Variations autour d'Halloween
Lioubov et H.P. Brodsky15/04/2017Un Halloween vraiment fantastique !
En cette soirée du 31 octobre, j'attends la venue des enfants déguisés et maquillés qui font la chasse aux bonbons ; comme chaque année, j'en ai constitué un bon stock et creusé une citrouille pour en faire un Jack-o'-Lantern qui, placé sur le rebord d'une fenêtre et éclairé de l'intérieur par une bougie, indique que je participe à cette fête païenne de Samain au cours de laquelle les Celtes prétendaient avoir accès à l'Autre Monde, celui des esprits maléfiques et des dieux.
Alors que le soir tombe et que je regarde à la télévision un épisode des Simpsons « spécial Halloween », la sonnette retentit. Quittant la mezzanine, je me précipite dans l'escalier hélicoïdal pour rejoindre le rez-de-chaussée. Lorsque j'ouvre la porte, je me trouve face à cinq gamins grimés et déguisés qui me tendent des paniers et des sacs pour que j'y dépose des confiseries en réclamant :
— Des bonbons ! Des bonbons !
Satisfaits, ils me remercient et s'éparpillent en piaillant dans la brume qui commence à étirer ses voiles opaques. Je remonte en vitesse dans la mezzanine pour la suite des aventures d'Homer et de sa famille.
D'autres quémandeurs de friandises me dérangent à plusieurs reprises, et à chaque fois les petits fantômes, zombies ou squelettes plus ou moins bien déguisés repartent dans la nuit qui est à présent tombée. Je prends mon iPhone pour réaliser quelques photos de la maison dans la brume et du Jack-o'-Lantern qui la décore et sors. Lorsque je me retourne vers la façade, je m'aperçois que ma belle citrouille a disparu ! Je suis dépité, vu le temps que j'avais passé à la sculpter pour la rendre effrayante.
Décidé à me venger de ces galopins s'ils venaient à repasser chez moi, je décide de les terrifier. Je passe un masque de sorcière particulièrement hideux avec son menton en galoche, son long nez tordu parsemé de verrues, ses sourcils en broussaille et son teint blanchâtre, revêts une longue cape sombre et me coiffe d'un large chapeau pointu de sorcière.
Je n'ai pas beaucoup de temps à attendre sous le masque étouffant avant d'entendre le tintement de la sonnette ; lorsque j'ouvre la porte en émettant un ricanement sardonique, les enfants se figent sur place, pétrifiés par cette apparition, puis ils font volte-face et s'enfuient en courant ; j'en entends même certains pleurer. Satisfait de mon stratagème, je me débarrasse de mon déguisement et remonte dans la mezzanine ; malheureusement, ma série préférée étant terminée, je m'installe devant mon ordinateur pour écrire quelques conneries sur le forum de Xstory.
Quelques minutes plus tard, nouveau tintement de sonnette. Lorsque j'ouvre, je me retrouve non pas face à des enfants, mais à un adulte. Une adulte, devrais-je dire, car les formes que recouvrent son justaucorps noir sur lequel est peint un squelette m'indiquent qu'il s'agit d'une femme, et même d'une très belle femme ; quel dommage que je ne puisse distinguer son visage recouvert d'une citrouille ! Une citrouille très bien faite, d'ailleurs, sculptée avec beaucoup de réalisme, à tel point que lorsque cette femme prend la parole, la bouche s'ouvre, dévoilant de petites dents triangulaires semblables à celles des requins. Elle m'interpelle :
— Alors c'est vous qui effrayez les enfants ?
— Oh, c'était juste une plaisanterie…
— Une plaisanterie, peut-être, mais de fort mauvais goût !
— Attendez, je vais vous expliquer. Entrez ; vous avez bien cinq minutes ?
Elle me précède dans le living et s'installe sur le fauteuil que je lui désigne. Je m'assieds sur le canapé qui lui fait face.
