Accident
Matt Demon31/10/201813 avril 2018
Noir. J'ouvre les yeux. Blanc. Plafond blanc. Une potence en métal à droite. J'ai déjà vu ce genre de truc. Je ne sais plus où. Deux sacs plastique suspendus. Un plat, l'autre bombé. Vide, plein. Liquide translucide. Comme de l'eau. Deux tuyaux descendent. Vers où ?
Je tente de réfléchir. Mon cerveau est en plein brouillard. J'essaie de me gratter la tête. De la main gauche (je suis gaucher), machinalement, pour stimuler les méninges. Rien ne bouge. J'essaie avec la droite ; pas mieux. Je sens que je devrais m'inquiéter. Mais non, c'est pas grave. Rien n'est grave. Dodo.
J'ouvre à nouveau les yeux. Le plafond est toujours aussi blanc, la potence me domine toujours, les deux sacs sont pleins. Je tourne la tête vers la droite, vers la lumière. Une fenêtre. Des stores extérieurs noirs découpent le paysage, un mur beige avec des fenêtres noires. Je remue. Je suis dans un lit, pas le mien. « Hôpital » : le mot s'imprime sur mes rétines. Je suis à l'hôpital.
Je fais quoi ici ? Je vais bien. Vingt-cinq ans, pas de tabac, peu d'alcool, du sport tous les jours : natation, footing, tennis, un peu de basket. Alors quoi ? AVC ? Crise cardiaque ? J'aimerais me gratter le nez, c'est pas trop demander ? Mais non, je suis bloqué dans ce putain de lit et je ne peux pas bouger. « Pas bouger ? » Une sueur froide inonde ma nuque et assèche ma bouche. Paraplégique ? Tétraplégique ? Frénétiquement, je gigote, tente de remuer des jambes. Victoire ! À mon grand soulagement, le drap qui remontait sous mon menton recule, mes genoux se choquent.
Le soulagement est de courte durée ; une douleur aiguë traverse mon pied droit. Je pousse un juron. Une porte s'ouvre, une voix féminine me parvient :
— Ah, vous êtes réveillé ! Je vous ai entendu, vous avez dit un vilain gros mot. Comment vous sentez-vous ?
— Je ne sais pas, dis-je d'une voix rauque. Je… j'ai soif.
— C'est normal, votre gorge est sèche. Je vous fais boire avec une pipette.
J'acquiesce et accepte avec gratitude quelques gorgées d'un liquide à peine sucré et tiède, servi par une jeune femme ronde et souriante aux yeux pétillants.
— Voilà, je m'excuse, mais on va commencer doucement pour boire. J'appelle l'infirmière, elle va venir dans deux minutes.
Bip-bip, elle est déjà repartie. Je me torture les méninges pour essayer de savoir pourquoi je suis à l'hôpital. Rien, nada, nothing. Et mon putain de nez qui me démange…
La porte s'ouvre. Une voix féminine, différente de la première. Une toute jeune femme approche. Putain, ils les prennent au berceau, les infirmières, ici ? Je lui donnerais dix-sept ou dix-huit ans à tout casser.
— Bonjour ! Je suis heureuse de vous voir éveillé !
— Et moi donc, grogné-je, en mode bourru.
— Je suis votre infirmière, du moins pour le moment. Vous vous sentez comment ?
— Joker. Je n'en sais rien. Je suis vivant, mais je fais quoi ici ? Pourquoi j'ai les mains attachées ? C'est à croire que vous avez peur que j'étrangle quelqu'un.
— À votre mine, j'ai l'impression que ça pourrait vous tenter. Vous avez la clavicule droite cassée et une fracture de la tête du radius gauche. C'est pour ça que vos bras sont immobilisés. Vous devez rester immobile.
— Ah… Et comment…
— Vous ne vous souvenez de rien ? Vous avez un trauma crânien, c'est pas étonnant.
Je reste coi. Je ne me souviens pas, d'accord, mais de quoi ? Mon regard doit être particulièrement vide car la jeune infirmière rit, dévoilant de jolies dents blanches contrastant avec sa peau café au lait de métisse. Ce rire creuse des fossettes sur ses joues et fait plisser ses yeux dorés. Elle est jolie et avenante ; mon cœur s'emballe.
— Je viens d'avertir le commissariat ; ils arrivent. Ils pourront vous expliquer. Et si vous avez un souci, je suis là. Vous m'appelez… Je vous mets la sonnette d'appel dans votre main droite et je cours !
