Formation très intéressante
Nostalgique4403/11/2022Au Centre de formation (2)
Je m'allongeai sur le côté, un bras passé sous ma nuque, et fermai les yeux en essayant de ralentir ma respiration qui s'était emballée. Cette séance m'avait pas mal éprouvé. Ingrid me couvrit avec le dessus de lit, et peu après je perdis la notion du temps et fondis dans les bras de Morphée.
Un baiser de ma chérie sur mes lèvres me ramena sur Terre. Ingrid se tenait devant moi, telle une reine de beauté. Elle était vêtue d'un chemisier en soie couleur saumon, fermé jusqu'au troisième bouton ; on apercevait la naissance du sillon de ses seins sur lequel venait mourir un collier de perles. Une jupe droite, moulante de couleur terre de Sienne, fendue derrière, découvrait légèrement ses genoux gainés de bas de soie couleur fumée. Elle portait des escarpins vernis noirs à hauts talons qui la rendaient plus grande qu'elle ne l'était en réalité. Elle avait profité de son escapade pour s'arrêter dans un salon de coiffure afin de se faire faire une beauté ; comme si elle avait besoin de cela pour me plaire ! Ses cheveux ondulés tombaient sur ses épaules. Quelques mèches plus claires venaient strier çà et là leur couleur uniforme.
— Est-ce que je plais à mon commandant, comme cela ?
— Tu es sublime, mon amour. En quel honneur cette mise en beauté ? Tu veux draguer quelqu'un ?
— Oui : toi ! Je veux que tu sois fier de ta femme, que tu n'aies jamais à rougir à cause d'elle.
— C'est quoi, ces conneries ? Pour moi, tu es la plus belle femme de l'univers, et je n'en changerais pour nulle autre pour tout l'or du monde. Alors ne dis plus ce genre de bêtise. Viens là ! lui dis-je en lui tendant les bras. Viens me faire un bisou pour te faire pardonner.
— Nein! Coquin, je sais comment ça va finir… Et puis il est 19 h 15, et il faut que tu t'habilles.
— Je ne sais pas quoi me mettre ; je n'ai rien prévu pour une sortie de gala.
— Reste en tenue : ça te va très bien, et j'aime te voir comme ça. Et puis ça me flatte que l'on me voie à ton bras : je suis follement fière de toi, Schatz!
Nous arrivâmes bras dessus, bras dessous à la cafétéria. Ingrid, chaussée de ses escarpins à talons hauts, était presque aussi grande que moi. J'étais le seul en uniforme. Erwin se tenait au bar à côté de Renate ; les deux autres filles étaient assises sur les hauts tabourets, le dos appuyé au bar. Leurs jupes remontaient haut sur leurs jambes, les dévoilant jusqu'à mi-cuisses ; on voyait qu'elles ne portaient pas de bas.
Notre entrée fit sensation, tout particulièrement chez les hommes qui faisaient les yeux ronds en regardant Ingrid tandis que chez les femmes – qui à cette heure-ci ne s'attendaient pas à voir apparaître un commandant de bord en tenue – on pouvait deviner sur la commissure de leurs lèvres une sorte de déception car elles avaient compris qu'aux côtés d'Ingrid elles ne faisaient pas le poids, n'auraient aucune chance avec le « boss ». L'une d'elles, afin de rompre le silence, proposa de sortir en ville pour dîner dans un restaurant français. Renate répondit :
— Moi, je préfère manger ici. La cuisine est bonne, et le pianiste sait se servir de ses doigts. Je suis assez fatiguée, j'ai toute la route depuis Böblingen dans les pattes…
— C'est où, Böblingen ? demanda Katia, l'une de nos PNC.
— À côté de Stuttgart.
— En effet, ce n'est pas la porte à côté ! commenta Erwin. Et vous, Commandant, vous arrivez de Hambourg avec la cheffe ?
— Non : nous sommes arrivés hier au soir, répondit Ingrid. On a passé la nuit à Wiesbaden, à 12 kilomètres d'ici, chez des amis d'Adam.
— Nous n'avons qu'à rester ici, et ensuite celles qui se sentent en forme pourront descendre faire une virée au night du Sheraton, proposa Maria Helena, une autre PNC.
On passa dans la salle de restaurant de l'hôtel, car le soir la cafétéria de la compagnie était fermée. La cuisine était excellente et de style international. On prit notre temps. Arrivés à 20 h 30 précises, nous fûmes les derniers à sortir du restaurant. Le chef – un Français – nous avait gâtés. En entrée j'avais pris une queue de langouste sur son lit d'algues. Suivait un magret de canette du Périgord à l'orange accompagné de pommes duchesse bien dorées. Pour terminer, une tranche de roquefort du Larzac et une île flottante géante.
Ingrid, elle, n'avait pas une grosse faim ; elle surveillait sa ligne car elle s'approchait de l'âge ingrat où une femme, si elle ne prenait pas garde, avait vite fait de prendre un peu de ventre. Or, pour une cheffe de cabine qui recevait les passagers à bord, il était important d'avoir une taille approchant de celle d'un mannequin. Elle avait choisi un steak tartare que le chef était venu lui composer à table, plat qu'elle accompagna de feuilles d'épinards macérées dans de la crème de Modène. Elle passa sur le fromage mais termina, elle aussi, avec une île flottante.
Je réglai l'addition pour tous. Cela m'arrivait de temps en temps, deux ou trois fois dans l'année.
Sortis du restaurant, on se sépara. Les filles se dirigèrent vers la station de taxis tandis qu'Erwin et Renate prirent le même ascenseur que nous pour se rendre là où ils avaient décidé d'aller. Arrivés à notre étage, on échangea un Gute Nacht – Bis Morgen et Ingrid et moi nous dirigeâmes vers notre nid.
