On ne va pas se mentir : il m'en faut beaucoup. Et puis j'aime varier les friandises, les parfums et les formes, et ça depuis si longtemps que j'ai oublié les premiers symptômes de ma boulimie.

Pourtant, je craquais tellement sur le goût de celui-là que j'ai tenté la mono-diète. Le genre de truc qui ne fonctionne pas longtemps, surtout si on oublie les épices ! Donc j'ai perdu l'appétit à force de manger toujours pareil. Le plat n'était jamais terminé, et pourtant je n'étais pas rassasiée. Il promettait de modifier les proportions, les ingrédients ou les cuissons, mais sa recette variait peu ; ça disait la facilité, le manque d'investissement, un côté « installés », « rangés »… Certes, c'était (c'est) toujours bon, mais corps frustré à attendre la « surprise du chef »…
Alors, évidemment, j'ai craqué, et comme un alcoolique qui replonge, je m'en suis mis jusqu'à ras bord !

Vous les hommes, vous mon drame
Vous ma came…
Homme, homme, homme, fais-moi langoureuse
Du spécial et du larmes aux yeux…

Mon drame, cet appétit qui me fait glapir l'exigence de mon plaisir, plus fort, bordel de merde !

Ils posent devant les miroirs des salles de muscu, mais faut jouer de la moquerie à remettre en cause leur puissance pour qu'ils se donnent au max. Petits joueurs susceptibles, les Hulk ! Plus fort, plus loin, t'arrête pas ! La poudre protéinée n'améliorait apparemment pas leur cardio…

Faut savoir, quoi : on n'est pas là pour les sentiments, et t'as voulu une « mature qui encaisse » ? Alors vas-y, j'encaisse – oh oui –, mais toi, donne, donne, donne, bordel, envoie du lourd, Mister T. ! Bim, bim, bim, du coup de reins qui claque, de la main qui empoigne, et quand tu fatigues, ma chevauchée me fera les abdos…

Je me fais peur, mais quand ils flanchent, je n'ai toujours pas mal au cul, ni aucune contracture… Légère, oui, même planante parfois, mais rien ne s'est encore imprimé dans ma chair et mes os. Et, vois tu, c'est ça que je recherche ! Ne plus pouvoir marcher après la joute cannibale, que chaque pas me rappelle un regard de dément, des mains assassines, le goût d'une sueur brûlante et acide, des bleus qui restent, des courbatures qui s'installent en durée, me sentir brisée, écartelée, déchirée…

Tous ces corps qui se posent sur le mien sans l'imprégner, qui le brûlent quelques secondes que je voudrais des heures… Pfffff… un p'tit tour et puis s'en va, manège attrape-gogo, et pourtant j'attrape le pompon et enchaîne les tours sans être étourdie…
Du fugace qui fait pschiiittt, du shoot à la descente instantanée, un vertige flash…
Alors, à défaut d'une onde de résonance qui me porterait longtemps, longtemps, j'accumule ces tourbillons éphémères, je superpose les tornades furtives, ces jouissances volatiles.

« Un système résonant peut accumuler une énergie si celle-ci est appliquée sous forme périodique, et proche d'une fréquence dite ‘‘ fréquence de résonance ’’. Soumis à une telle excitation, le système va être le siège d'oscillations de plus en plus importantes, jusqu'à atteindre un régime d'équilibre qui dépend des éléments dissipatifs du système, ou bien jusqu'à une rupture d'un composant du système. »

Je cherche celui qui me fera osciller jusqu'à la rupture.

Leurs témoignages sex-advisor diront de moi le volcan derrière l'allure sage. Je m'en amuse. Je me le joue d'abord discrète, cheveux gris relevés et lunettes intello, rassurante et bien élevée. Puis, soudain, quand ils ont déjà bien transpiré sur quelques boulimiques pressées, libérer ma tignasse et en choper un au cou, le bousculer sur le premier matelas venu et chanter à pleins poumons la chevauchée des Walkyries.
Yi ha ! Bonne maman ne fait plus dans la confiture, et elle va vous régaler, les gars !

Je cherche encore un ogre, mon ogre.
Celui qui saura amalgamer mon corps au sien. Celui qui me rendra aveugle à toutes les autres tentations de muscles ronds et brillants. Celui qui nourrira mon appétit monstrueux parce que le sien l'est encore davantage.
Nous saurons toujours nous surprendre de goûts encore inconnus, notre folie repoussant à chaque fois nos limites. Parce qu'on ne s'endormira jamais et que, d'instinct, nous combattrons tous deux l'habitude, le mécanique, le triste et le banal.

Surfer sur l'onde jusqu'à l'extase ultime.
« Soumise à une telle excitation, mon système sera le siège d'oscillations de plus en plus importantes… »

C'est cette faim-là, vois-tu, qui me rend vivante.