Elle est marrante. Gaie comme un pinson. J'ai besoin de ça : je broie du noir. Seul dans cette chambre impersonnelle, je regarde la télé d'un œil terne. Une série américaine bien débile sur un bateau de croisière. Et je ne peux même pas zapper ou carrément arrêter cette connerie. Je me morfonds en essayant de me rappeler…
Bon, je m'appelle Morgan. Morgan Le Dévédec. Breton de Kemper (ne cherchez pas, c'est le vrai nom de Quimper), orphelin et célibataire ; j'ai encore le temps pour me caser. Ma seule famille se compose d'un frère aîné à Toulouse et d’une sœur cadette à Nice. J'habite en banlieue de Nantes où je bosse comme architecte salarié dans un cabinet. Ma spécialité : le bioclimatique.
La porte s'ouvre ; deux uniformes entrent dans mon champ de vision. Des flics, un homme et une femme. Lui est maigre comme un clou ; elle, plus jeune, remplit bien sa chemise réglementaire.
— Bonjour. Police Nationale. Nous venons pour votre accident de mercredi.
Bon, j'ai eu un accident, semble-t-il. Rien ne se déclenche dans mon cerveau qui reste désespérément vide. D'accord.
— Je suis désolé, mais je ne me rappelle de rien. Pouvez-vous m'expliquer un peu ?
— Ah, ça arrive, reprend la femme. Mercredi matin, à 08 h 20, soit avant-hier, votre moto a percuté une voiture. Un témoin a certifié que ladite voiture faisait un demi-tour sur la chaussée. Le conducteur ne vous avait pas vu.
Putain, le flash ! Tout me revient en vrac : le pont de Pirmil, l'île Beaulieu que je traverse sur ma VFR pour entrer dans le vieux Nantes, et la Clio à ma droite qui tangue avant de braquer brusquement à gauche au niveau de Vincent Gâche. Sans mettre les clignotants. Je tente d'éviter et freine un peu. Je vois le visage éberlué du conducteur, un jeune aux cheveux noirs, bouche ouverte. Je tape du flanc droit contre l'aile avant gauche, vole par-dessus le capot, atterris durement sur le bitume et vais me fracasser contre l’îlot central, après la voie cyclable. Mon dernier souvenir, c'est le panneau de signalisation : un rond bleu avec une flèche blanche. Et le bruit du casque qui résonne.
Je devais à peine rouler à 50, merde. Et j'avais une tenue de motard complète : veste renforcée, dorsale, casque intégral, gants homologués (les nouveaux), chaussures spéciales. Les flics prennent des notes comme je leur raconte ma version des faits, corroborée par les témoins. Ma Honda est au garage, mais probablement fichue. Et moi, je sors de deux jours de coma, m'explique-t-on.
— Nous avons averti votre entreprise de votre accident, commente le policier. Vous voulez-bien signer votre déposition ?
— Dès que je pourrai je le ferai.
Les deux flics tressaillent, peu habitués à essuyer ce genre de refus. L'infirmière restée à proximité intervient :
— Monsieur Le Dévédec a les deux bras cassés ; il ne signera rien de sitôt.
Le policier grommelle dans sa barbe comme quoi ce n'est pas réglementaire, alors que sa collègue m'adresse une mimique apitoyée. Eh oui, ma bonne dame, je ne peux même pas me torcher le cul. Putain, c'est vrai, ça ! J'ai un instant d'absence en songeant à tout ce dont je suis incapable.
Les flics partis, je m'en ouvre à l'infirmière :
— Dites, je suis coincé pour combien de temps, exactement ? J'ai subi quels dégâts ?
— Eh bien, le docteur va passer d'un instant à l'autre. Non que j'aie peur de vous le dire – ce n'est pas mon genre – mais il n'aime pas que les petites infirmières piétinent ses plates-bandes.
Effectivement, cinq personnes entrent quelques minutes plus tard, le chef et son aréopage. Verdict : quatre côtes cassées, un hématome près d'un poumon, lequel n'est pas perforé. Clavicule droite cassée net, fracture radiale du coude gauche, pied droit écrasé avec entorses multiples mais pas de fracture. Traumatisme crânien (à propos, mon casque doit être foutu) et des plaies du mollet jusqu'au bras droit. Trois semaines d'immobilisation pour le bras droit, plus d'un mois pour le gauche, à voir. Six mois au moins pour récupérer le pied droit.