Après nos galipettes de la fin d'après-midi et le repas copieux, compte tenu que nous n'avions plus 20 ans mais le double, nous nous sommes couchés en nous promettant d'être sages. Enfin, les promesses n'engagent que ceux qui les croient, n'est-ce pas ? Bien entendu, je me couchai nu, comme toujours. Ingrid était allée faire sa toilette dans la salle de bain ; elle en sortit également nue, et c'est ainsi qu'elle vint se blottir contre moi dans le lit. Sa tête était venue se loger dans le creux de mon épaule et je sentis sa main frôler mon sexe. Cet attouchement délicat suffit à lui promettre des douceurs ; or, à ma bite, il ne faut jamais rien lui promettre car, comme toute bite d'ancien militaire, elle se met au garde-à-vous immédiatement.
— Eh bien dis donc… il ne faut même pas la regarder, celle-là, car elle réagit au quart de tour ! commenta Ingrid avec ironie.
— Je croyais que nous avions décidé de rester sages ce soir…
— Mais je suis sage, chéri ; j'ai juste voulu lui souhaiter une bonne nuit.
Aussitôt dit, aussitôt fait ! Ingrid repoussa la couette avec ses pieds, changea de position puis glissa le long de mon corps afin que sa tête soit à hauteur de l'objet convoité. En changeant de position, c'est son ventre et son pubis que j'avais à hauteur du visage : configuration parfaite pour un 69 sur le côté (position plus reposante et agréable que l'originale). La main de mon amante s'était saisie de ma verge ; sa main commença à se mouvoir de haut en bas. Je profitai de la position pour envoyer une main entre les cuisses d'Ingrid. Afin de me faciliter l'accès à ses parties intimes, elle leva la jambe gauche qu'elle reposa sur mon épaule.
Devant ma bouche se trouvaient ses grandes lèvres, gardiennes de la chambre aux trésors. J'allai les saluer de quelques coups de langue avant de l'envoyer en mission de prospection, plus loin, en haut de sa vulve pour souhaiter, moi aussi, une bonne nuit à « la sonnette d'amour », comme j'avais baptisé le clitoris de ma belle. Celui-ci m'avait senti arriver car il était sorti de sa gaine pour me souhaiter la bienvenue. Une odeur de vanille se dégageait de son intimité – c'était appétissant – et je sentis sur mon menton un liquide visqueux imprégner ma barbe que je portais en médaillon, à la mode « mercenaire ». Pourquoi « mercenaire » ? J'étais incapable de le dire ; je n'en connaissais même pas l'origine. Ma langue alla saluer « la sonnette d'amour » ; Ingrid eut une contraction qui ouvrit sa fontaine. Je sentis sur mes lèvres une vague de liqueur arriver, chaude, légèrement sucrée et salée, visqueuse, et au goût exquis de champignons frais cueillis.
J'approchai ma main et introduisis mon index dans son vagin ; ce doigt était attendu car, pour le recevoir, le fourreau intime de ma belle était baigné de cyprine. Après quelques va-et-vient, je sentis que le bassin de ma chérie se mouvait légèrement d'avant en arrière comme pour accompagner un coït. Je sortis mon doigt auquel je joignis le majeur avant d'y retourner. Je la pénétrai jusqu'à toucher la protubérance située au fond du vagin : le col de l'utérus, ou cervix. Je sentis dans ses plis comme un petit anneau, certainement la porte que les spermatozoïdes veulent atteindre à tout prix lors de l'éjaculation.
Je reculai mes doigts de façon que seules deux phalanges restent à l'intérieur ; je les recourbai, et m'évertuai à masser la paroi vaginale à l'endroit où doit se trouver le fameux point G, appelé aussi par les spécialistes de l'aviation « bouton de post-combustion ». Chaque fois que mes doigts effleuraient un point précis sur la partie supérieure de son vagin, Ingrid poussait un léger gémissement et tout son corps était secoué par je ne sais quel diablotin qui la prenait pour un prunier. J'avais atteint ma cible : je poursuivis mon tendre assaut. Ma compagne continuait à me prodiguer son « bonne-nuit-bite maison » mais j'entendais son souffle s'accélérer, ponctué de gémissements venant de ses entrailles. Je ralentis un tant soit peu mes mouvements et privilégiai le clitoris qui se sentait un peu abandonné.
Ma chérie avait décidé que le moment de me faire jouir était venu. Elle avait arrêté de pomper et se consacrait uniquement au gland. Sa langue virevoltait sur la collerette, passait sur le frein, jusqu'au moment où, du fond de mes reins, je sentis que j'avais atteint le point de non-retour. Je devais accepter, et laisser mon subconscient décoller. Je passai le mur du son. Dans ma tête je ressentis le « bang » ainsi que les effets du transport interstellaire. Lorsque j'explosai dans sa bouche, je fermai les yeux et poussai le même cri que l'aigle qui fond sur sa proie du haut des cieux. Ingrid faisait le vide dans sa bouche, cherchant à me vider les bourses et buvant littéralement mon sperme qu'elle avalait aussitôt.
Quand la tension retomba après que ma compagne m'eut littéralement vidé, mes doigts reprirent leurs va-et-vient en massant la paroi supérieure du « canal des naissances ». J'accélérai mon pistonnage. Ingrid tremblait de tout son corps, faisant son point fixe en criant, et d'un seul coup elle lâcha les freins pour partir dans un décollage, comme propulsée par une catapulte de porte-avions. Dans l'intensité de son orgasme, elle se vidait sur mes doigts, et je reçus plusieurs jets de cyprine sur mon visage, totalement trempé. C'est à ce moment-là que d'une voix presque inaudible elle me supplia :
— Arrête, mon amour. Je n'en peux plus… Tu es en train de me tuer ! Ich lieeeeebe Dich!
