Chapitre 1

Quel que soit le vainqueur de ce duel, il emportera le prix. Et le prix, c'est moi.
Je suis Anne Isabelle Hulot de Tocqueville ; j'ai 20 ans, et mon père a promis au vainqueur de ce duel au pistolet que j'épouserais le survivant.

Il est cinq heures du matin. Dans le pré, au pied des tours du château de Tocqueville, les deux hommes se font les salutations polies d'usage. Il y a d'un côté Jean de La Ribaudière, un jeune homme de 25 ans, fils d'un gentilhomme du canton, marchand de soieries, riche mais sans noblesse. Jean me fait la cour depuis deux ans, sans que je cède à ses avances.
Il a fait sa demande officiellement il y a trois semaines de cela, et mon père a conclu que ce serait un beau parti.

La famille de La Ribaudière est fort riche, et le jeune prétendant… fort beau.
Je n'ai pas encore cédé à ses avances ; presque pas. En effet, il y a quelques jours, Jean et moi nous sommes retrouvés seuls lors d'une partie de chasse. Les chevaux, épuisés, se sont arrêtés près d'une grange, et sous prétexte de les laisser se reposer à l'ombre, Jean m'a proposé d'en faire autant sur les bottes de paille. Nous étions sagement assis l'un à côté de l'autre quand Jean m'a volé un baiser en me disant :

— J'en rêvais, ma mie ; et puis nous sommes presque mariés !

Faisant ma mijaurée, j'ai rougi et me suis reculée en lui disant :

— Presque…

Il a alors avancé sa main sur mon buste, caressant la peau fine de mon cou et la naissance de ma poitrine en ajoutant :

— Je rêve de vous chaque soir ; de votre peau si blanche, si fine et délicate…

Le beau Jean me pensait sûrement encore vierge. Même si je n'ai pas eu des dizaines d'amants, je ne suis pas ignorante de la chose.

Je saisis sa main et, à sa grande surprise, la fis glisser dans mon décolleté qui, bien que serré dans mon bustier, laissait mes seins accessibles.
Là, ce fut à son tour de rougir. Mais il ne retira pas sa main et caressa doucement le mamelon qui lui était si gentiment offert. Ne voulant pas rester sans réaction, je posai ma main sur son haut-de-chausses et commençai à flatter le membre qui y était emprisonné. Il marqua un temps d'arrêt et de surprise. Je flattai alors à pleine main son mandrin qui prit alors du volume dans sa culotte.

Ses mains se firent moins douces ; il emprisonnait maintenant mon sein dans sa main et le pressait fortement. Je sortis alors son membre – de belle taille – de son logement et le masturbai doucement. Ce qui devait arriver arriva : il éjacula en quelques secondes, se confondant en excuses. Dans un éclat de rire je remontai en selle et partis sans un mot de plus.

De l'autre côté du pré se tient le baron de Vrykolakas ; un vieil homme d'au moins 60 ans et qui est apparu dans notre comté il y a peu.
Ce noble baron est venu voir mon père, il y a trois jours, un soir après le souper. La nuit venait de tomber, et ma mère faisait ses ablutions tandis que mon père et moi devisions de choses et d'autres devant le foyer. Il a alors présenté ses titres et lettres de noblesse et fait sa demande d'épousailles comme il se doit. Dans un premier temps, mon père a argumenté que j'étais déjà promise à Jean de La Ribaudière ; puis, se ravisant, il a étudié sérieusement la demande du vieux baron.

Ma famille est de petite noblesse, et le baron a une fortune colossale.

Voyant que mon père hésitait, le baron a simplement proposé de régler le dilemme à la manière des hommes de bonne famille, c'est-à-dire en duel. Je n'ai, bien sûr, pas mon mot à dire dans cette affaire ; et ce, même si ma préférence va quand même au plus jeune des deux duellistes.