— Vous boirez bien quelque chose…
— Non, merci. J'attends vos explications.
Je me verse une lampée de Chartreuse verte dans un verre à liqueur et m'absorbe durant quelques secondes dans la contemplation de l'alcool.
— En fait, ces gamins se sont permis de dérober la citrouille que j'avais sculptée. J'ai voulu leur donner une leçon.
— Vous vous y êtes pris plutôt mal !
C'est vrai que je les ai un peu brusqués, ces gamins. J'avale une gorgée de Chartreuse pour me donner une contenance ; lorsque je repose mon verre, je constate que mon interlocutrice a adopté une posture plus décontractée : bien calée contre le dossier, elle a croisé les jambes.
— Ce n'était pas très habile de votre part, reprend-elle.
— Peut-être ; certainement parce que je ne suis pas habitué aux enfants. Voyez-vous, je suis un célibataire endurci.
— Pourtant, vous êtes bel homme…
En disant cela, elle décroise ses jambes et les écarte largement. Mon regard est inexorablement attiré par les cuisses fuselées et remonte vers leur jointure. Elle ne porte aucun sous-vêtement ; le justaucorps moule admirablement une vulve aux lèvres charnues d'où suinte un liquide qui forme une tache sombre sur le tissu foncé. Elle se tait et me regarde fixement. Il me semble voir les lèvres de la citrouille esquisser un sourire…
Incapable de résister à cet appel obscène, je me précipite vers la belle et m'agenouille devant elle pour poser mes lèvres sur le fruit juteux à peine masqué par les mailles du fin tissu déjà gorgé de suc dont ma langue se régale durant des minutes qui me semblent interminables. Ce n'est que lorsqu'elle se pose sur son clitoris rigide pour y effectuer quelques mouvements de va-et-vient que je sens ses jambes se crisper, son ventre se projeter vers ma bouche avide et que j'entends un long râle de jouissance. Après avoir repris son souffle, elle déclare :
— Merci ; c'était vraiment délicieux… À présent, relevez-vous. Oh, mais je ne vais pas vous laisser dans cet état, mon pauvre Monsieur !
Joignant le geste à la parole, elle extirpe de mon pantalon ma verge congestionnée au bord de l'explosion, se penche et la fait pénétrer dans sa bouche. J'apprécie pendant quelques secondes les délicates caresses de sa langue.
Lorsque je sens ses dents pointues et coupantes comme des lames de rasoir se refermer derrière la couronne de mon gland, je hurle de douleur et de terreur pendant que mon sperme mêlé à mon sang se déverse à gros bouillons dans la bouche de la citrouille.
Je comprends alors que la belle ne portait pas de masque.
Brodsky's Family
À Lioubov, en réponse à son Halloween vraiment fantastique.
Je déteste Halloween. Cette fête introduite en douce en France par la CIA afin de relancer la conquête culturelle des Étasuniens m'a toujours horripilé. J'ai deux enfants, qui sont grands maintenant, et auxquels j'ai toujours interdit de racketter les vieux comme Lioubov le soir de cette fête idiote. Un soir, ce sont mes neveux eux-mêmes qui ont eux le culot de sonner à ma porte.
— Des bonbons, tonton… ou une malédiction !
Je leur ai refilé des chocolats périmés mélangés à des bonbons au poivre et quelques dragées Fuca. Ils ne sont pas revenus, ces sales gniards.
Nom de Zeus ! Le 1er novembre, c'est la fête des morts et des marchands de chrysanthèmes qui squattent les abords des cimetières. C'est pas que je sois fan du machin, mais c'est la tradition. On prend une mine austère, on s'habille en noir et on emmène les enfants sur les tombes de leurs trisaïeux dont on ne se souvient même plus du nom, mais qui sont enterrés là… ou pas loin… et on se recueille un instant devant leur tombe… ou pas loin.