Je retirai mes doigts de son vagin. Ma verge pendait inerte entre mes jambes. Ingrid était allongée, les yeux fermés, la tête toujours entre mes cuisses. Elle gisait là sans bouger, comme une poupée de cire. Son visage blafard avait pris une teinte cireuse. Un sentiment d'inquiétude m'envahit soudain car jamais au cours de ma vie je n'avais retrouvé ma partenaire dans cet état après une séance d'amour intensif. Je me redressai dans le lit, m'approchai d'elle, et posai mes lèvres sur les siennes. Aucune réaction. Je ne percevais même plus son souffle, et pourtant elle respirait. Ses seins se soulevaient discrètement. J'allai dans la salle de bain et saisis une serviette que je mouillai et que je lui apportai afin de la poser sur son front. Une minute plus tard – je ne sais plus vraiment – elle ouvrit les yeux et me tendit ses bras. Je la levai pour l'allonger confortablement sur le lit et lui mis deux oreillers sous la nuque ; je ne savais plus quoi faire. Devais-je appeler un médecin ? Au moment de saisir le téléphone, je l'entendis me dire d'une voix de petite fille :
— C'est bon, ne t'inquiète pas, Liebling… c'est en train de passer.
Je m'assis à son chevet face à elle pour lui tamponner le front, les tempes et la poitrine. Sous l'effet de la fraîcheur de la serviette mouillée, la granulation de ses aréoles prit du volume et ses tétons me parurent plus longs et durs. Les couleurs revenaient sur son visage. Elle me tendit ses bras et me demanda :
— Viens, chéri. Viens dans mes bras, mon homme. Pardonne-moi de t'avoir effrayé : je n'ai jamais eu un orgasme aussi intense de ma vie, je n'ai jamais joui autant de fois d'affilée dans un si court laps de temps.
J'étais allongé à ses côtés, la tête sur sa poitrine. J'entendais battre son cœur fortement mais il me semblait qu'il avait retrouvé son rythme normal. Je ne sais plus combien de temps nous restâmes ainsi enlacés ; le sommeil commençait à prendre le pouvoir sur moi. Ce fut Ingrid qui me rappela à la réalité lorsqu'elle se leva pour aller dans la salle de bain. Je remarquai qu'elle marchait normalement : ce n'était qu'un malaise vagal dû à une excitation extrême. En soi, ce n'était pas très grave, mais c'était à surveiller. Elle sortit de la salle de bain avec un linge mouillé et se mit à me nettoyer le visage. Les poils de ma barbe et de ma moustache étaient collés les uns aux autres par la cyprine qui avait séché. Une fois terminé ce brin de toilette, elle revint au lit pour s'allonger sous la couette à mes côtés. Elle posa une cuisse sur la mienne, colla son bassin à ma hanche et passa un bras en travers de mon torse. Puis, la tête dans le creux de mon épaule, elle me fit un bisou et me dit comme si rien ne s'était passé :
— Gute Nacht, mon amour. Repose-toi car demain tu vas avoir droit au simulateur, et les instructeurs vont à coup sûr essayer de te tendre des peaux de bananes.
Je l'embrassai moi aussi et éteignis la lampe de chevet.
J'entendais les oiseaux chanter. Au loin, un coucou annonçait qu'il avait réussi à squatter un nid après avoir viré les œufs qui s'y trouvaient. Tous ces bruits de la nature arrivaient de plus en plus fort dans mes oreilles. J'ouvris les yeux et, par habitude, je regardai l'heure sur mon téléphone portable : il était six heures et demie. Lorsque je passai mon doigt sur l'écran, les chants d'oiseaux disparurent.
À mes côtés Ingrid dormait. Même en dormant, elle était d'une beauté effarante. Durant la nuit, elle avait changé de position : à présent elle me tournait le dos, tendant généreusement ses fesses dans ma direction. Je me rapprochai et me collai à elle en passant mon bras par-dessus sa poitrine. Je ne bougeai pas car je ne voulais surtout pas la réveiller. Je me mis rapidement à bander, mais bizarrement ce matin-là je n'éprouvais pas le besoin de faire l'amour malgré le manche de pioche qui avait grandi au-dessus de mes bourses : rien que sentir la douce chaleur que dégageait son corps me suffisait.
Je ne saurais dire combien de temps je gardai cette position, immobile, raide comme un garde d'empire, jusqu'au moment où ma compagne bougea son bras, passa sa main entre ses cuisses derrière elle et se saisit de ma verge.
— Bonjour, toi ! me dit-elle en tournant la tête pour me tendre ses lèvres. J'aime ta façon de me dire bonjour, continua-t-elle en commençant à mouvoir sa main sur ma colonne de chair. Il a bien dormi, mon homme d'amour ?
— Bonjour mon cœur ! Comment te sens-tu ce matin ?
— Un peu lessivée… mais prête à recommencer, quand mon chéri le voudra.
— Ton chéri, justement, le voudrait bien, mais… regarde l'heure. Ce matin, il a beaucoup à faire.
— Tu as raison, Liebling, on aura le temps. Tu veux prendre un café avant de partir ? Dans le coin cuisine, j'ai vu qu'il y avait une machine à café. Hier j'ai acheté des dosettes.
— Merci ; excellente idée. Je file vite me passer le rasoir et prendre une douche, et j'arrive.
La douche me redonna de la vigueur comme si elle était le chargeur de mes batteries internes. Je ne mis pas longtemps pour terminer ma toilette, enfiler mon uniforme, et après avoir dégusté mon premier café de la journée et embrassé amoureusement celle que j'aimais, je regagnai la réception où m'attendait mon copilote, Erwin.
Lorsque nous arrivâmes dans la salle des simulateurs, nous étions les seuls stagiaires. La porte du module B738 était ouverte. Un ingénieur, le formateur et une PNC (Personnel Navigant Commercial, plus connu sous l'appellation générique d'hôtesse de l'air) étaient déjà à l'intérieur. Les écrans simulant le pare-brise et les baies latérales étaient allumés ; ils représentaient la zone de stationnement générale de l'aéroport de Francfort. On se serra la main à la ronde et le formateur prit la parole :
— Bonjour, Commandant. Bonjour, Capitaine. Le staff de mise à jour sur Boeing 737-800 vous souhaite la bienvenue sur le module Bravo 738. Que chacun prenne la place qui lui est propre à bord de l'aéronef qui lui est assigné.
