Déjeuner sur l'herbe
Sensuelle Émilie14/09/2020Concours d'écriture
Variations autour du « Déjeuner sur l'herbe »
Se soumettre à des contraintes – ou plutôt soumettre sa plume à diverses contraintes – voici un défi propre à mettre en appétit bien des auteurs amateurs (et un peu masochistes, il faut le reconnaître).
Un concours a été proposé sur un site de littérature érotique, avec pour thème Variations autour du Déjeuner sur l'herbe, une œuvre d'Édouard Manet. Comme l'avait précisé son initiateur, le but n'était pas de faire une analyse du tableau ni d'essayer de trouver ce qu'avait voulu exprimer le peintre : il s'agissait simplement d'une image sur laquelle il fallait s'appuyer pour construire une histoire.
Alors, ces fameuses contraintes, quelles étaient-elles ? Les voici :
– Le texte doit faire 1200 mots exactement.
– Phrase d'entame : « En ce bel après-midi d'été… »
– Mots à intégrer : neige, jalousie, myrtille, chatouilles, trésor. Dans cet ordre-là.
– Phrase finale : « … en ce bel après-midi d'été. »
Les résultats ont été proclamés, et – surprise ! – les trois premières marches du podium étaient squattées par des auteurs du Jardin d'Aphrodite ; toutefois, la troisième étant partagée (ex æquo) avec une nouvelle auteure encore inconnue de nous, Sensuelle Émilie, nous ne pouvions pas ignorer son talent ; c'est pourquoi nous l'avons invitée à venir cheminer en notre compagnie dans les allées de cet agréable jardin qui est le nôtre (hé, vous avez remarqué le jeu de mots « jardin / Le Nôtre » ?).
C'est donc quatre textes au lieu de trois que nous vous proposons, bien différents les uns des autres. Alors suivez-nous dans cette clairière ombragée pour y découvrir les visions champêtres de Charline88, Nathan Kari, Sensuelle Émilie, et Lioubov.
En ce bel après-midi d'été, je n'en peux plus de rester enfermée dans le noir chez moi. Je décide, malgré la chaleur, d'aller dans un parc en dehors de la ville. Son grand lac doit avoir attiré beaucoup de monde aujourd'hui. Mais je connais un petit coin, que personne n'irait fréquenter en pleine journée.
Je prends un petit chemin poussiéreux, peu fréquenté. Et dire qu'en février, j'avais de la neige jusqu'aux chevilles ici ! Mes pas me conduisent jusqu'à un petit étang entouré d'arbres. Trouvant un endroit confortable, je m'allonge pour profiter de la fraîcheur de l'ombre et de l'étang, et ferme les yeux.
— Eh oh ! Alice ! Vous rêvez ?
Une voix me tire de ma douce torpeur. J'ouvre les yeux, surprise. Je suis debout dans la petite clairière, en compagnie de deux hommes. Il me semble vaguement les connaître. L'homme en face de moi se met à rire et houspille mon voisin.
— Voyons, Louis, ne brusque pas ma chère épouse ! Elle est déjà assez déçue de perdre.
De perdre ? Je regarde mes mains : je tiens un jeu de cartes. Celles dudit Louis et de l'autre homme sont vides.
— Eh oui, Alice, vous avez encore le mistigri. Vous devez enlever… votre corset ! Voulez-vous que Paul vienne vous aider ? propose Louis.
Je suis abasourdie par ses paroles. Je baisse les yeux et me rends compte que je ne porte plus qu'un corset et un jupon. Je rougis brusquement. L'homme qui se dit être mon époux m'encourage gaiement. Je regarde désespérément autour de moi. Sur la berge de l'étang, une autre jeune femme, en jupons, trempe ses pieds dans l'eau fraîche.
— Je t'avais prévenue, Alice. Ne joue jamais aux cartes avec eux!
— Héloïse ! Tais-toi donc, sinon je vais te faire taire, moi ! crie Louis.
— Vas-y ! Fais-la donc taire ! l'exhorte Paul, mon mari.
Louis court vers Héloïse et, la prenant dans ses bras, la jette brutalement à l'eau. Lorsqu'Héloïse refait surface, elle frappe l'eau de ses poings, en colère, sous les rires des deux hommes. Elle rassemble son jupon et s'éloigne un peu de nous pour essorer son vêtement en maugréant. Louis revient s'asseoir et adresse un sourire goguenard à Paul.
— Mon vieux Paul, tu as de la chance d'avoir une épouse aussi charmante qu'Alice. Je ne suis pas gâté avec Héloïse…
— Je t'ai entendu ! Tu me le paieras ! crie-t-elle.
— La jalousie ne sied guère à votre joli minois, ma chère… lui lance Louis avec ironie.
— Tu as accepté les règles du jeu, Alice, confirme Paul.
