Prédateurs
H.P. Brodsky15/04/2017Je faisais partie à cette époque d'un jury littéraire, m'appliquant à mettre des zéros consciencieux aux jérémiades incessantes de quadragénaires mal baisées qui racontaient pourquoi et comment leurs mecs étaient des salauds qui méritaient de perdre la garde de leurs mômes et de raquer un max de pension alimentaire. « Tous les mecs sont des enfoirés ? T'as raison, ma cocotte. La preuve : te voilà éliminée d'office. »
J'étais plus indulgent avec les boutonneux qui, n'ayant rien à raconter, se réfugiaient dans l'heroic-fantasy. Il y avait souvent un réel effort, vu les circonstances, mais les nains qui tabassent les dragons pour leur piquer leur trésor tandis que les elfes sauvent la gentille princesse, ça m'a toujours gavé. C'était 10 pour tout le monde si c'était écrit en français, ce qui leur laissait une chance pour l'une des dix premières places primées au concours.
Une fois ces deux piles corrigées – ce qui représentait les neuf dixièmes des manuscrits – restaient quelques histoires originales, parfois intéressantes, souvent assez inégales. Je cherchai désespérément LA perle ; je la trouvai dans le tout dernier manuscrit.
C'était l'histoire d'une môme depuis peu sortie de l'adolescence, éperdument amoureuse de son vieux prof de piano. On y suivait pendant quatre pages tous les stratagèmes employés par cette apprentie Merteuil afin de prendre ce pauvre homme dans ses filets. Le vieux était clairement troublé, mais résistait avec toute la vigoureuse morale chrétienne dont il était capable. Comprenant que tout était perdu, la fillette se décidait à l'empoisonner à l'aide d'une tasse de thé, et pendant que le professeur glissait lentement vers la mort, elle lui déboutonnait son futal afin de lui tailler une pipe magistrale juste avant son trépas. « Tu es à moi désormais ! » concluait-elle avec un sourire démoniaque.
Toutes ces perversions étaient servies par une écriture au style naïf, presque enfantin, qui donnait au texte un côté surréaliste et profondément malsain. De la belle, de la grande écriture. Magnifique.
Cette année-là, les débats furent assez courts. Cette histoire, racontée par une certaine Marie, fit sensation et remporta le prix à l'unanimité moins deux voix, celles de deux quadragénaires divorcées.
C'est une jolie jeune femme timide de tout juste dix-huit ans qui s'avança pour recevoir les 700 euros qui récompensaient la gagnante du concours. Une véritable bombe, dans une robe de soirée noire qui mettait en valeur ses hanches larges, deux jambes magnifiques et un 95 double D à tomber à la renverse. Mais visiblement, tout le monde s'en foutait… Parce que ce qu'il faut savoir sur les prix littéraires, c'est que le petit monde qui les organise n'a pas d'autres préoccupations que sa propre autoglorification : « Regardez comme on est beaux, comme on est généreux, comme on est intelligents, comme on découvre des talents, comme ils sont bons, nos petits fours. Et notre champagne… Aaaaah, notre champagne… Du Feuillatte, Monsieur, et l'année prochaine on aura du Dom Pérignon. »
Je m'approchai de Marie, qui semblait toute perdue au milieu de cette bande d'escrocs et entrepris de la féliciter. Elle était toute timide, la pauvre puce, pas à sa place. Moi non plus…
— Vous voulez que je vous dépose à la gare pour rentrer chez vous ?
— Pas la peine, c'est gentil. Je dors à l'hôtel. Je ne repars que demain.
— Vous n'avez rien mangé ? Pas bons, les petits fours ?
— Pas mon truc…
— Je vous invite au restaurant. On sera plus au calme pour parler de ce que vous écrivez. D'accord ?
— D'accord.
On s'est trouvé une pizzeria encore ouverte ; j'ai commandé une escalope milanaise avec une bouteille de Valpolicella, et elle une salade de fille. On a parlé de tout, de rien, de sa façon d'écrire, de ses lectures, de sa passion pour Victor Hugo, de sa détestation de Sartre… Les yeux dans les yeux… Ses beaux yeux noirs… Ses longs cheveux noirs… Ses seins magnifiques dans son superbe décolleté noir… Baudelaire… Poe… Le corbeau… Son rimmel noir… On se souriait, nos mains se frôlaient sans cesse… David Goodis… Le roman noir… Chandler… Deux espressos… noirs. Silence. Un ange passe… Elle me regarde intensément…
— Dommage, qu'elle me dit.
— Pourquoi « dommage » ?
— Vous me plaisez beaucoup, Simon, mais mon cœur est déjà pris.