Je posai ma casquette sur l'étagère, accrochai ma veste dans le coin penderie et allai prendre place sur le siège de gauche. Erwin fit de même, mais sur le fauteuil de droite. Pour nous, rien n'avait changé à ce niveau. Les sièges étaient les mêmes que sur le 737-400, quoique je trouvai que l'amplitude de déplacement avant/arrière était légèrement supérieure ; enfin, ce fut l'impression que j'eus. Une fois confortablement assis, je passai ma main sur le côté droit de l'assise pour appuyer sur le bouton qui réglait l'avancée du siège en fonction de la longueur de mes jambes : il était primordial pour le confort lors des manœuvres que je puisse actionner les palonniers sans effort.
Le formateur reprit la parole :
— Comme vous avez pu le constater, l'environnement du poste de conduite est identique au type d'appareil dont vous aviez le commandement auparavant, à part la largeur du cockpit où vous avez plus de place. Une cabine de repos a été prévue par le constructeur car cet appareil est conditionné pour les parcours grands/moyens courriers. Il est important que les officiers de conduite puissent se reposer. Il existe neuf modèles de 737 répartis sur trois générations. Les modèles originaux sont des 737-100 et 200. Les classiques sont le 737-300, le 737-400 et le 737-500. Enfin, la nouvelle génération concerne le 737-600, le 737-700, le 737-800 et le 737-900. Comme vous le savez sans aucun doute, le 737-800 est un appareil de nouvelle génération (737 NG) équipé de réacteurs CFM56-7B et d'un cockpit ultramoderne entièrement numérique. Déjà plus de 1 200 appareils de cette génération ont été produits. Le pilotage a été totalement automatisé, mais pour les pilotes ayant l'habitude de conduite « semi-automatique » comme vous, Commandant Paradis, cette modalité de pilotage a été conservée. Donc à ce niveau, vous ne trouverez aucun changement. Vous ne serez pas dépaysé.
Il attendit une remarque de ma part, qui ne vint pas. Alors il poursuivit :
— Notre compagnie a mis en service son premier Boeing 737 en 1967, et depuis, malgré la diversité de ses appareils sillonnant les espaces aériens mondiaux, Lufthansa est resté fidèle à la marque Boeing. Cet appareil a une longueur de 39,5 mètres, donc 60 centimètres de plus que le 400 – ce qui n'est pas énorme – mais il est plus large : donc on comprendra que la modification structurelle se situe surtout dans sa largeur. Par contre on notera que son envergure est supérieure de 6,90 mètres à celle du 400 qui, comme vous le savez, mesure 28,90 mètres. Vous noterez également que vous avez un poste de pilotage plus haut que celui du 400, le 800 NG étant plus haut de 1,20 mètre. Cette augmentation de hauteur de l'appareil est répartie entre la partie pax (passagers) et la partie cargo (fret). Ces infos sont données uniquement à titre informatif ; elles ne changent en rien les procédures flight/take-off/landing. Par contre, les informations que je vais vous délivrer à présent ont une grande incidence sur le FTL. En effet, si sur le 734 vous aviez un poids maximum au décollage de 63 tonnes, sur le 738 vous avez 75 tonnes, ce qui vous fait une différence de 12 tonnes. Vous noterez que le carburant emporté est augmenté de 17 360 litres, car si avec 23 170 litres de kérosène vous faisiez le plein avec le 734, avec le 738 NG vous chargez 40 530 litres, soit 17 360 litres de plus, donc 12 tonnes. Voilà d'où viennent ces 12 tonnes de plus que vous aurez à gérer au décollage.
Nouvelle interruption du formateur avant de poursuivre :
— Au niveau des pax, en version charter votre capacité maximale sera de 43 pax supplémentaires tandis qu'en version line ce sera seulement 10 pax en plus. Mais n'oubliez pas que vous devez, comme pour le 734, tenir compte du coefficient 20 par pax : à ce niveau, rien n'a changé. La nouveauté réside dans la motorisation. Le 738 a hérité de deux turboréacteurs CFM56-7 qui sont moins polluants que les CFM56-3B-2 ou les derniers Pratt & Whitney. Ils sont moins gourmands, mais ils sont plus rapides. Le 400 avait une vitesse de croisière maxi de Mach 0,74 alors que le 800 frise Mach 0,785. La vitesse maximale autorisée par le fabricant est Mach 0,82, soit 1 004 km/h au lieu des 913 autorisés sur le 400.
Il nous regarda et s'enquit :
— Avez-vous des questions ? De toute manière vous trouverez tous les détails dans votre trolley (mallette sur roulettes que tout commandant de bord a dans son appareil, qui lui permet de consulter toutes sortes d'informations au sujet des spécificités de l'aéronef sur lequel il est le seul maître à bord après Dieu). À présent on va vous donner un devoir d'école. Commandant, vous allez me programmer en semi-auto un vol d'ici EDDF pour Lübeck EDHL. Je vous laisse faire. Quant à vous, Cap'tain, vous faites la même chose car le temps venu vous recevrez votre quatrième ficelle et un commandement, alors nous anticipons. Vous tenez compte que vous transportez 150 passagers et que vous volez en mode économique. À vous de jouer !
Je passai les mains sous mon siège et sortis l'ordinateur portable relié directement au serveur de l'avion. Il était placé sur une sorte de tiroir monté sur rails. Arrivé en bout de course, on le montait à hauteur des genoux afin de pouvoir travailler plus confortablement. La cheffe de cabine s'approcha de nous pour demander :
— Désirez-vous un café, Commandant ?
— Oui, volontiers. Merci.