Soudain, mon moral en prend un vieux coup. Je me rends compte que je porte une couche format XXL quand une aide-soignante vient la retirer, me nettoyer et me faire pisser dans un bassin de lit. L'infirmière m'explique ensuite, comprenant que je suis désemparé, que la couche, c'est fini si j'arrive à faire mes besoins dans un bassin spécial. Quand elle refait un pansement, j'aperçois mon pied qui a doublé de volume et présente des couleurs intéressantes, entre jaune et noir en passant par le violet. Il est énorme ! Déjà que je chausse du 50, je ne pourrai plus mettre que des chaussures de clown.
— Je vous laisse jusqu'à demain. Vous arriverez à tenir le coup ?
— Oui, si vous me promettez de revenir me voir.
— Je promets ! Vous n'êtes pas en train de me draguer, non ? me taquine-t-elle en m'adressant un splendide sourire.
— Hé, je sors du coma ; j'ai bien le droit de donner des signes de vie ! Je suis désolé si je vous ai froissée.
— Non, pas du tout ! J'entends parfois des commentaires bien plus désagréables. Je me chargerai de vous laver, si ça vous va.
Je présume que c'est plus le travail des aides-soignantes, mais je ne vais pas ressortir les conventions collectives du CHU.
— Dites, je suis à quel hôpital, au fait ? Carquefou ?
— Non, vous êtes au CHU du centre, rue Ricordeau. Au service orthopédie traumato.
Non pas que je songe à aller me promener en ville ; je subodore que ça ne va pas arriver avant longtemps.
Je mange (enfin, on me fait manger), mais je n'ai pas d'appétit. Je dors, longtemps. Sans rêve.
Des collègues passent me voir le matin suivant. Ils finissent de remplir le dossier d’accident de travail, pour la prise en charge des soins, puis l'infirmière les chasse pour s'occuper de moi.
— Pour une fois que j'ai le temps, constate-t-elle, je vais pouvoir vous laver correctement. Depuis votre arrivée, c'était difficile. Vous m'aiderez un peu pour vous mettre de côté gauche, que je m'occupe de votre dos. Je n'y arriverai jamais toute seule, surtout qu'avec vos côtes cassées il faut vous manipuler doucement.
— Dites tout de suite que je suis gros, protesté-je en souriant.
— Pas vraiment, mais avec votre taille… On n’a pas idée d'être aussi grand : le lit est trop petit ! Vous mesurez combien ?
— À peine deux mètres. Et quelques centimètres, un ou deux de plus.
— C'est bien ce que je dis. Vous devez peser cent kilos bien tassés.
— C'est pas faux.
— Kamelott, livre 1.
— Perceval, mon préféré…
Je souris bêtement. Nous sommes tous deux fans de la série Kamelott ! C'est bien de partager sur un tel sujet avec quelqu'un, surtout dans ce contexte. L'infirmière retire drap et couverture et examine ma jambe droite, la plus touchée.
— Vous avez mal ? Je peux augmenter le dosage d'analgésique.
— Pour le moment, c'est bon.
J'ai un moment de gêne quand elle enlève le semblant de chasuble en coton blanc qui couve mon corps jusqu'aux cuisses. Je n'ai pas l'habitude de me retrouver à poil devant une jolie fille dans ces conditions. Je lorgne sur le badge collé sur sa poitrine pour déchiffrer son prénom ; elle s'en rend compte et rit, toute en dents blanches et fossettes.
— Pour ma poitrine, vous ne verrez pas grand-chose ; mon prénom, c'est Loane.
— Merci. C'est un joli prénom. Pour votre poitrine, je vous demande pardon, je ne voulais pas…
— Pas de souci. Dites donc, je vous fais de l'effet ! Votre petite amie a bien de la chance…
Je sais que c'est physiologique, mais je suis affreusement gêné de me mettre à bander devant la jeune infirmière qui recule un peu.
— Je n'ai pas de petite amie. Ni personne d'ailleurs, bougonné-je.
— Elles ne savent pas ce qu'elles ratent, dans ce cas ! Bon, c'est aussi proportionné à votre taille, je présume. Voire un peu plus. Bon sang, elle va arrêter de grossir ? Je vous fais tant d'effet ?
— Je suis désolé, c'est… Je n'y peux rien. On a pas idée d'être aussi belle, ajouté-je en reprenant ce qu'elle avait dit sur ma taille.
— C'est gentil. Vraiment.
— C'est la vérité. Votre petit ami vous le dit souvent, non ?
— Petit sournois ! C'est une question pour savoir si je suis en couple ou je n'y connais rien en drague. Eh bien non, je vis seule depuis un moment.