— Votre cœur ? Oh, je visais pas si haut…
Immédiatement je reçois son espresso en plein visage. Me voilà la barbe et la chemise pleines de café.
— Espèce de goujat ! Vous avez tout gâché !
— Hé… du calme, je réponds. Je croyais que vous étiez fan de Molière.
— Et alors ?
— « Vous n'aurez jamais mon cœur, Monsieur ! / Je ne visais pas si haut, Madame ! » C'est une réplique de je ne sais plus quelle pièce.
— Oh, désolée… Je suis…
Elle est debout, désemparée. J'éclate de rire. Je me lève à mon tour et la prends dans mes bras. Elle lève la tête, me regarde, sourit… Premier baiser.
Nous voici dans sa chambre d'hôtel. Le vin, son regard, ses jambes, ses seins… J'ai envie d'elle, comme un fou. Elle déboutonne ma chemise lentement. Ses ongles parfaits caressent doucement ma poitrine. Puis, dans un murmure…
— Ça te dirait de jouer avec moi, Simon ?
— Je crois bien qu'on est là pour ça, jeune Demoiselle.
— Je ne suis pas certaine que tu sois taillé pour ça…
Je n'en crois pas mes oreilles : elle ne doute vraiment de rien ! Je vais la pousser un peu dans ses limites.
— À quoi tu veux jouer, Marie ?
— À te surprendre.
— Vraiment ?
— Tu es prêt à perdre tout contrôle ?
— Si tu y arrives. Essaie toujours.
— C'est incroyable le monde qu'il y a dans cet hôtel, tu ne trouves pas ?
— Tu as raison. Faudra pas faire trop de bruit…
— Ben non ! Tu te rends compte, si je me mettais à crier ?
— On fera attention.
— Imagine… Je suis à peine majeure, tu as 40 ans… Je crie, les gens se pointent, je dis que tu as voulu abuser de moi…
— …
— Tu serais dans la merde, hein ? Avoue !
Je ne sais plus où j'en suis. Je trique comme un malade, mais je me mets à flipper grave.
— C'est quoi ce jeu, Marie ?
Son regard est devenu glacial.
— À genoux !
— Quoi ?
— À GENOUX, CHIEN ! Ou je te jure que j'appelle au secours.
Je ne sais plus quoi faire. Mes jambes tremblent. J'ai peur, putain… Elle est malade. Lentement, je me mets à genoux. Elle s'avance devant moi, hautaine, merveilleuse, démoniaque.
— Désape-toi, maintenant. Retire ton blouson et ta chemise. Allez, dépêche-toi !
Je m'exécute fébrilement tandis qu'elle fouille son sac à main. Elle en sort une paire de menottes.
— Tu vois ces jolis bracelets ? C'est pour toi. Tu vas les mettre.
— Marie, écoute…
— Tu vas les mettre et tu vas fermer ta gueule ! Non, pas comme ça : les mains dans le dos. Voilà, c'est bien.
Elle sort le téléphone portable de la poche de mon blouson.
— C'est quoi, cette merde ? T'as pas d'iPhone ? On va voir si ça prend quand même de jolies photos, ce machin.
Le flash m'éblouit ; je ferme les yeux.
— À qui je pourrais bien envoyer ce cliché, hein ? C'est qui, Bibiche ? Ta conne de femme ?
— C'est une collègue. Je t'en prie, Marie, ne fais pas ça.
— Pourquoi ? Dis-moi pourquoi je me gênerais, sale pervers !
— …
— Je t'écoute !
— Je ferai ce que tu voudras, Marie. Tout ce que tu voudras. Mais je t'en prie, ne fais pas ça.
— Tu feras tout ce que je voudrai, de toute façon. C'est clair, salope ?
— Oui.
— Oui qui ?
— Oui, Marie.
Elle me colle une gifle d'une force incroyable. J'ai la joue en feu, et les larmes me montent aux yeux.
— Oui qui, salope ?
— Oui… Maîtresse.
— Tu vois, t'es pas si con quand tu veux. Tu es à moi désormais. Tu te rappelles ? C'est ce que j'ai dit à l'autre crétin avant qu'il crève.
— Tu… tu as vraiment fait ça ?
Je suis dans une panique complète. Pas moyen de bouger avec ces putains de menottes. Complètement à sa merci. Je tente une dernière feinte :
— Écoute, Marie, fais ce que tu veux, j'en ai rien à foutre. Tu peux même envoyer la photo. Mais là, attaché comme je suis, c'est moi qui vais me mettre à crier.
Elle éclate de rire.
Elle est diaboliquement belle.