— Et vous, Cap'tain ?
— Pareil pour moi. Merci ! répondit Erwin.
L'ordinateur allumé, je me connectai au WorldFlightRoute de l'IATA qui fournissait un programme informatique permettant aux pilotes de calculer leur plan de vol, ce qui n'est qu'un plan d'itinéraire passant par des points obligatoires assujettis à l'altitude d'exploitation.
Rapidement, le calculateur informatique me donna la route à suivre obligatoirement : EDDF SID, TOBAK, Z10, GISEM, N850, ROBEG, L980, SAS, P605, NOLGO, FIX5, STAR EDHL, soit 50 minutes de vol à une altitude donnée pour une consommation de 1,6 tonne de pétrole. La distance à parcourir était de 247 milles nautiques à l'altitude de 11 000 pieds à une vitesse moyenne de 850 km/h. Je confirmai mon acceptation. Erwin me passa une feuille sur laquelle il avait tracé son itinéraire ; il concordait à 100% avec le mien. Nous allions donc passer en phase de pré-décollage.
— Tu es prêt ?
— Roger! me répondit Erwin.
— Tu te prépares pour programmation semi-auto Nav.
— OK.
Je syntonisai la fréquence de la tour de Francfort et appelai :
— Delta Alpha Lima Hotel Fox pour Frankfurter tower ; bonjour Monsieur.
— Frankfurt tower pour Hotel Fox, bonjour.
— Hotel Fox sur le parking général Alpha Charlie avec Papa Delta Victor déposé pour vol India Fox Romeo to Echo Delta Hotel Lima.
— Hotel Fox, votre Papa Delta Victor : altitude 5000 pieds / take-off piste 030 par accès Sierra, X-ray, Bravo / transpondeur 2987 / altimètre 29.92. Rappelez pour repoussage.
— Frankfurt tower de Hotel Fox, collationne : altitude 5 000 pieds / take-off piste 030 par accès Sierra, X-ray, Bravo / transpondeur 2987 / altimètre 29.92. Rappelons pour repoussage. Over
Je poussai le sélecteur intercom placé sur le bec droit de la « bête à cornes » en position « cockpit » et appelai :
— Prêt pour check-list primaire, Erwin ?
— Prêt.
— OK. Generator.
— On.
— APU generator.
— On.
— Panel.
— On.
— Anti ice wing L.
— On.
— Anti ice wing R.
— On.
— Landing light.
— On.
— Hydro pump.
— On.
— Throttle.
— 10%.
— Ignit L.
— Start.
— Programmation autopilot.
— Ready.
— Alt 5000.
— 5000 Alt.
— AVS 1300.
— 1300 AVS.
— Run altim.
— Green OK.
— Heading 330.
— 330 HDG.
— Run HDG.
— IAS 250.
— 250 speed.
— FD on.
— On FD.
— Course 340.
— 340 course.
— Oïl temp.
— Temp oil 85°C.
— Ignit R.
— Start.
— Engine pressure L.
— N1 10%.
— Engine pressure R.
— N1 10%.
— Taxi.
— On.
— Selector L.
— Flight.
— Selector R.
— Flight.
— Logo.
— On.
— Strobe.
— On.
— Anticollision.
— On.
— No smoking.
— On.
— Fasten belts.
— On.
— Gear.
— Out and closed.
— Flaps.
— 5.
— Checklist closure.
Après avoir coché les cases sur le formulaire check-list, j'y apposai ma signature et passai les feuillets à Erwin pour qu'il les signe et les place dans le trolley.
Nous étions parés pour le roulage. La cheffe de cabine nous apporta du café. Je la remerciai de mon plus beau sourire, auquel elle répondit par un masque de cire impassible. La quarantaine ; elle devait refuser d'accepter les quelques rides qui commençaient à apparaître aux commissures de ses lèvres. Sur sa poitrine, une plaque d'identité métallique bleu marine sur laquelle s'inscrivait en lettres d'or son prénom : Veronika. À mon retour, il faudrait que je demande à Ingrid si elle la connaissait.
Le moment était arrivé de nous positionner sur la piste 030 pour décoller.
Je demandai à Erwin de s'occuper des communications radio tandis que je m'occuperais du décollage. On reçut le feu vert pour le repoussage. Un repousseur (tracteur pourvu d'une perche à sa proue) avança jusqu'à nous et saisit notre béquille directionnelle dans sa fourchette ; son conducteur nous fit signe de la main avec le poing fermé. On le voyait nettement à travers le pare-brise : la netteté des images était époustouflante ! La simulation était d'un tel niveau de réalisme que lorsque le repousseur nous avait accrochés, la cabine avait répercuté la secousse.
Je desserrai les freins de parking et levai ma main avec le pouce en l'air ; je sentis alors la cabine vibrer. Sur la piste, tout le décor (chariots à bagages, autres avions, personnel de piste…) paraissait s'éloigner. La sensation de reculer était réelle. Une fois dégagés de notre place de parking, je poussai simultanément les deux manettes de quelques millimètres. L'augmentation du régime des réacteurs se fit entendre, et quelques secondes plus tard j'eus l'impression d'avancer.
— N1 à 12%, commandai-je à mon copilote.
Sans un mot, réagissant au quart de tour, il poussa les manettes légèrement en avant. Sur l'écran des moteurs, les deux diagrammes circulaires bougèrent et s'arrêtèrent au moment où l'aguille de l'indicateur de poussée atteignit le 12. L'avion prenait de la vitesse. Afin de ne pas dépasser les trois nœuds règlementaires en roulage, je commandai :
— N1 à 11%.