— Je vous fais remarquer que c'est vous qui avez commencé. Vous ne devez pas manquer de prétendants, jolie, intelligente…
— Ouais, et pauvre et noire, aussi. Pour certains, ça compte beaucoup.
— Il y a des cons partout. Votre peau est… Je ne trouve pas de mots pour traduire mon ressenti. Lumineuse ? Fascinante ?
— Merde, vous me faites rougir. L'avantage de ma peau, c’est que ça se voit pas trop.
Pendant ce temps, ma bite ne débande pas, au contraire. Elle atteint sa taille maximum, raide à me faire mal. Loane me jette un drôle de regard que je ne peux déchiffrer, puis elle file à la porte et la ferme à clef avant de revenir vers moi, arborant une mine de chatte gourmande.
— Voilà. Je vais pouvoir soulager cette tension, sinon ça va devenir douloureux. Ce que je m'apprête à faire est quasiment un acte médical.
— Quasiment, en effet.
D'un seul mouvement, la jolie infirmière se penche, saisit la base de ma bite et engloutit le gland après l'avoir décalotté. Elle me regarde alors, les yeux dans les yeux. Ses joues se creusent quand elle pompe fort, ses lèvres encerclent l'épais fût de ma queue gonflée de sang ; elle avance jusqu'à toucher les doigts de sa main droite, puis elle se redresse et considère un instant mon sexe dressé luisant de salive.
— Qu'elle est grosse ! J'en ai plein la bouche. Et ça m'étonnerait que j'arrive à l'avaler toute, vu sa longueur.
— Je ne te le demande pas, tu sais. Ce que tu fais est divin. Vu les circonstances, on peut se tutoyer, non ?
Loane ne répond pas car elle vient d'engloutir à nouveau une bonne partie de ma hampe rigide. Elle s'active, alternant succions et léchage, avant de se redresser, les yeux brillants et les lèvres gonflées.
— Tu es clean ? Je n'ai rien contre avaler ; les hommes aiment bien, en général.
— Oui. Je n'ai pas eu de relation sexuelle depuis cinq mois et j'ai fait un dépistage depuis. Mais tu n'es pas obligée, tu sais…
— Je sais, mais j'en ai envie. Je veux te faire plaisir.
Tout en parlant elle malaxe mes couilles pleines, puis elle plonge en avant et reprend sa délicieuse fellation. Je l'avertis quand le plaisir monte, mais elle ne recule pas et reçoit ma semence qu'elle avale, déglutissant au rythme des lourdes rasades crachées par mon membre. Elle le garde en bouche quelques instants avant de reculer et de lécher le méat d'où sourdent quelques gouttes.
— Merci, Loane. Je ne peux pas trop te rendre la pareille, mais si tu veux de moi – je l'espère – je te ferai l'amour dès que j'en serai capable.
— Un mois, Morgan, un petit mois. Je ne pense pas que tu seras complètement guéri, mais quand même en bonne voie. Oui, je veux bien de toi, comme tu dis. Nous trouverons sûrement le temps long ; ce soir, je me caresserai en rêvant de toi, de ta grosse bite au fond de mon ventre, de tes grandes mains sur mes seins et mes fesses.
Je sais pas ce que vous en pensez, mais au moins ce foutu accident aura servi à quelque chose : grâce à lui j'ai trouvé l'amour, tout simplement. Moi qui ai toujours fantasmé sur les blondes à forte poitrine, je suis tombé amoureux d'une métisse aux seins tout pointus.
Après dix jours d'hôpital, j'aurais dû aller en maison de repos ; au lieu de ça, Loane est venue habiter chez moi, un appartement au premier étage d'une petite résidence à Rezé. Tout naturellement, depuis fin avril, elle partage mon existence. Elle n'a pas rendu son logement ; pas encore, mais jour après jour elle apporte ses affaires chez moi. Y compris son vieux matou, Blacky, qui m'a adopté après un bon quart d'heure de méfiance.
Presque quatre mois après mon accident, j'ai encore des douleurs dans l'épaule droite mais j'arrive à marcher sur cent mètres sans souci. Nous faisons l'amour tous les jours, toujours dans la même position : moi allongé sur le dos, Loane faisant tout le travail. J'aime voir ses seins aux aréoles sombres se balancer sous mes yeux ; j'aime voir le plaisir et la jouissance envahir le visage de ma compagne, ses yeux se voiler, ses lèvres trembler. J'aime Loane.