C'est ainsi que je suis ce matin de 1789, à l'aube, dans le pré à regarder deux hommes qui vont s'entre-tuer pour mes beaux yeux. Je suis confiante : Jean est un excellent chasseur, et il sait utiliser une arme de manière précise. Le baron, quant à lui, est âgé, donc sûrement moins rapide et précis.
Les deux hommes sont dos à dos et avancent chacun de quinze pas. Le laquais qui fait office de juge crie alors :

— Messieurs, c'est un duel au premier sang ; comportez vous en gentilshommes. Prenez vos armes et tournez-vous vers votre adversaire. À mon signal, vous ferez feu.

À côté de chacun des duellistes se tient un valet portant un coffret contenant deux armes. Chacun des protagonistes en choisit une et fait face à l'autre. Un poli signe de tête et l'on met en joue. Le laquais ordonne alors le feu. Les deux armes claquent ; un nuage de fumée blanche s'en échappe et j'observe les deux hommes : le vieil homme s'affaisse sur un genou. Il porte les mains à son abdomen.

Je m'avance vers Jean qui, fier de lui, me tend déjà les bras, mais un cri derrière nous m'arrête dans mon élan. Le laquais demande que l'on reprenne : en effet, le baron est debout et en pleine forme ; pas une trace de sang sur son habit.

Je recule donc à ma place et les deux hommes se saisissent du second pistolet. Ils ouvrent le feu, et je vois Jean tomber à la renverse dans le nuage de poudre. « Mon Dieu ! Il est mort ? » Je cours vers mon beau prétendant. Le sang coule à flots d'une blessure à l'épaule. Tandis que je m'agenouille auprès de lui, il me murmure :

— Il a gagné, ma douce ; je suis pourtant sûr de l'avoir touché à la poitrine au premier feu. Comment cela se peut-il ? Sachez que je vous aimerai pour l'éternité.

Je me redresse. Bien décidée à vérifier ses dires, je m'avance alors vers le vieux baron qui n'a pas bougé de son poste de tir. Je me jette sur lui et tambourine sur sa poitrine, les yeux pleins de sanglots.

— Vous avez tué mon aimé ! Vous êtes un monstre ! hurlé-je en pleurs.

L'homme reste de glace et me saisit les poignets pour que je cesse de le frapper.

— Non, belle enfant, il va vivre ; mais vous serez mon épouse.

Je m'effondre en pleurs. Il n'a pas une trace de blessure, et je prends conscience que je vais être donnée en pâture à ce vieil homme froid. Jusque là, j'avais pris tout cela un peu comme un jeu, insouciante et persuadée de la supériorité de la fougueuse jeunesse de Jean sur la vieille carcasse du baron.

Le jour commence à poindre, et dans la brume qui se dissipe l'homme âgé s'engouffre dans son carrosse, tire les rideaux noirs qui en occultent chaque fenêtre et fait un signe à son valet dans ma direction. Le serviteur s'approche de moi et dit :

— Monsieur le baron souhaite que vous soyez ce soir son invitée afin qu'il vous fasse sa cour. Venez, avec un chaperon comme il se doit, au château de Dissay pour le souper.

Je ne réponds rien, toujours en pleurs, cachée derrière mon mouchoir ; je ne veux pas donner à ce subordonné une image qui ne soit pas digne de mon rang.
Le laquais et le valet de Jean l'ont emmené dans sa voiture pour le conduire chez lui et le soigner. Sœur Radegonde – mon chaperon – jusque-là enfermée dans notre voiture, me rejoint. Elle me saisit aux épaules et m'accompagne à l'arrière de notre véhicule, me pousse à l'intérieur, et sans me dire un mot ordonne notre retour chez mon père.

La journée va être longue, et la soirée sûrement difficile. Mon père devrait être content pour sa part : le vieux baron a promis bien des richesses à ma famille afin qu'elle consente à ce mariage. Moi, je suis désespérée. Sœur Radegonde me dit alors :

— Rassurez-vous, mon enfant, l'homme me semble vieux : vous n'aurez pas à le subir très longtemps. Et puis il est riche ; vous serez surement comblée. Pour ce qui est des… choses, il ne doit plus être très vert, et ce ne sera qu'un moment à passer…

Son discours est un peu surprenant, mais elle est auprès de moi depuis si longtemps que nous nous connaissons bien et qu'elle sait tout de moi. Y compris mon manque de sagesse pour… les choses.

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