Erwin réagit en conséquence. Au sol, une pancarte jaune indiquait la lettre S comme Sierra. À l'aide du petit volant situé sur la console à ma gauche je positionnai l'appareil sur la ligne jaune médiane et on continua ainsi, utilisant les bretelles X pour X-ray et B pour Bravo jusqu'à atteindre la piste 030 indiquée en lettres blanches sur un panneau peint en rouge. Je m'arrêtai sur la ligne qui signalait l'entrée sur la piste. Sans que je dise un seul mot, j'entendis dans mon casque mon copilote demander l'autorisation de pénétrer sur la piste. L'autorisation reçue, je poussai légèrement les manettes des gaz, et lorsque je sentis l'appareil avancer je les reculai à la position où elles étaient précédemment. L'appareil avança jusqu'à la zone zébra.
— Cap ? demandai-je.
— 030 initial.
— Maintien altitude ?
— Enclenché, me répondait Erwin.
— Heading ?
— Enclenché.
— Vario ?
— Sur 1 00.
— Demande autorisation décollage.
Quelques secondes plus tard, la tour nous autorisait le take-off en IFR à destination du nord de l'Allemagne, pour la ville franche hanséatique de Lübeck. Je poussai les manettes des gaz sur 50% tout en surveillant les cadrans des moteurs. Lorsque les deux indicateurs se stabilisèrent, je poussai les manettes à fond et desserrai les freins. Les turboréacteurs se mirent à siffler en montant de plus en plus en régime. L'appareil roulait en prenant de la vitesse. On ressentait sous nos sièges les vibrations des roues passant les joints des plaques de béton qui recouvraient la piste, ce qui nous donnait l'impression de nous trouver dans un train, tellement le staccato des roues était régulier : tacata… tacata… tacata. Mon regard ne quittait pas la piste. De sa voix professionnelle, Erwin égrenait :
— 120… 140… V1… 160. V2. Rotation.
Lorsque je tirai à moi la « bête à cornes », je sentis mon siège partir légèrement en arrière, tout comme dans un vol réel. Par ma vitre latérale gauche je voyais le sol s'enfoncer. Un coup d'œil sur le vario me rassura : on grimpait à 1 300 pieds/minute.
— Gear.
— Landing gear retracted and locked.
En effet, j'entendis un chuintement hydraulique suivi d'un claquement. Sur le tableau de bord, au-dessus du levier de commande de manœuvre du train d'atterrissage, les trois lampes vertes avaient viré au rouge.
— Flaps zero.
— Flaps retracted.
— AP.
— Alfa Papa engaged.
— IAS.
— IAS engaged.
— Procédure décollage terminée ? demandai-je.
— Affirmatif. Je confirme procédure décollage terminée. R.A.S.
L'avion était cabré à 30° ; le variomètre attestait qu'il tenait ses 1300 pieds/minute. Le badin indiquait 250 nœuds, la vitesse maximale autorisée en dessous de 10 000 pieds.
— Tu prends la veille, Erwin.
— Roger.
— C'est ton avion.
— C'est mon avion.
Cette façon de passer les consignes paraît quelques peu désuète, mais il ne faut surtout pas oublier que chaque mot échangé, chaque bruit dans le poste de pilotage est enregistré dans la boîte noire (qui en réalité n'est pas noire mais orange). Le décollage s'était passé sans problème. Grâce à la puissance des moteurs, supérieure aux CFM56-3B-2 qui équipent les 737-400, il ne me fallut pas plus de longueur de piste pour l'arracher à l'attraction terrestre bien que la simulation avait été réglée à charge maximale.
En arrivant au-dessus de Hambourg, je reçus l'autorisation de descendre au niveau 050, c'est-à-dire 5 000 pieds.
Une dizaine de milles avant la balise VOR de Lübeck, le vacarme d'un klaxon tonitruant envahit la cabine : sur la planche de bord, la lumière rouge de l'alarme incendie sur le réacteur droit clignotait à toute vitesse. La pression N1 droit s'était soudainement emballée, et la température avait atteint la ligne rouge. Par la baie droite de la cabine on apercevait une épaisse fumée noire s'échapper du réacteur. Je commandai :
— Coupure urgence réacteur droit.
Erwin descendit à zéro la manette des gaz et coupa l'admission de kérosène. Des flammes rouges, presque marron, sortaient de la tuyère.
— Envoyez l'extincteur moteur droit.
— Extincteur moteur droit engagé.
— Moteur gauche, 50% de N1.
— N1 gauche 50%.
Je changeai de position le sélecteur intercom et appelai :
— Cheffe cabine, dans le cockpit. Maintenant !
Derrière moi, la porte de la cabine émit un gong signalant son déverrouillage électronique ; la cheffe de cabine apparut sur ma droite.
— Je vais parler aux passager, annonçai-je. Vous gérez en fonction en cas de panique. Vous tranquillisez les pax en les informant que l'on est en phase d'approche et qu'il n'y a aucun danger.
— Qu'est-ce qu'il se passe, Commandant ?
— Nous avons le moteur droit qui a dû se gober des volatiles et a pris feu. L'incendie est circonscrit et nous allons atterrir sur un moteur d'ici un quart d'heure. Mise en place sécurité passagers Échelon 5 pour atterrissage d'urgence. Vous savez faire. Bon courage !
— À vos ordres, Commandant.
Dès sa sortie du cockpit, j'entendis la voix commerciale, calme et posée de la cheffe de cabine annoncer :
— Mesdames et Messieurs, le commandant Paradis va s'adresser à vous dans quelques instants. Nous avons une anomalie sur un moteur, qui a été résolue. Nous vous demandons de redresser vos sièges et de garder vos ceintures bouclées, d'enlever vos lunettes et de ne plus bouger de vos places. Tout l'équipage du Stadt Stuttgart vous remercie pour votre collaboration.
Aussitôt après j'annonçai dans mon micro :
— Mesdames et Messieurs, c'est le commandant qui vous parle. Certains d'entre vous ont certainement aperçu une fumée noire sortir de dessous l'aile droite de l'appareil. Je vous demande de rester calmes et de suivre à la lettre les consignes du personnel de bord. Il n'y a rien de grave : juste quelques volatiles qui n'ont pas voulu attendre d'être au sol pour se faire rôtir. D'ici un quart d'heure nous serons à Lübeck et vous aurez de quoi raconter à vos familles. N'oubliez pas que vous volez avec la reine des airs : la Lufthansa. Merci de votre attention.