Je suis surprise qu'il m'encourage à me dévêtir ainsi devant un autre homme, en extérieur en plus. Mais je ne commande pas ce corps. De bonne grâce, je pose les mains sur le tronc d'arbre, derrière moi. Je n'ai pas l'intention de lutter.
— Peut-être que l'un de vous aura la bonté de m'aider, alors… demandé-je avec un sourire mutin.
— Louis, je t'en prie.
Et en plus, mon mari invite un autre homme à me déshabiller. Louis bondit sur ses pieds, renversant le panier pique-nique et les quelques fruits qu'il contient. J'attends, avec une étrange impatience, les doigts habiles de Louis. Avec dextérité, il délace mon corset, me frôlant la peau par moments, m'arrachant un soupir de plaisir. Je sens alors mon jupon et mon corset glisser le long de mes jambes.
— Tournez-vous, Alice. Cessez de nous faire languir ! ordonne Louis.
Intimidée, je me tourne lentement, cachant ma poitrine et mon intimité des mains et vois les regards gourmands des deux hommes sur mon corps nu. Dans l'eau, j'entends Héloïse pouffer d'indignation. J'imagine qu'elle ne pensait pas que je jouerais le jeu jusqu'au bout.
— Montrez-vous, Alice.
Je me soumets à sa demande et baisse mes bras le long du corps, tout en détournant la tête. Je suis rouge de honte. Paul pose ses mains sur ma taille. Je tressaille à son contact. Mais non pas de peur. Non, c'est autre chose. Quelque chose que je n'ai jamais ressenti jusque-là. Comme si je goûtais au fruit interdit.
— C'est vrai que ta femme est magnifique, Paul.
Les mains de Paul caressent doucement ma peau, frôlant à peine ma poitrine. Ses lèvres déposent un léger baiser sur ma nuque. Comment Louis peut-il accepter que cet homme me touche ainsi ? Pourquoi Héloïse le tolère-t-elle ? Pour Louis, la réponse semble simple : c'est un pervers qui se délecte du spectacle. Son regard brûlant m'excite. Jusqu'où va-t-il jouer le jeu ?
— J'ai vu une chose extraordinaire à un banquet, la semaine passée, dit Paul en glissant ses mains sur mes hanches. Notre hôte a fait servir les canapés sur le corps nu d'une femme.
— Vraiment ? demande Louis en se redressant. Quelle bonne idée !
Encouragée par les deux hommes, titillée par cette idée, je me laisse guider par Paul et m'allonge sur mon jupon étalé au sol. Paul prend le panier pique-nique renversé et rassemble les fruits. Tournant la tête, je vois Héloïse qui s'appuie sur la berge, visiblement intéressée par ce qu'il se passe. Avec douceur, Paul prépare les fruits.
Sous le regard gourmand de Louis, il dépose d'abord une moitié d'abricot sur chacun de mes mamelons. La fraîcheur du fruit me fait frissonner.
— Ne bougez pas. Il ne doit pas tomber.
Puis viennent les fraises, dessinant une ligne jusqu'à mon nombril, les groseilles, juste sous mes seins, et le plus osé : des myrtilles juste entre mes lèvres. Je gémis en les sentant glisser.
— Hmm, appétissante… murmure Louis en se redressant.
De là où il est, il a une très belle vue sur mon intimité ainsi décorée.
— Je t'en prie, Paul. C'est ton idée : commence.
Sans se faire prier, Paul se penche vers moi et gobe une moitié d'abricot. Il lèche le jus du fruit autour de mon téton. Je ne peux réprimer un rire lorsque sa moustache me fait des chatouilles. Louis se précipite vers moi pour me tenir les jambes : un mouvement trop brusque et les fruits risquent de tomber. Encouragé par mes soupirs, Paul se penche sur moi pour gober le deuxième abricot. Il s'attarde sur mon téton, le suçant avec la force et l'envie d'un bébé affamé.
Louis m'écarte les jambes et se glisse jusqu'à mon petit trésor, comme il nomme mon intimité. Sa langue vient cueillir une à une les petites boules noires, m'arrachant un gémissement de plaisir à chacune de ses caresses indécentes. Ils dégustent un par un les différents fruits, et lorsqu'ils les terminent, ils se régalent de mon corps. Je tourne la tête et vois Héloïse en pleine extase : accroupie dans l'eau, elle se caresse sous ses jupons. J'imagine que maintenant, elle souhaiterait être à ma place. Je gémis les yeux fermés lorsque la langue de Paul s'engouffre dans mon intimité.
Lorsque j'ouvre les yeux, je me retrouve seule, au pied de l'arbre. J'ai dû m'assoupir. Je me redresse, m'étire. À ce moment-là, près de moi, je trouve un vieux carton jauni. Machinalement, je le prends et le regarde : le valet de pique… le mistigri !
Quel drôle de rêve, en ce bel après-midi d'été…
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