Les mômes, ça les emmerde grave. Et c'est ça qui est génial, ah-ah ! Le 1er novembre est le seul jour férié où ces petits crétins préféreraient aller en classe !
Mais bon, ces petits plaisirs disparaissent bien vite ; les enfants grandissent, et pervertis par le mercantilisme ricain se mettent à leur tour à poser des masques de citrouille sur leur tronche. Faut les voir, tous ces débiles, jeunes et moins jeunes, déguisés en cadavres ou autres créatures lovecraftiennes. Et ma voisine… Non mais, quelle conne, celle-là ! Je la croise, maquillée en vampire balafré.
— Ben, qu'est-ce qui vous arrive ?
— C'est Halloween, Monsieur Brodsky, alors je me suis maquillée pour faire peur aux gens.
— C'est raté.
— Je vous fais pas peur comme ça ?
— Ben non. En tout cas, beaucoup moins que sans maquillage.
— Connard !
— Hé-hé…
Bref. Donc ce soir, ma chérie débarque chez moi avec Zébuline et Zébulon, ses deux adorables bubons, euh… poupons. Je me délecte déjà à l'idée de les emmener demain au cimetière sur la tombe d'oncle Adolphe, dont mon arrière-grand-père déjà n'était pas très sûr qu'il appartenait à notre famille, mais qui était le seul à l'époque à avoir son portrait sur la pierre tombale, comme un grand bourgeois de l'époque, et que ça en jetait de se recueillir devant lui plutôt que devant la fosse commune où qu'on avait foutu mémère pour la punir de ne rien avoir laissé à personne en héritage.
Il a une vraie bonne sale gueule, l'oncle Adolphe, sur la photo. D'ailleurs, il ne s'appelle pas Adolphe non plus, et on ne sait pas comment il s'appelle, vu que le nom est effacé depuis des lustres ; mais il arbore fièrement la moustache de l'Autre Adolphe, celui qu'on a retrouvé cramé dans son bunker en 1945. La moustache de blaireau, la petite mèche d'enfoiré… Putain, se recueillir devant ce mec, c'est trop de la balle, je vous dis ! Le regard que vous lancent les autres, les jaloux qui n'ont pas réussi à se dégoter un ancêtre aussi nauséabond… un plaisir !
Et voilà que soudain ma chérie m'annonce :
— Bon, c'est pas tout, mais il est temps de les maquiller.
— Hein ?
— Hé, réveille-toi, Brodsky : c'est Halloween ce soir.
— Euh… je fête pas Halloween.
— Ben si.
— Mais…
— Allez, bouge ton cul ! Il faut pas tarder, sinon il n'y aura plus de bonbons chez les voisins.
Et nous voilà, une heure après, à tirer les sonnettes des pavillons environnants pour demander des bonbons à la con. Je regarde Zébuline et Zébulon d'un œil torve… Bien envie de leur en faire baver, moi, j'vous dis. C'est alors que j'ai une idée géniale ! Je prends les devants sous prétexte d'une envie de pisser et je fonce vers le pavillon d'un vieux qui a décoré sa fenêtre d'un magnifique Jack-o'-Lantern. Je le lui pique sans faire de bruit, puis quelques dizaines de mètres plus loin je l'écrase contre un mur et le piétine rageusement. Je le connais, le vieux : c'est un Ruskoff picoleur en diable, très à cheval sur l'honneur et les bonnes femmes. Hé-hé…
Quand Zébuline et Zébulon se pointent pour sonner chez lui, la porte s'ouvre dans un bruit de tonnerre et le voilà qui sort, éructant des injures, déguisé en sorcière… Ha-ha-ha ! Les mômes se tirent en hurlant. Zébuline se pisse dessus et Zébulon a les cheveux dressés sur son crâne pour le restant de ses jours. Ma chérie est furax après le vieux déguisé en sorcière et lui hurle dessus des trucs comme :
— Tu mériterais qu'on te tranche la bite, enfoiré !