Je m'adressai ensuite au copilote :
— Rapport !
— Augmenté le régime du moteur gauche à 50% du N1, réglé le compensateur Lima. Vol rectiligne. Altitude 5 000. Nous approchons de la VOR de Lübeck.
— Merci. Connectez-moi à la tour de Lübeck.
— La fréquence est syntonisée ; c'est quand vous voudrez, Commandant.
Je réglai le sélecteur sur la position « radio » et appelai :
— Lübeck tower pour Delta Alpha Lima Hotel Fox en approche. Mayday, Mayday, Mayday.
— Delta Alpha Lima Hotel Fox de Lübeck tower, on vous a sur le radar.
— Lübeck tower : incendie maîtrisé sur moteur droit. Moteur droit arrêté et isolé. Arrivons sur un seul moteur. De Delta Alpha Lima Hotel Fox.
— Delta Alpha Lima Hotel Fox, descendez niveau 035 en approche directe ILS sur 030, de Lübeck tower.
— Roger, Lübeck, de Delta Alpha Lima Hotel Fox. Terminé.
La petite lumière indiquant que l'ILS était capté s'alluma sur l'écran multifonctions principal. Il se trouvait tout en haut à gauche. Donc de ce côté tout allait bien.
— Autopilot sur AP.
— AP green, Commandant.
L'appareil se laissait guider en direction comme en altitude jusqu'au moment où… mais n'anticipons pas. Ne pas confondre vitesse et précipitation. Dans le transport aérien, c'est mortel.
— Impact ILS en position, Commandant.
— Altitude ?
— 3 500 pieds.
— Approche automatique enclenchée.
— Temp. du moteur droit ?
— 10° Celsius, Commandant.
— Merci. Tenez-vous prêt pour le toucher.
— Je suis prêt, Commandant.
— IAS deux, un, zéro.
— Deux, un, zéro pour l'IAS.
L'appareil ralentit : de 250 nœuds il passa à 210. J'actionnai brièvement le bouton commandant les spoilers et vis sur le badin les chiffres défiler à toute vitesse. J'appuyai sur la commande fermant les aérofreins ; la vitesse se stabilisa et l'assiette également.
— Altitude 3,5, double zéro. En finale, Commandant.
— Roger.
— IAS stable à deux, un, zéro, Commandant.
— Roger.
— L'ILS a pris la main ; nous commençons à descendre à mille pieds/minute au variomètre, Commandant.
— Roger.
J'augmentai le zoom de l'écran radar et surveillai la progression de l'appareil. Dans mon casque radio j'entendais Erwin confirmer notre prochaine arrivée à Lübeck Control. On nous affecta la piste 30 en urgence absolue.
Au loin à l'horizon, droit devant moi j'apercevais une minuscule lumière rouge. Si je ne me trompais pas, ce devait être le PAPI de la 30. Je laissai l'appareil se faire guider par l'ILS ; je n'étais là que pour surveiller et apporter des corrections si le besoin s'en faisait sentir.
Les lumières bicolores du PAPI se laissaient bien voir à présent. Le badin accusait 210 nœuds.
— IAS un, six, zéro.
— Un six zéro.
Je fixais les chiffres du vario ; ils descendirent pour s'arrêter à 1 000 pieds/minute. Tout me paraissait normal. L'altimètre guidé par l'ordinateur de bord venait d'atteindre 2 500 pieds. Le PAPI m'envoyait deux rouges et deux jaunes, m'annonçant ainsi que j'étais sur le bon angle de descente.
— IAS 1, 2, 0.
— 1, 2, 0.
— Gear out.
— Train sorti et verrouillé, Commandant.
— Flaps sur 3.
— Flaps sur 3, Commandant.
J'étais à présent en alerte car je me préparais à atterrir sans savoir comment allait se comporter cet appareil, surtout avec un seul souffleur. Devant moi la piste approchait trop rapidement à mon goût. Je décidai en urgence :
— Autopilot out.
— Autopilot disengaged.
Je posai ma main sur la manette des gaz pour les réduire un tant soit peu ; il me fallait les surveiller pour éviter – surtout à ce niveau-là – de nous retrouver en décrochage.
— Flaps 10.
— Flaps maximum, Commandant.
L'avion se trouvait à 90 mètres au-dessus de la piste. À 50 mètres je tirai à moi la « bête à cornes » et effectuai un parfait arrondi. Je relevai un peu le nez tout en descendant la valeur de N1. Le badin accusait encore 100 nœuds. J'apercevais devant moi le zébra indiquant le début de piste, puis ce fut une légère secousse : mes roues avaient touché le sol.
— Reverse.
— Reverse engaged.
Le bruit du réacteur changea du tout au tout. Le ronronnement auquel on s'était habitués durant la croisière avait laissé place à un sifflement. J'avais posé l'appareil sur la piste, mais… il avait tendance à virer sur la droite ! Je compensai en me servant du palonnier gauche pour le remettre en droite ligne.
— 9,0, Commandant… 8,0, Commandant.
— Reverse disengaged, ordonnai-je.
— Reverse out.
— N1 zéro.
— Zéro pour N1.
— Landing brakes full engaged.
— Landing brakes full engaged.
J'apercevais sur les deux côtés de la piste des camions de pompiers nous escorter ainsi que des ambulances frappées de la croix de Malte. Le badin descendait normalement. Devant moi, encore la moitié de la longueur de piste. L'avion s'arrêta et tous les écrans devinrent noirs ; l'ingénieur venait de les éteindre. La mission était terminée. L'heure de vérité avait sonné.