— Bien joué, répond-elle alors doucement. On te la fait pas, à toi. Tu as de la ressource ; j'aime ça. Mais dis-moi, tu as vraiment envie que tout s'arrête déjà maintenant ?
En disant ça, elle s'est approchée de moi et a relevé sa robe. Elle me colle sa culotte sous le nez. Elle est trempée.
— Respire, petit salaud. Lèche-moi comme ça, à travers la culotte.
Je n'en peux plus d'excitation ; je lui obéis et la lèche comme un fou.
— Tu voudrais lécher ma chatte, hein, crapule ?
— Oui… Oui, s'il te plaît. J'ai envie de toi, Marie…
— Bien.
Elle ôte sa culotte et s'approche à nouveau.
Puis elle me prend par les cheveux et me l'enfourne dans la bouche.
— Alors comme ça, tu voulais appeler à l'aide ? Tu n'es vraiment qu'un pauvre con pathétique ! Tiens, je vais te montrer qui dirige vraiment les opérations.
Elle va jusqu'à sa valise et en sort une cravache. Elle sourit en voyant la stupeur au fond de mes yeux et m'assène un premier coup. Putain, ça fait mal ! Je tombe par terre en essayant de hurler, mais mon cri est étouffé par le bâillon. Elle frappe encore, plus fort, sur le dos, sur les bras. Je réussis à articuler :
— Pitié…
— Quoi ? Répète, pauvre larve !
— Pitié…
— Tu feras tout ce que je voudrai ?
Je fais oui de la tête. Elle se penche pour ôter la culotte de ma bouche.
— Je te préviens qu'au moindre signe de rébellion de ta part, je recommence. C'est compris ?
— Oui…
— Oui qui ?
— Oui, Maîtresse.
— Tu es à moi désormais ?
— Oui, Maîtresse.
— Dis-le !
— Je… suis à toi désormais.
— Bien, prouve-le alors : lèche mes escarpins.
Je m'exécute, mais avec les mains dans le dos, ce n'est vraiment pas facile. Lorsque ma bouche est presque arrivée à la pointe de sa chaussure, elle recule et je me retrouve à terre, comme un con.
— Lécher mes escarpins, ça se mérite, tu entends ? Tu vas ramper un peu, te tortiller comme un ver. Compris ?
— Oui, Maîtresse.
— Et un ver, c'est nu. Totalement nu. Pour l'instant, tu n'es même pas digne de ramper. Retire ton pantalon, connard.
— Mais, Marie… Comment veux-tu que je fasse, avec les mains dans le dos ?
— Je m'en tape complètement. Tu as deux minutes, sinon, je reprends la cravache.
Je me tortille comme je peux et j'arrive tant bien que mal à ôter mon futal et mes pompes. Elle s'est assise sur le lit et a commencé à se caresser la chatte.
— C'est bien. Tu apprends vite, finalement. Allez, viens nettoyer mes pompes avec ta langue. Si je suis satisfaite, je m'occuperai de ta queue… peut-être.
J'ignore combien de temps j'ai passé à lécher ses escarpins, entièrement : le dessus, les semelles, les talons, tandis qu'elle se masturbait.
— Tu bandes, esclave ?
— Évidemment que je bande… Maîtresse.
— Montre-moi ça ! C'est ça que tu appelles bander ?
— …
— Réponds, esclave !
— Oui, Maîtresse.
— C'est pas terrible. Tu as de la chance que je sois trempée. Il va falloir que je me m'en contente. Je vais venir m'empaler sur ta queue ; enfin, sur ton machin… Et je t'interdis de jouir avant moi, c'est compris ?
— Oui… Marie… s'il te plaît, je t'en supplie, prends-moi !
Elle vient alors s'asseoir sur moi et commence à prendre son plaisir. Je suis au comble de l'excitation. Je sens l'orgasme arriver ; impossible de me retenir. J'explose malgré l'interdiction qui m'est faite.
— Pardon, Marie… pardon… pardon, Maîtresse.
— Pardon de quoi Simon ?
Sa voix est à nouveau très douce.
— Pardon d'avoir joui avant toi…
Elle éclate de rire.
— Je t'avais dit que tu perdrais le contrôle.
— Hein ?
— J'ai gagné. Qu'est-ce que tu croyais ? Je gagne toujours.
— Mais… et toi ?
— Moi quoi ? Tu es toujours menotté, la nuit ne fait que commencer, et tu es à moi désormais. N'est-ce pas ?
— Oui, Marie.
— Dis-le !
— Je suis à toi, Marie.
— Bien. Alors on va recommencer. Viens me lécher la chatte, petit pervers…
Elle avait raison : la nuit ne faisait que commencer.