Moi, bien sûr, je prends l'air sidéré, attristé… Iago, dans Othello.
— Oh, mes pauvres chéris… Venez là que je sèche vos petites larmes… Oui, elle est vilaine la dame qui vous a crié dessus… Oui, elle est pas belle… Mais bon, c'est pour ça que je vous avais dit de ne pas aller chercher des bonbons. Ici, les monstres, ça existe vraiment, ben oui… Et encore, vous avez eu de la chance qu'elle ne vous ait pas attrapés : il paraît qu'un jour elle a mangé POUR DE VRAI un petit enfant qui s'était perdu pas loin de chez elle.
Victoire totale ! Les mômes sont traumatisés À VIE ! Plus jamais je ne serai obligé d'aller faire le con avec eux la nuit d'Halloween. Même ma bien-aimée ne cesse d'éructer maintenant sur ces tarés qui font peur aux enfants.
— Ben oui… je réponds. Y'a vraiment des adultes cruels et méchants.
Le repas du soir se passe donc dans une ambiance d'enterrement. Ma chérie est partie déposer une plainte contre le tortionnaire d'enfants, hé-hé-hé… Des mômes ont sonné à la porte pour avoir des bonbons à leur tour. Zébuline s'est mis à pleurer en croyant que la sorcière revenait la chercher. Moi, je suis doux, prévenant, dégoulinant de gentillesse… jusqu'au moment du dessert.
— Vous voulez quoi comme dessert, les enfants ?
— Un nayourt !
— Un yaourt à quoi ?
— Un nayourt au camembert.
— Ça n'existe pas, les yaourts au camembert, Zébulon.
— SIII… Je veux un nayourt au camembert !
— Au caramel, tu veux dire…
— NOOON, au camembert ! JE VEUX un nayourt AU CAMEMBERT !
« OK, tu as décidé de me faire chier ce soir, toi… Très bien. » Je coupe un morceau de calendos bien coulant et le colle trente secondes dans le micro-ondes, puis je le mélange à un yaourt nature.
— Vous voulez du sucre dans votre nayourt au camembert, les enfants ?
— Oui.
Génial ! Ils vont adorer…
— Voilà, c'est prêt ! Mais je vous préviens : il faut tout manger, ne rien laisser.
— Ouiii !!!
Évidemment, ça ne rate pas : c'est tellement infâme que, dès la première bouchée, les mômes passent par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.
— Bah, c'est pas bon…
— C'est du nayourt au camembert.
— Oui, mais c'est pas bon.
— Oui, mais il faut tout manger.
— Nooon, c'est trop pas bon.
— Je sais… mais la sorcière vous cherche. Et si vous n'avalez pas tout, ça pue tellement qu'elle va être attirée par l'odeur du camembert.
— Ben, t'as qu'à le manger, toi.
— Ben non, je n'aime pas ça, moi, le nayourt au camembert.
— Oui, mais tu nous aimes…
— Et alors ?
— Et alors, si tu ne le manges pas, la sorcière va venir nous prendre, et ce sera ta faute, et maman va t'en vouloir… et elle ne t'aimera plus.
Ils sont géniaux, ces enfants ! Tordus. Monstrueusement tordus. Consciemment ou pas, le coup du nayourt au camembert, c'était pour que je sois obligé de me l'enfiler. Comme mes neveux avec les dragées Fuca.
Je goûte une première bouchée… Putain, c'est vraiment dégueulasse ! Je vais avoir l'haleine chargée… Je les regarde à nouveau, cette fois empli d'admiration. Et je constate que les canines de Zébuline sont un peu pointues et que la colonne vertébrale de Zébulon semble se terminer par une queue pointue elle aussi. On a pourtant ôté les déguisements. Hum, étrange… Enfin, pas tant que ça : « Qui se ressemble s'assemble. » dit-on… Alors, en cette nuit d'Halloween, si vous passez par ici et que vous n'avez peur de rien… bienvenue chez les Brodsky !