Le formateur s'approcha de nous et demanda :
— Vos impressions, Commandant ?
— Très bonnes ; il faut uniquement s'habituer au Papa Victor Delta (Poids Vitesse Distance). Je pense que si on met en place les paramètres les plus hauts, on limitera les risques de nous retrouver trop courts.
— Comment croyez-vous que vous étiez pour le premier vol en simulation : court, normal ou long ?
— J'ai l'impression que j'étais dans la normale.
— Vous avez bien géré et maîtrisé l'incendie du moteur droit.
— Une seule inconnue pour moi : je ne savais pas du tout comment l'appareil allait réagir.
— On va regarder votre arrivée vue de la tour.
L'ingénieur diffusa la vidéo de mon arrivée sur le grand écran courbé du pare-brise. On voyait le Boeing arriver avec un taux de descente légèrement supérieur à celui indiqué dans le manuel. Puis on vit la piste approcher, l'arrondi, et le train principal sous les ailes toucher juste la fin du marquage zébra. La vidéo se coupa et l'instructeur commenta :
— Je suis incapable de porter un jugement sur l'atterrissage, car soit il est dû à la dextérité, le feeling et l'expérience du pilote, ou alors le facteur chance s'est inclus dans l'affaire. En attendant, l'atterrissage a été parfait et réalisé lors d'un premier vol, surtout si l'on tient compte du stress occasionné par le lâchage du moteur droit. C'est rare, mais on le voit, pas impossible. Je ne doute pas un seul instant qu'au prochain vol vous entendrez les applaudissements des passagers pour votre kiss landing ; je dirais même que vous auriez dû l'entendre ! Il va falloir qu'on l'enregistre dans la procédure. Félicitations, Commandant. On se revoit après-demain matin pour le briefing d'un vol où vous serez avantagé puisque vous connaissez la ligne comme votre poche. Il s'agit d'un vol réel pour la Condor avec votre crew : Frankfurt-Fuerteventura, avec 162 pax à bord. Et retour avec 145 pax direct pour Frankfort le surlendemain soir. Vous décollerez à 11:30 Zoulou.
— C'est noté ! Quel est le programme pour demain, Monsieur ?
— Demain, je vous conseille d'aller voir ces dames du PNC pour leur formation « crash et évacuation » ; je suis certain que votre équipage sera rassuré de vous voir présent. Dites-leur de se préparer pour jeudi.
— Excellente idée. Merci.
On serra la main à tout le monde. La cheffe de cabine avait la main glacée, molle comme un mollusque. À part les huîtres, les escargots et les moules, je n'aime pas les mollusques !
Durant le trajet du retour, Erwin semblait tout guilleret.
— On a géré comme des chefs, « patron » !
— Quand on est bien secondé, pas de problème ; tout est plus facile. Je sens que dans moins de six mois tu vas attraper ta quatrième ficelle.
— Merci, Commandant ! Pour un cadeau, c'est vraiment un cadeau de nous envoyer sur Fuerteventura pour l'examen final. J'espère que cette fois-ci on sera tout l'équipage avec vous logés à l'hôtel Barcelo Playa.
— Ne te fais pas trop d'illusions : on va arriver vers les 17 heures, et nous repartirons à la relève d'un autre équipage 48 heures plus tard. Par contre, si on veut fainéanter dans sa chambre et se rafraîchir dans la piscine, alors ce ne sera pas désagréable ; encore faut-il que la compagnie soit bonne…
— Pour vous, c'est réglé, Commandant : vous aurez la « cheffe ».
— Et toi avec Renate… vous en êtes où ?
— Ça y est, on est ensemble, Renate et moi. À notre retour de formation elle va emménager chez moi. J'espère que ça ne causera pas de problèmes à bord.
— Du moment que votre relation n'empiète pas sur la discipline et le bon déroulement du travail à bord, il n'y a aucune raison. Ce soir je vais appeler la femme de mon pote, la DRH des PN, et je vais lui dire de mettre Renate avec toi dans le même bungalow : ça fera des économies pour la Geselschaft.
— Vous pensez bien qu'elle sera d'accord !
— Bien entendu ; elle va sauter au plafond quand je lui apprendrai la nouvelle ce soir.
Aussitôt arrivés dans notre suite, j'appelai le service du personnel navigant. Je tombai sur la secrétaire d'Helena. Bien entendu, je m'adressai à elle en allemand :
— Hallo! Bonjour Madame. Ici le commandant Paradis.
— …
— Oui, Adam Paradis. Soyez gentille, passez-moi Helena s'il vous plaît.
Au bout de deux secondes la DRH répondit :
— Hallo Adam, Guten Tag. Quoi de neuf ?
— J'ai fait aujourd'hui mon premier Sim, et après-demain…
— Ja! J'en ai entendu parler ici dans l'Abteilung (département). Mes félicitations… Et Ingrid, ça va vous deux ?
— Comme des jeunes mariés.
— J'en suis vraiment heureuse. C'est une personne très bien, et vous allez vraiment bien ensemble. Que désirais-tu ?
— Je viens d'apprendre que pour l'examen final on a un plan de vol sur GCFV avec retour samedi en début d'après-midi en relève. Te serait-il possible de mettre tout la crew au Barcelo Beach Playa, à Caleta de Fuste ?
— Pas de problème, je leur téléphone. Autre chose ?
— Oui, s'il te plaît : tu mets Renate Müller avec le copilote, si tu peux.
— Ah bon ?… Eux aussi se sont mis en couple ?
— Oui, depuis deux jours.
— J'espère que ça ne causera aucun problème social à bord entre vous.
— Je gère !
— Je te fais confiance.
— Okay, je dirai à ma chérie de régler les détails avec toi ce soir ; à savoir que l'on sera de retour des Canaries samedi soir.
— Oui. En plus, ça me fera plaisir de bavarder avec elle. Allez, Adam, je te laisse car je dois téléphoner au Barcelo. Schuss!