Et il arrive ce qui logiquement est le but ultime de ces folies sexuelles : les hommes éjaculent à quelques secondes d'intervalle sur celles qui viennent de leur offrir le meilleur d'elles.
Aurore se sent prise avec une force et une vigueur qui la font chavirer. Trop d'abstinence, trop d'envies soudaines, et ça craque de partout dans sa tête. Son corps en profite pour se rassasier. Elle ferme les paupières, et cette fois elle dérive sur un nuage dont elle est incapable de déterminer la teneur. Ce qui la pistonne est dur, chaud, et va si profond en elle qu'elle griffe de ses ongles ce que ses doigts rencontrent. Elle ne sait plus où elle est ni seulement comment elle s'appelle, puis elle sombre dans une sorte d'incroyable feu d'artifice. C'est bon, c'est trop fort ! Comment tenir, à ce rythme ?
Puis les spasmes qui se multiplient la font basculer dans un monde de couleurs éblouissantes. Plus rien n'a de forme, plus rien n'a de consistance. Au loin, sur un nuage, elle entend quelqu'un crier un prénom :
— Aurore… Hé, oh, Aurore, tu m'entends ?
Qui c'est, cette Aurore dont une masse sombre scande le prénom ? Pourquoi ne la laissent-ils pas tranquillement finir son rêve ? Bon sang ! Elle est bien, et c'est difficile de s'extraire d'un tel bien-être. Et puis qui crie de la sorte ? Où est-elle, en fin de compte ? La face qui se penche au-dessus de son visage… ah oui, elle la remet : c'est ce Léo, et il est entouré de deux autres personnages flous… D'accord. Tout se replace correctement dans son cerveau. Vraiment renversante, cette perte de contrôle due… à un trop-plein de sensations oubliées.
— Eh bien… tu peux te vanter de nous avoir fichu une sacrée trouille !
— Ah ? Pourquoi ?
— Jamais jouissance n'a autant mérité le terme de « petite mort » que celle que tu viens de nous montrer.
— Mais…
— Chut. Tu vas bien ? Rassure-nous, Aurore…
— Oui, oui ! J'avoue que j'ai un peu perdu les pédales. Je suis encore un zeste déboussolée. Merci… merci, Léo, et surtout merci à toi, Hélène, qui m'a prêté ton mari… Quel pied… Waouh ! Je suis partie très loin, je vous l'assure.
— On a bien vu… pas moyen de te faire réagir, même pas à ton prénom…
— Mon prénom ? Ah oui… Et… quelle heure est-il ?
— Le jour va se lever.
— Ben, c'est bien. Exactement ce que vous vouliez, non ? Aurore du bout de la nuit… vous y êtes, au bout de la nuit. Et je vous jure qu'elle a été… sublime, celle qui se meurt ce matin.
— Parce qu'avec vous aussi, Gabriel, j'ai…
— Non, non ma belle… Juste moi pour commencer et mon Léo pour finir. Mais, bon sang, tu t'es montrée absolument fantastique ! Regarde : il a encore la trace de tes ongles sur le dos. Une tigresse quand tu jouis, ma chère.
— … Ça ne m'était plus arrivé depuis longtemps…
— Bon, les filles, il est six heures : la boîte va fermer ses portes. On doit y aller.
Léo, pragmatique, remet tout le monde d'équerre. Les quatre baiseurs retraversent donc la salle, direction le vestiaire, puis la sortie. Le patron, qui termine aussi sa nuit, leur fait un petit signe de la main. Aurore sent bien qu'ils se connaissent. Gabriel récupère sa voiture, et près de celle-ci salue ses nouvelles connaissances :
— Eh bien, à une prochaine fois peut-être ! Merci à toi, Aurore, qui m'a permis de faire connaissance avec des personnes… libres. Et puis si l'occasion se représente… ce sera avec un grand plaisir que je vous reverrai.
— Au revoir, Gabriel.
Ils sont trois à lui faire un dernier geste de la main en guise de coucou, puis le couple prend congé de la rousse.
— Salut, ma belle ! J'ai adoré notre… corps-à-corps, et ce n'est pas mon Léo qui va me contredire. Merci pour tout.
— C'est vous que je dois remercier : sans vous, je serais dans mon lit depuis bien longtemps et j'aurais raté quelque chose de magique… Gabriel avait raison. Je vous reverrai avec grand plaisir.
— Bisou, alors… et fais de beaux rêves.
— Oui, merci,… et qui sait ?
Les deux femmes se font la bise ; Léo lui presse un peu trop fort la main qu'il vient de prendre. Et juste avant de monter dans leur véhicule, Aurore voit la brune revenir vers elle d'un pas décidé.
— Attends. Tiens, Aurore.
— … ?
La femme vient de lui coller dans la paume une carte de visite, puis elle retourne sur son siège passager, et cette fois la voiture du couple quitte le parking. Il ne reste plus à Aurore qu'à faire la même chose. Elle retourne en ville. La salle des pas perdus de la gare, puis les toilettes, où de son sac une jeune rousse sort des vêtements bon chic bon genre. Une perruque quitte le crâne de celle qui instantanément redevient une jolie blonde. Voilà : le papillon de nuit est redevenu une petite femme bien sage. C'est donc une nana plutôt bourgeoise qui récupère une berline qui la ramène vers son bureau. De là, elle se rend sur son chantier… chez Odette Dussard.